René Descartes
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Descartes est l’initiateur de la pensée moderne. Son influence a été considérable dans le domaine des sciences comme dans le domaine de la philosophie. Aujourd’hui encore il marque de son empreinte notre culture. Le philosophe allemand Hegel (1770-1831), dans ses Leçons sur l’histoire de la philosophie, déclare que Descartes est « un héros qui a repris les choses entièrement par le commencement et a constitué à nouveau le sol de la philosophie ».
Descartes est né à la Haye, village de Touraine, en 1596, dans une famille noble. Son père était conseiller au parlement de Bretagne. Orphelin de mère très jeune (en 1597), il entre au célèbre collège des Jésuites de la Flèche en 1606, où il poursuit toutes ses études. C’est un élève sérieux, très apprécié de ses maîtres. Il critiquera sévèrement l’enseignement dispensé – cet enseignement issu d’Aristote et de ses commentateurs médiévaux (ce qu’on appelle la « scolastique ») ; il le juge inutilement compliqué et impropre à bien former l’esprit. Seules les mathématiques semblent lui donner satisfaction : « Je me plaisais surtout aux mathématiques, à cause de la certitude et de l’évidence de leurs raisons » (Discours de la Méthode, 1637). Après cette période de formation, il témoigne de l’intérêt pour les faits historiques et politiques de l’époque, tout en continuant à cultiver les mathématiques (avec le physicien Isaac Beeckman). Il s’engage en 1618 dans l’armée du prince Maurice de Nassau, puis en 1619 il se met au service du Duc de Bavière. En novembre 1619, au cours d’une nuit, il a le pressentiment de son œuvre intellectuelle : une « science admirable », qui unifierait l’ensemble des connaissances, et dont il serait l’inventeur.
Sa fortune personnelle le mettant à l’abri
du besoin, il se consacre à son œuvre.
Soucieux de se mettre à distance des querelles
religieuses et politiques, il quitte la France et
s’établit en Hollande, pays protestant ;
il y vivra jusqu’en 1649, en changeant souvent de
domicile. En 1628 il compose les Règles pour
la direction de l’esprit, ouvrage
rédigé en latin, dans lequel il
émet l’idée d’une
méthode organisant le savoir humain. Il
prépare ensuite un ouvrage de physique, Le
traité du monde, qu’il renonce
à publier lorsqu’il apprend, en 1633, la
condamnation de Galilée (ce dernier soutient
l’hypothèse du mouvement de la terre
autour su soleil). En 1637, il présente Le
discours de la méthode, une préface
à trois ouvrages scientifiques : la
Dioptrique, les Météores,
la Géométrie. Ce discours,
écrit en français et non en latin,
s’adresse à un public cultivé, mais
pas nécessairement savant. Descartes
présente la nouveauté de sa
démarche intellectuelle, et notamment montre la
fécondité de sa méthode,
inspirée des mathématiques : il conteste
l’héritage scolastique de son temps et
élabore une nouvelle conception de la raison
humaine –mettant en avant la puissance du sujet
pensant – sujet doté de conscience et de
liberté.
En 1641, paraissent ses Méditations
métaphysiques, écrites en latin,
qui retracent son itinéraire spirituel
personnel et mettent en place sa
métaphysique ; cet ouvrage est
accompagné des objections formulées par
les savants de son époque et des réponses
qu’il y apporte. L’année 1644 est
marquée par la publication des Principes de
la philosophie, synthèse des recherches
métaphysiques et physiques, dédiée
à la princesse Elisabeth de Bohême, dont
il est le maître spirituel. En 1649, Descartes
publie les Passions de l’âme,
ouvrage mettant au premier plan l’union de
l’âme et du corps. Pendant toutes ces
années Descartes entretient une abondante
correspondance avec les penseurs les plus
éminents de son temps et met au point une
nouvelle manière d’étudier la
géométrie – il applique
l’algèbre à la
géométrie des Anciens (c’est la
géométrie dite analytique).
Appelé en Suède par la reine Christine,
désireuse d’étudier la philosophie,
Descartes ne résiste par aux rigueurs de
l’hiver et meurt à Stockholm le 11
février 1650. Le corps de Descartes est
ramené en France en 1667.
Dans la préface des Principes de la
philosophie, Descartes donne une image pour montrer
ce qu’est la philosophie :
« Ainsi toute la philosophie est comme un
arbre, dont les racines font la métaphysique le
tronc est la physique, et les branches qui sortent de
ce tronc sont toutes les autres sciences, qui se
réduisent à trois principales, à
savoir la médecine, la mécanique, et la
morale (…) » (par mécanique,
on entend « les
techniques »).
La philosophie est un ensemble ordonné et
hiérarchisé de connaissances. Il
s’agit d’en dégager avec certitude
les fondements afin d’édifier un savoir
doté de vérité. Pour mener
à bien cette entreprise il est requis :
- d’utiliser une méthode générale, contenant un petit nombre de règles simples permettant à l’esprit de bien juger, en évitant la « précipitation » et la « prévention » (avoir de la prévention : avoir les idées reçues contrariant l’exercice du jugement) ;
- de douter systématiquement de toutes les connaissances acquises. Pour Descartes, le doute est une démarche de l’esprit offrant le moyen de dissoudre les préjugés.
Le doute cartésien est un instrument au
service de la connaissance. Il ne s’agit pas
simplement d’une attitude psychologique, mais
d’une décision volontaire, qui peut
sembler déroutante pour nos habitudes de
pensée.
Descartes n’est pas un philosophe
sceptique (comme Montaigne au siècle
précédent) signalant l’impuissance
de la raison humaine et recommandant la suspension du
jugement, mais, au contraire, un philosophe
rationaliste, affirmant la puissance constructrice
de la raison humaine : l’homme, s’il
conduit son esprit avec méthode, peut
édifier un savoir fondé sur des
vérités indubitables (dont on ne peut
douter).
