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Une guerre industrielle

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Objectif : En 1914, rien n'avait été prévu pour l'économie de guerre ; tout le monde pensait que la guerre allait être courte. Rapidement pourtant, tous les belligérants réalisent que la victoire appartiendra au pays qui pourra produire le plus d'armement.
Ils vont donc convertir leur économie aux besoins de la guerre et à ce titre, on peut dire que la guerre 1914-1918 est la première guerre industrielle. En effet, les principales nations industrielles (et premières puissances mondiales) s'affrontent et mettent leur potentiel économique dans la bataille.
1. La mobilisation de la production
a. L'économie de guerre
L'Allemagne est la première à mettre en place une économie de guerre sous la direction de l'industriel Rathenau. Tous les pays belligérants lui emboîtent le pas.

Le principal problème est de fournir à l'armée la production qu'elle réclame. L'Etat-major français réclame ainsi 100 000 obus par jour alors que l'industrie d'armement ne peut en fournir que 10 000 ! La France est particulièrement concernée par ce problème de production parce que ses régions industrielles (le Nord et l'Est du pays) sont soit occupées par les Allemands depuis 1914, soit zones de conflit.
Il est donc décidé de relancer d'anciennes zones industrielles éloignées du front (les pays noirs de Saint Etienne et Limoges) ou d'en développer de nouvelles (la basse vallée de la Seine, la région toulousaine). La région parisienne devient pour la France la première productrice d'armement.

D'un point de vue général, les Etats en guerre prennent tous en main l'économie du pays, souvent conseillés par des grands industriels responsables de secteurs clés (le sidérurgiste Schneider coordonne en France les commandes d'armement). Oubliant le dogme libéral, tous les belligérants font des réquisitions (de la flotte marchande notamment), ils fixent les prix, imposent des commandes prioritaires etc.
Pour les hommes politiques, cet engagement de l'Etat n'est cependant qu'une parenthèse, qui se refermera la guerre finie ; ce n'est nullement une étatisation durable de l'économie.

b. Les commandes de l'Etat
Les industries nationales d'armement ne suffisant pas à assurer les commandes, des contrats sont passés avec des industriels privés afin que ceux-ci fassent des armes dans leurs usines. En Allemagne, le sidérurgiste Krupp fabrique ainsi des canons (dont le plus célèbre est « la grosse Bertha » qui menace Paris en 1918) ; en France, les constructeurs automobiles Citroën et Renault sont sollicités (le premier produit des obus et le second tout type d'arme, des fusils aux chars d'assaut). Pour ces industriels, la guerre est une bonne affaire et beaucoup d'entre eux s'enrichissent grâce à ces commandes (les soldats ne décolèrent pas d'ailleurs contre ceux qu'ils appellent les « profiteurs de guerre »).
2. La mobilisation des matières premières et de la main d'oeuvre
a. Des matières premières insuffisantes
Dès 1914, Anglais et Français s'accordent pour opérer un blocus des côtes allemandes ; le but est de priver l'Allemagne des matières premières qui sont nécessaires à son industrie.
Ce blocus, même contourné par un commerce avec les pays d'Europe Centrale, s'avère suffisamment efficace pour que l'Allemagne à son tour décide de déclencher en 1915 une guerre sous-marine à outrance contre l'Angleterre, encore plus dépendante qu'elle des importations étrangères. Cette guerre est intensifiée en 1917 (en 6 mois, le tiers de la flotte britannique est envoyée par le fond). Ces opérations allemandes connaissent l'échec (pratique des convois armés par les Anglo-américains, filets anti-sous-marins) mais elles sont révélatrices de l'importance vitale des matières premières pour la guerre.

Malgré le recours à leur empire qui fournit à la France et à l'Angleterre des ressources nécessaires à l'industrie, les pénuries sont fréquentes et généralisées pour tous les pays en guerre. On n'hésite pas à recycler certains matériaux dans un but militaire (ainsi, les cuves en cuivre des brasseurs du nord de la France sont fondues par les occupants allemands pour en faire des armes). On incite aussi les populations à utiliser des produits de substitution (les fameux « ersatz » allemands).

