Une question mondiale : les flux migratoires
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Les flux migratoires n’ont pas pour autant cessé avec la Révolution industrielle et la modernité car ils ont été rendus nécessaires par les conflits politiques et l’instabilité des États, les désordres sociaux et les inégalités économiques qui ont marqué les sociétés au cours des deux derniers siècles.
La mondialisation dans ses différentes phases se manifeste par des processus migratoires accrus et en fait une question centrale. En effet, elle a favorisé l’émergence de nouveaux déséquilibres qui ont conduit de nombreuses populations fragilisées à migrer vers d’autres horizons afin d’échapper aux crises agricoles et alimentaires, économiques et politiques, et ce dès sa première phase dans la deuxième moitié du 19e siècle. La mondialisation favorise la diffusion des valeurs et des modes de vie occidentaux et accentue ainsi de surcroît l’attraction de ces territoires pour de nombreuses populations permettant d'espérer une vie nouvelle.
Dans sa deuxième phase (fin du 20e siècle), la mondialisation a aussi rendu nécessaire de nouvelles formes de mobilité des individus découlant de la division internationale du travail et de celle des processus de production.
La situation économique, comme celle de la crise actuelle, intensifie les processus migratoires. Certains pays européens en crise actuellement sont redevenus des terres d’émigrations car les perspectives individuelles et collectives apparaissent sombres.
Les flux migratoires concernent aussi bien aujourd’hui le migrant clandestin ou le réfugié politique qui fuit une région en guerre ou son pays en raison d’une forte instabilité économique et politique, l’étudiant qui souhaite faire ses études à l’étranger que le cadre supérieur qui travaille au service d’une firme multinationale ou le haut fonctionnaire pour une organisation internationale. La question est devenue alors essentielle pour l’ensemble des pays du monde de trouver les moyens d’une gouvernance efficace des flux migratoires qui posent à la fois problèmes pour les pays d’origines et les pays d’arrivées. Il ne fallut pas non plus pour autant négliger que ces flux constituent des opportunités importantes pour les individus et renforcent le processus de mondialisation.
La première grande vague migratoire moderne a eu lieu entre 1880 et 1930, en alimentant en particulier les territoires nouveaux que furent les États-Unis et le continent américain pour des migrants qui provenaient principalement du continent européen.
La deuxième grande vague migratoire contemporaine a commencé dans les années 1980 et se poursuit encore aujourd’hui. Pas moins d’un milliard de migrants internes et internationaux se déplacent quasiment chaque année. En 2010, selon les estimations des Nations-Unis, les migrations internationales (passage de frontière) ont concerné 214 millions de personnes, soit plus de 3% de la population mondiale. Les migrations internes (à l’intérieur des frontières d’un même territoire) ont quant à elles concerné pas moins de 740 millions de personnes. Les flux migratoires peuvent aussi être appréhendés en fonction de leur orientation. Ainsi, si l’on sépare le monde entre Nord et Sud, les migrations qui proviennent du Sud pour aller vers le Nord sont légèrement plus importantes que les flux du Nord vers le Sud. Ainsi en 2010, les flux Nord-Sud représentent 74 millions d’individus selon les estimations de l’OCDE et du PNUD (Programme des nations unies pour le développement), alors que les flux Sud-Nord représentent 73 millions.
Les flux migratoires concernent aujourd’hui une très grande diversité de migrants. L’image du migrant pauvre fuyant de dures conditions de vie, loin de ne plus exister, n’en reflète pas pour autant la forte hétérogénéité. Les flux migratoires concernent en effet aussi des populations hautement qualifiées à fort niveau de revenu et qui sont les acteurs majeurs des processus de la division internationale des processus productifs. Les cadres dirigeants des multinationales, les fonctionnaires internationaux et les spécialistes des ONG forment une élite cosmopolite, qui représentent une part importante des flux Nord-Nord et Nord-Sud.
Les flux migratoires peuvent être aussi appréhendés en fonction de leur orientation. Ainsi si l’on sépare le monde entre Nord et Sud, les migrations qui proviennent du Sud pour aller vers le Sud sont légèrement plus importantes que les flux du Sud vers le Nord. Ainsi en 2010, les flux Sud-Sud représentent 74 millions d’individus selon les estimations de l’OCDE et du PNUD (Programme des nations unies pour le développement), alors que les flux Sud-Nord représentent 73 millions.
Les flux migratoires concernent aussi des réfugiés obligés de quitter leur espace en raison de conflits armées (régions des grands lacs en Afrique, Darfour, etc.) mais aussi de plus en plus parce que leur environnement se dégrade (réfugiés climatiques). Il est donc difficile de définir le portrait type du migrant, ce qui rend d’autant plus difficile la construction d’une gouvernance mondiale unique.