Toutefois ce doute est transitoire : il
opère à titre de moyen intellectuel au
service de la vérité, mais il cesse
dès que les premières certitudes sont
atteintes.
Ces premières certitudes constituent les
fondements de la connaissance et engagent toutes les
autres, à la manière d’un
enchaînement ayant la solidité et la
consistance d’une suite mathématique.
La métaphysique, qui constitue la base de
toutes les autres connaissances (les racines de
l’arbre) contient les premières certitudes
ou premiers principes de la connaissance. Descartes,
dans le Discours de la Méthode (1637) et
dans Les Méditations métaphysiques
(1641) décrit le cheminement intellectuel
d’un esprit en quête de certitude, usant du
doute critique pour se défaire des
préjugés faisant obstacle à la
connaissance vraie.
La première certitude résistant au doute
est celle de mon existence en tant que
pensée. Le doute suspend la
validité de tous les contenus de pensée
mais ne peut suspendre l’existence même de
la pensée. La formulation «Cogito, ergo
sum» (je pense, donc je suis) n’est pas
seulement l’aboutissement d’un raisonnement
mais est aussi une expérience intuitive. Elle
montre qu’avant de savoir avec certitude ce
qu’il sait, l’homme sait avec certitude
qu’il est : il est tout d’abord
assuré de son existence comme substance
pensante c’est-à-dire comme
âme.
L’âme est une substance immatérielle
caractérisée par la pensée,
(substance : une réalité existant
par soi, indépendante des autres
réalités) alors que le corps est une
substance matérielle caractérisée
par l’étendue (c’est-à dire
l’extension en longueur, largeur,
profondeur).
Retenons donc : l’entreprise du doute
réfère l’homme non pas à son
existence corporelle (celle du corps matériel)
mais à son existence métaphysique (celle
de la pensée immatérielle) .
Cette première certitude (celle du
cogito) n’amène pas l’homme
à se croire tout-puissant. En effet,
Dieu, être immatériel, parfait et
éternel, créateur de toutes les
substances, dépasse l’homme et donne
valeur de vérité aux certitudes
acquises. Il fonde l’unité de la
nature, qu’il soumet à des lois
invariables (que la physique a charge
d’étudier). Il est principe de toutes
choses. L’esprit humain ne peut comprendre Dieu
(Dieu reste incompréhensible) mais, grâce
à la puissance de la raison, est en mesure de
connaître son existence : les
Méditations métaphysiques montrent
que l’existence de Dieu se prouve
rationnellement.
Descartes explique notamment que la
perfection de Dieu implique la nécessité
de son existence.
Retenons : l’existence de l’âme et
l’existence de Dieu constituent les
premières certitudes métaphysiques. Elles
sont les racines de toutes les autres
connaissances.
Ainsi Dieu, objet de foi (dans le domaine de la
religion) est aussi objet de connaissance rationnelle
(dans le domaine métaphysique).
À la fin des Méditations métaphysiques toutes les raisons de douter sont définitivement dépassées : il existe des choses matérielles et Dieu, être souverainement bon, ne peut vouloir me tromper. Les expériences perceptives me font connaître l’union de l’âme et du corps. L’homme, en faisant un bon usage de sa raison, peut corriger ses défaillances et ses erreurs : Dieu a fait l’homme capable de se connaître et de se perfectionner.
Un certain nombre de résultats découlent de ces positions :
- seul l’homme dispose d’une âme au sein du règne animal : l’âme est principe de pensée et non principe de vie. Ni les animaux, ni les plantes ne pensent. Descartes rompt ainsi avec la tradition issue d’Aristote (voir fiche sur Aristote) ;
- le langage n’appartient qu’à l’homme, car seul celui-ci dispose d’une âme : alors que l’homme, être pensant, exprime ses idées par le moyen des symboles du langage, indéfiniment combinables, l’animal se borne à exprimer ses besoins corporels par le moyen de signaux matériels programmés, limités en nombre ;
- la science est en mesure de connaître les actions et les réactions des corps par l’examen de leurs figures et de leurs mouvements. Les animaux sont constitués de parties matérielles agencées ensemble de même manière que les parties constitutives des machines : aussi le fonctionnement d’un organisme vivant est comparable à celui d’une montre. Tel est le sens du « mécanisme cartésien » qui engagera de grands progrès dans le domaine scientifique.
L’homme ne cesse d’éprouver les effets du corps sur l’âme : ainsi les passions ne viennent pas du corps seul, mais de l’union de l’âme et du corps. L’animal éprouve des sensations mais n’éprouve pas de passions car il n’est pas doté d’âme. Dans l’ouvrage Les passions de l’âme, Descartes entend montrer l’utilité des passions : il étudie les six passions fondamentales (admiration - désir - joie - tristesse - haine - amour) et montre comment l’homme, sujet pensant, est en mesure de les utiliser de manière positive. La maîtrise des passions s’inscrit dans la cadre d’une existence visant l’équilibre, la santé, et le bonheur.
La morale constitue le « dernier
degré de la sagesse »
(Préface des Principes)
c’est-à-dire le niveau le plus
élevé de la recherche philosophique.
L’image de l’arbre, utilisée dans la
Préface des Principes, montre que la
morale offre les fruits d’une recherche visant
l’application du savoir à la conduite de
la vie.
Le sage sait exercer la puissance de sa pensée
et la liberté de sa volonté dans toutes
les occasions de la vie, ses prises de décisions
tiennent compte des enseignements fournis par
l’étude de l’âme et
l’étude des corps : ainsi la conduite
morale authentique n’est pas séparable de
la recherche intellectuelle et scientifique.
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