Les importations se généralisent et creusent un peu plus le déficit des pays en guerre. Pour payer ces matières premières importées, les pays doivent souscrire des emprunts auprès de leur population (emprunts de guerre) ou de pays tiers (Etats-Unis et Japon surtout).
Les balances commerciales (différence entre exportations et importations) sont fortement déséquilibrées. En 1918 par exemple, les importations sont en valeur cinq fois plus importantes que les exportations.

b. La mobilisation de la main d'oeuvre
C'est un problème essentiel ; les usines manquent d'ouvriers puisque ceux-ci sont partis au front. En France, 25 % de la main d'oeuvre industrielle a été mobilisée en 1914. Dès 1915, l'industrie manque de bras (malgré l'afflux de réfugiés) : l'armée réclame de plus en plus d'hommes. Les états rappellent une partie leurs ouvriers partis combattre pour assurer la production (500 000 Français reviennent du front dans ce but).

Pour combler ce déficit en main d'oeuvre, on fait appel à deux catégories de personnes. D'abord les étrangers venus de pays neutres (Polonais, Grecs, Espagnols) et les indigènes des colonies (Indochinois pour la France, Indiens pour l'Angleterre ; parmi ces étrangers, on peut citer l'exemple du futur Ho Chi Minh). Leurs conditions de vie et de travail sont très dures.

Mais surtout on fait appel aux femmes. Le travail féminin n'est pas une nouveauté (les femmes pouvaient travailler dans les mines par exemple ; cf. Germinal) mais il se développe beaucoup pendant la guerre et dans des secteurs qui étaient auparavant interdits aux femmes (on voit des conductrices de tramway à Londres, des femmes dans les usines de munition « les munitionnettes » etc.). Le travail féminin donne une pleine satisfaction : Joffre aurait ainsi dit que « si les femmes qui travaillaient dans les usines s'arrêtaient vingt minutes, les Alliés perdraient la guerre ». Cependant, il est vu aussi comme une parenthèse destinée à se refermer à la fin de la guerre ; les femmes ne doivent pas prendre le travail aux hommes quand ils reviendront du front.

Pour tous les ouvriers (et ouvrières !), les lois sociales ont été largement amendées pour cause de guerre. Le travail est long et difficile (onze ou douze heures par jour en moyenne dans les usines d'armement, dimanche compris souvent). On conçoit cela comme un sacrifice nécessaire pour la patrie, un effort pour obtenir la victoire. En 1917, des grèves éclatent pour un salaire suivant l'inflation et un temps de travail réduit.

c. Mobilisation des hommes et logistique
Industrielle, cette guerre l'est aussi dans la mobilisation d'un nombre aussi important de soldats et leur acheminement vers la ligne de front. En quatre ans, 70 millions d'hommes sont mobilisés pour tous les pays !
Tous les moyens de transport modernes sont utilisés : les chemins de fer, les camions, les navires à vapeur.
On peut penser à « la voie sacrée », cette route départementale menant aux combats de Verdun qui a vu passer des files ininterrompues de camions emmenant des combattants au front ou évacuant dans le sens inverse les blessés.
En septembre 1918, les Alliés ont ainsi 180 000 véhicules qui circulent.
3. Science et techniques au service de l'industrie de guerre
a. Des armes de plus en plus meurtrières
Tout comme l'industrie, la science est mobilisée dans la guerre. On est conscient en Europe que les évolutions scientifiques dans les armements peuvent faire la différence sur le terrain. Les nations qui s'affrontent sont aussi les plus en pointe dans le domaine scientifique.

L'artillerie est l'arme maîtresse de cette guerre ; en effet, elle brise nette toute offensive de l'infanterie adverse et la retient dans ses tranchées. La science s'intéresse donc aux canons et les rend progressivement plus puissants , plus mobiles et avec une portée accrue (« la grosse Bertha » canon allemand sur rail produit par Krupp, bombarde Paris à 120 km de distance). On crée aussi : lanceurs de mines allemands, mortiers français.

