Un grand port européen : Venise aux XVe et XVIe siècles
- Fiche de cours
- Quiz et exercices
- Vidéos et podcasts
- Connaitre le rôle centrale de Venise de la fin du XIVe à la fin du XVIe siècle.
- Principale place portuaire de la Méditerranée au XVe siècle, centre économique dont le rayonnement gagne tout le continent européen, Venise doit, au XVIe siècle faire face à un contexte difficile : rivalité de grandes puissances continentales, expansion ottomane en Méditerranée orientale et surtout glissement des activités économiques vers l’Atlantique.
- Malgré les contraintes, la cité demeure un centre dynamique tout au long du XVIe siècle.
Grande cité portuaire dès le XIe siècle, Venise accroit sa puissance pendant tout le Moyen Âge pour devenir un carrefour commercial rayonnant dans toute la Méditerranée au XVe siècle.
Ce centre économique dominant doit néanmoins faire face, sur cette période, à un changement majeur de la conjoncture : l’affirmation de la puissance ottomane en méditerranée orientale et la découverte du Nouveau Monde altèrent sa capacité de domination.
Le port de Venise jouit d’une situation remarquable entre la Méditerranée orientale et occidentale sur les rives du golfe de l’Adriatique. Installé dans une zone amphibie formée de lagunes, au milieu d’îles et d’îlots, il bénéficie de protections naturelles contre les assauts de la mer mais doit faire face aux menaces d’enlisement.
Très tôt, les Vénitiens consolident l’espace en augmentant la superficie des îles les plus stables. La ville offre ainsi un paysage original d’îlots densément urbanisés parcourus de multiples canaux. Ce paysage unique oriente obligatoirement le destin de Venise vers l’expansion maritime. La ville est une cité-État c'est-à-dire qu’elle a ses propres institutions. Son gouvernement est dominé par un doge : chef électif, encadré par un Grand Conseil aux mains des grandes familles aristocratiques vénitiennes. Celui-ci est secondé par un Sénat de 120 à 200 membres.
À la fin du XIVe siècle, l’État est définitivement consolidé, indépendant notamment de l’influence byzantine. C’est cet État qui dirige en particulier les constructions navales et gère l’Arsenal qui fabrique les grandes galères de guerre ou commerciales.
Entrée de l'Arsenal de Venise ǀ © iStock – wwing
C’est le plus grand arsenal européen au XVe siècle, il rassemble 1 200 ouvriers.
L’essor de Venise s’appuie d’abord
sur des relations commerciales anciennes et
privilégiées avec les empereurs
byzantins. Les négociants vénitiens
occupent une place importante à
Constantinople, avec des quais et des quartiers
réservés, à Corinthe ainsi
qu’à Thèbes où ils tiennent
le marché de l’huile et de la soie.
L’expansion prend également pour cadre la
mer Adriatique, le long de la côte dalmate.
À l’occasion de la quatrième
croisade et de la prise de Constantinople en 1204,
la cité conquiert plusieurs territoires,
étapes essentielles sur la route de
l’Orient : les îles ioniennes
(Céphalonie, Zante) et les îles de la mer
Egée ainsi que le Péloponnèse. Ils
s’assurent l’ouverture des routes vers la
mer Noire. La lutte contre Gènes au
XIVe siècle consacre la
primauté de Venise jusqu’au début
du XVIe siècle. Venise
étend son contrôle sur la Crète et
sur l’île de Chypre. Les liens
étroits entretenus avec les Musulmans permettent
également d’obtenir des avantages à
Alexandrie ainsi que sur le littoral d’Afrique du
Nord où sont installés des comptoirs
vénitiens : les funduqs.
Intérieur du funduqs el-Nejjarine, à Fès au Maroc ǀ © iStock – lightkey
Venise développe son commerce dans toute la
Méditerranée et au milieu du
XVe siècle le bassin est couvert
en entier par le réseau vénitien.
Même la chute de Constantinople, prise par les
Turcs au milieu du XVe siècle,
ne parvient pas à stopper son
fonctionnement.