Les diasporas internationales se forment aussi en fonction des intérêts économiques de certains pays. L’arrivée massive de migrants chinois en Afrique et Amérique du sud, n’est sans doute pas étrangère aux velléités du pouvoir chinois de contrôler l’accès aux ressources naturelles. Les écarts de développement humain mesurés par l’indicateur de développement humain (IDH) fournissent de plus une explication particulièrement pertinente sur l’orientation des flux migratoires. Une comparaison du niveau de développement humain entre les États du sud des États-Unis et les territoires situés de l’autre côté de la frontière (Mexique et ensemble de l’Amérique latine) conduit à mettre en évidence que les écarts de développement sont un puissant facteur de migration. Le « rêve américain » est souvent la seule issue pour des populations condamnées au sous-développement. L’attraction d’un mode de vie sécurisé, où la réussite personnelle est enfin possible, constitue une véritable source de motivation pour des migrants clandestins qui mettent souvent leur vie en jeu.
De plus, les flux migratoires se heurtent à la question de la citoyenneté. Les questions des réfugiés et des apatrides sont particulièrement sensibles à la fois pour les États d’origine, que pour les États d’arrivée. Les dispositifs normatifs, qui règlementent dans chaque État l’acquisition de la nationalité ou d’un titre de résidence, demeurent le résultat de choix discrétionnaires (= laissé à la libre appréciation de l'Administration) et exercent une influence certaine sur la citoyenneté de ces États. L’exemple des États-Unis est par exemple particulièrement édifiant aujourd’hui par rapport à la question des migrants d’origine latino-américaine.
Les États de départ développent aujourd’hui des stratégies basées sur leurs migrants. Ces politiques diasporiques visent à utiliser les migrants et les flux qui en découlent (transferts de fonds, exportations/importations, transferts technologies et connaissances, etc.). Les transferts de fonds (fonds rapatriés par les migrants dans leur pays d’origine) constituent aujourd’hui une ressource considérable pour certains pays. Malgré la crise actuelle, ces fonds représentent 3 fois le montant de l’aide publique au développement des pays développés vers les pays en développement. Certaines politiques de coopération pour le développement cherchent aujourd’hui à canaliser ses flux pour réaliser des investissements productifs dans les pays d’origines.
En 1951, est créée l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), à l’initiative de certains pays européens, dont la France. Elle reçoit comme premier mandat la gestion des flux migratoires pour les 11 millions d’européens qui ont été déplacés durant la Seconde guerre mondiale.
Les flux migratoires peuvent ainsi déstabiliser durablement des régions entières, engendrer des conflits majeurs (exemple du Darfour) ou encore favoriser le développement des activités criminelles (exemple du trafic de clandestins au Mexique). Mais ils offrent aussi des opportunités certaines de développement pour les pays d’origine grâce aux transferts de revenus, et pour les pays d’arrivée en conduisant une main d’œuvre non qualifiée mais qualifiée à participer à la production de richesses. Les flux migratoires peuvent ainsi être appréhendés comme une occasion d’augmenter le nombre d’actifs participant au financement de la protection sociale de certains pays développés. Cependant, ces flux posent en même temps la question de la préservation du financement des États-providence.
Ce qui caractérise la gouvernance actuelle des flux migratoires est sans aucun doute l’absence de régime international des migrations, c’est-à-dire des normes internationales partagées qui permettent de contrôler et d’influencer ces flux selon les intérêts respectifs des États. Les souverainetés étatiques empêchent pour le moment l’existence d’une véritable politique internationale migratoire et maintiennent la régulation de ces flux dans le cadre d’accord bilatéraux, voire parfois multilatéraux lorsqu’il s’agit d’organisation d’intégration régionale, comme c’est le cas pour une part de l’Union européenne et des accords de Schengen.
Cependant, même dans le cas de ces accords multilatéraux, les normes communes ont fortement tendance à s’effacer devant les intérêts souverains, comme cela a été le cas pour les accords de Schengen lors de différentes crises liées aux flux migratoires en provenance des pays d’Europe centrale et orientale (cas des Roms en France) ou des pays du Maghreb suite au « Printemps arabes ».
Pour autant, certains progrès apparaissent en matière de gouvernance mondiale des migrations. En 2003, suite à la Conférence internationale des Nations-Unies sur la Population et le Développement en 1994 au Caire, est créée sous l’égide du Secrétariat général de l’ONU, la Commission mondiale sur les migrations internationales. Cette commission a permis la mise en œuvre d’un Dialogue de Haut Niveau des Nations-Unies sur la migration internationale et le développement qui doit aboutir prochainement au déroulement d’un Forum Mondial sur la Migration et le Développement en 2013. De nombreuses organisations internationales (CNUCED, OIT, OIM, Banque mondiale, Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, HCR, PNUD, UNESCO, UNICEF, etc.) ont par ailleurs mise en place un Groupe mondial sur la Migration, dont les fonctions principales sont d’assurer une certaine coordination des actions de ces organisations en matière de migrations.
Cependant, si certains progrès ont été réalisés en la matière, il n'en demeure pas moins que la gestion des flux migratoires reste l'apanage des pouvoirs souverains et d'une diplomatie partielle qui concerne davantage les relations bilatérales, au mieux multilatérales, que globales.
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