Le fusil évolue aussi avec l'apparition de la mitrailleuse qui fauche toute attaque depuis la tranchée ennemie. Tirant jusqu'à 600 coups par minute, elle laisse peu de chances aux assaillants.

Les sous-marins, inventés depuis un siècle et déjà essayés lors de la guerre de sécession américaine, montrent toute leur efficacité au combat avec la marine allemande.

b. Les armes « nouvelles »
On crée aussi des armes nouvelles ou plutôt on améliore ou détourne des inventions antérieures dans un but militaire.

L'avion encore artisanal au début du siècle, dévoile vite son potentiel guerrier (celui de Clément Ader avait été ainsi construit en 1897 sous le secret militaire ; on y voyait un nouveau moyen de bombardement). Il est utilisé dès le début du conflit dans un but de reconnaissance. Au départ, les pilotes ne sont pas armés ; puis ils s'équipent de carabines avant que l'on découvre et installe sur leur appareil des mitrailleuses synchronisées avec l'hélice (système dont un des inventeurs fut l'aviateur Roland Garros). Malgré un certain scepticisme des chefs d'état-major (Foch n'y croyait guère), l'aviation devient rapidement une arme essentielle du conflit. Les modèles d'avions se succèdent, de plus en plus perfectionnés et les Français prennent une longueur d'avance dans ce domaine. En 1918, ils alignent 7000 appareils, 3700 pour les Anglais contre 4500 pour les Allemands.
En tout, 52 000 avions ont été produits par les seuls Français. On peut citer aussi les dirigeables (type Zeppelin) surtout utilisés par les Allemands dans un but de bombardement.

La seconde invention majeure de la guerre est le char d'assaut. Leurs débuts sont très laborieux : ils n'arrivent d'ailleurs pas à convaincre Ludendorff. D'ailleurs, les Allemands investiront très peu dans cette technologie et sont en 1918 presque dépourvues de chars. Les Anglais et Français continuent eux d'améliorer l'invention. Des tanks britanniques (de 30 tonnes !) sont engagés dans la Somme en novembre 1916. Mais on voit vite leurs défauts : le poids et leur fiabilité discutable.
Le char Renault parvient à combler ces lacunes : petit, léger (6,5 tonnes), maniable, il donne un avantage décisif aux armées alliées en 1918. La cavalerie, en tant qu'arme, devient ainsi obsolète sur les champs de bataille.

Les gaz enfin, sont l'illustration la plus radicale de l'utilisation de la science dans un but militaire. Les Allemands, spécialistes en chimie se sont intéressés très tôt au potentiel ravageur des gaz de combat. Ceux-ci sont d'abord utilisés dans des têtes d'obus qui jouent sur l'effet de surprise (les troupes ne sont pas préparées, il n'y a pas de masques à gaz au début de la guerre). Le gaz moutarde utilisé par les Allemands la première fois à Ypres en 1917 cause de nombreuses pertes humaines.
L'utilisation des gaz est cependant malaisée ; la zone touchée est souvent aléatoire et le vent peut repousser le gaz vers ses propres troupes. Au total, le gaz est davantage une arme de harcèlement. Le nombre de morts liés au gaz (91 000) est en effet relativement modeste.

L'essentiel

Au départ, rien n'était prévu pour l'économie mais les belligérants réalisent vite que l'économie est une des clés de la victoire. Les états prennent donc en main l'économie : réquisitions, commandes auprès d'entreprises privées, importations de matières premières qui manquent. Toute l'économie est tournée vers la production d'armement. La main d'oeuvre pose problème : on fait revenir du front des ouvriers, on fait travailler des étrangers, des habitants des colonies et surtout des femmes. Le travail pour tous ces ouvriers des usines d'armement est dur et contraignant. Les sciences et techniques progressent mais dans un but militaire : on améliore des armes anciennes (artillerie, fusil, sous-marin) et des armes nouvelles se développent (avions, chars, gaz de combat).

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