Zazie dans le métro : lecture méthodique, le monologue de Gabriel
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- Rappels sur l'intertextualité.
- La parodie.
Charles a emmené Zazie et son oncle visiter la Tour Eiffel. Or, ce dernier, pris de vertiges, est descendu puis a vu Charles quitter les lieux, prétextant la nécessité de s'éloigner de Zazie qui lui posait des questions embarrassantes. Laissé seul et attendant sa nièce, Gabriel se lance dans son monologue.
Il en profite pour contempler l’effervescence humaine et faire des remarques sur la vacuité d'une existence vouée à la mort (L. 11). Les humains semblent s’agiter en vain sans que cela n'ait de sens. D’ailleurs, l’écriture adoptée mime cette vie grouillante et vaine notamment grâce aux structures binaires des phrases : « monter, descendre, aller, venir… » (L. 2)
Cette réflexion, plus profonde que les échanges dialogués du reste de l’œuvre est également remarquable par le niveau de langue employé. Une fois seul avec lui-même, la langue devient correcte : « je ne sais en ce moment.. ».
La forme monologuée est critiquée dans le théâtre depuis le 17e siècle. Elle était jugée peu crédible dans l’action. L’ironie de l'auteur qui décrédibilise ce passage est présente dès le début car le monologue est introduit par « il médita ». Cet acte est censé prendre du temps et non pas durer seulement quelques secondes. Il s'agit donc d'une fausse réflexion.
Par ailleurs, le succès que rencontrera Gabriel auprès des touristes à la fin de son monologue renforce cette idée. On a l'impression d'une pensées peu profonde accessible par tous.
Enfin, la dernière phrase de son monologue « Mais que vois-je par-dessus les citrons empoilés des bonnes gens qui m’entourent ? » (L. 27) est une parodie des phrases de transition de la fin des monologues, lorsque le personnage doit revenir à la réalité pour interagir avec d’autres personnes. La transition se fait également par le changement du registre de langue qui redevient familier.
Ce ralentissement est notable dans l’écriture même de l’auteur car les phrases sont beaucoup plus longues que dans le reste de l’œuvre, plus construites. Cet ordre représente la progression de la pensée de Gabriel dont les réflexions, loin d’être chaotiques, suivent une logique.
L’auteur crée donc un effet de contraste tant au niveau de la langue, de la profondeur de la réflexion que du rythme de son œuvre.
- L’être et le néant, Jean-Paul Sartre.
- « Être ou ne pas être » est une référence au Hamlet de Shakespeare qui avait lancé cette aporie ontologique (questionnement sur l’Homme auquel il n’y a pas de réponse).
- « Je suis vivant et là s’arrête mon savoir » peut faire référence à Descartes avec sa fameuse phrase « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien. »
- Par ailleurs, la référence aux monuments de Paris comme étant les gardiens du temps qui passe, observateurs de la finitude de l’Homme, n’est pas sans rappeler le Pont Mirabeau d’Apollinaire.
→ On retrouve également le topos du temps qui passe inéluctablement.
→ Enfin, on voit une forme de musicalité par la longueur des phrases qui suggère une certaine langueur et un travail sur les assonances et les allitérations :
« Je ne sais en ce moment précis » (L. 23)
« Je ne sais que ceci »
→ La structure binaire présente une forme de redondance musicale, un thème qui revient.
« Du taximane enfuit dans son bahut locataire »
« Ma nièce suspendue à trois cent mètres dans l’atmosphère » (L. 21)
→ La répétition de sons en fin de proposition laisse suggérer une construction poétique rimée. Ceci est d’ailleurs corroboré par la référence à un alexandrin blanc (L. 25). « Alexandrinairement » est un néologisme.
« Les / voi/ là/ pres/que /morts //, pui/qu’ils /sont /des / ab /sents. /» (6//6).
On remarquera la césure à l’hémistiche ainsi que les coupes dans le vers qui lui donne une régularité proche de tétramètre.
Le monde de l’auteur, stéréotypé est présenté au lecteur par le personnage qui met en avant l’idiotie du créateur ainsi que son outil « la machine » (L. 9).
Le fait de tourner en dérision l’auteur et de se moquer de lui crée une connivence supplémentaire, une forme de jeu entre le personnage et le lecteur. Il s’agit ici de désacraliser la littérature pour lui redonner son aspect ludique, créateur et plaisant.
Parallèlement, cette vie éphémère de l’Homme est mise en opposition avec les monuments de Paris qui semblent inébranlables et qui incarnent le permanent. Le temps ne s’écoule pas à la même vitesse.
Il s'agit donc d'un passage important pour comprendre la quête scripturale de renouvellement de l'auteur.
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