Les galères vénitiennes naviguent en
convois ou mude et effectuent des voyages
réguliers vers la Romanie et, par la mer Noire,
jusqu’au comptoir de Tana. Les lignes maritimes
assurent des liaisons avec les comptoirs de la
Méditerranée orientale (de Beyrouth
à Tyr), d’Égypte ou vers la
Méditerranée occidentale par la ligne
d’Aigues-Mortes (1402) qui se prolonge vers
l’Espagne. Le cadre des marchands
vénitiens dépasse la
Méditerranée puisque des convois annuels
relient Venise à Londres, Southampton ou Bruges
par le détroit de Gibraltar et
l’Atlantique, « la mer de la
Rochelle ».
Les routes commerciales sont aussi
terrestres : des marchands allemands
acheminent vers le sud par le col du Brenner le fer et
le cuivre d’Europe centrale. Venise est aussi
reliée à Lyon, via Milan, par les passes
alpestres. La cité revend au monde entier les
produits de luxes venant d’Orient :
poivre, épices, soieries ou coton et sucre de
Crète. Plus encore comptent les produits de
base : bois et fourrures proviennent du monde
slave et Venise exporte les céréales de
Sicile, les vins, les draps, etc.
Ainsi le revenu par habitant au début du
XVe siècle est quinze fois plus
élevé à Venise qu’à
Paris, Madrid ou Londres.
La richesse de la ville est symbolisée par la frappe d’une pièce d’or, le ducat, qui est jusqu’à la fin du XVIe siècle l’étalon monétaire du monde méditerranéen occidental.
En 1499 Venise, avec la prise de Crémone, de
Rimini et de Trieste, s’est étendue vers
l’intérieur des terres (constitution
d’un État de Terre Ferme riche et
agricole) : il faut faire face à une
croissance démographique et spatiale de la
ville qui dépasse alors les
100 000 habitants.
Cependant cette expansion attire
l’hostilité de ses puissants
voisins : l’empereur du Saint Empire, les
rois de France, d’Angleterre, d’Espagne et
les États de l’Église.
Au début du XVIe siècle,
Venise se trouve entrainée au cœur des
conflits européens et notamment de la guerre
entre François Ier et Charles
Quint.
La deuxième difficulté pour la
cité italienne s’inscrit sans un contexte
plus large, c’est la découverte du
Nouveau Monde. Le centre de gravité de
l’Europe se déplace au cours du
XVIe siècle de la
Méditerranée à
l’océan Atlantique. Cette
découverte retire aux Vénitiens le
monopole du commerce des riches métaux, des bois
de teinture ainsi que des plantes
médicinales. Il provoque également
des difficultés pour l’Arsenal
vénitien car les caravelles concurrencent
fortement les galères pour la navigation.
Enfin, un troisième évènement a
pour les vénitiens des incidences plus
immédiates, c’est la prise de
Constantinople par les Turcs Ottomans en 1453. La
Méditerranée orientale passe peu à
peu sous leur contrôle et se ferme à la
pénétration européenne.
L’avance turque en Orient fait progressivement
disparaitre les comptoirs vénitiens. Chypre est
perdue en 1572.
En premier lieu, l’expansion ottomane réduit mais ne stoppe pas l’activité maritime vers l’Orient. La cité recherche par ailleurs des marchés de substitution vers l’Afrique du Nord et à la fin du XVe siècle, elle développe une ligne de convois régulière le long de ses côtes : le trafego.
La cité cherche ainsi à développer
des liens avec les ports de l’Atlantique et la
mer du Nord ainsi que les routes commerciales
terrestres. Par ailleurs, la croissance de la
consommation, au milieu du
XVIe siècle permet à la
République de retrouver son niveau de commerce
dans les années 1560.
La richesse créée provient
également des États de la Terre
Ferme : l’exploitation des terres
agricoles attire les capitaux investis jusque là
dans le commerce lointain. Enfin, fortement
implantés en Occident, les Vénitiens,
comme les Génois, y exercent une domination
financière qui leur permet de survivre au
déclin de l’activité du commerce
oriental au début du
XVIe siècle.
Preuve du dynamisme de la cité, Venise fournit encore, en 1571, la moitié des navires de la flotte chrétienne qui affronte les Ottomans lors de la victoire de Lépante.
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