Pascal
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Blaise Pascal (1623-1662),
né à Clermont-Ferrand, fut qualifié par
Chateaubriand "d'effrayant
génie", sans doute, en partie, en raison de sa
précocité : à 11 ans, Pascal rédige un Traité
sur les sons, et à 16 ans un Essai sur
les coniques. S'étant posé la question de
savoir comment il serait possible d'introduire de la
mémoire dans un mécanisme, il invente, à
19 ans, la machine à calculer (la "pascaline").
Il est également l'initiateur de l'expérience
du Puy-de-Dôme, expérience qu'il confie à
son beau-frère Florin Périer (19
septembre 1648). Ainsi se trouvent démontrées
la pesanteur de l'air et l'existence du vide. Avec Pierre
de Fermat, il aura contribué à la mise en
place du calcul des probabilités.
Les Pensées (1670), ouvrage non
systématique, voire "désordonné",
constitué de séquences, puis de fragments
posthumes, témoignent essentiellement, selon certains,
de sa ferveur religieuse, et de son mépris pour le
déisme voire l'athéisme de son époque.
Cet ouvrage demeure son œuvre principale, ce qui
justifie probablement que l'on connaît Pascal davantage comme philosophe et
écrivain que comme mathématicien et savant.
La question de la grâce se trouve au centre des controverses qui opposent les jansénistes et les jésuites. Se référant à saint Augustin (354-430) et aux Pères de l'Eglise, Pascal affirme que le salut de l'âme se trouve entre les mains de Dieu ; il ne dépend pas de la volonté des hommes. La Grâce est une faveur de Dieu, et il n'appartient pas à la créature de se sauver seule. À travers la question de la Grâce, Pascal se situe exactement à l'opposé de la modernité du 17ème siècle, au sein duquel s'ébauche l'idéal de maîtrise de soi et d'indépendance de l'homme. Pascal récuse d'emblée le rationalisme que la philosophie de Descartes (1596-1650) incarne.
Contre Descartes, en
effet, qui affirme la toute-puissance de la raison, et
introduit, avec le cogito, ergo sum (je pense,
donc je suis), l'idée d'une conscience
transparente à elle-même, Pascal met l'accent sur la
misère de l'homme : Je suis dans une
ignorance terrible de toutes choses, je ne sais ce que
c'est que mon corps, que mes sens, que mon âme,
et cette partie même de moi qui pense ce que je
dis" (Pensées, 194-427). Il faut donc
renoncer à la présomption selon laquelle,
grâce à la raison, l'homme pourrait tout
connaître.
Si Pascal participe
à la modernité du 17ème
siècle en tant que découvreur et en tant
que savant, il oppose néanmoins l'esprit de
finesse au pouvoir de la raison. Les règles
du raisonnement, et par conséquent de la
mathesis universalis (mathématique
universelle) cartésienne, ne permettent pas,
à ses yeux, d'atteindre l'essence des choses.
L'homme est "malade", quand il croit pouvoir parvenir
directement, de lui-même, à la
vérité. Dieu est sensible au
cœur, et non à la
raison.
C'est pourquoi Pascal conclura que la
philosophie (assimilée à la science
et aux calculs de la raison) ne vaut pas une heure
de peine. Il attaque directement Descartes, et la méthode
géométrique, dont il reconnaît
néanmoins la validité : Cela se
fait par figures et par mouvements. Car cela est vrai,
mais de dire quelles et composer la machine, cela est
ridicule. Car cela est inutile, incertain et
pénible (Pensées, 84-79).
"Se moquer de la philosopher, c'est philosopher",
écrit encore Pascal.
Contre les athées et les libre-penseurs, Pascal propose une sorte de méthode, grâce à laquelle les hommes peuvent comprendre qu'ils ont tout à gagner, et rien à perdre, lorsqu'ils croient en Dieu. Croire en Dieu, c'est se donner la chance d'accéder au vrai et au bien ; ne pas y croire, c'est assurément se trouver dans l'erreur et demeurer dans la misère naturelle dans laquelle l'homme est plongé. C'est pourquoi il faut parier sur l'existence de Dieu : Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu'il est, sans hésiter.
De toute façon, prévient Pascal, "nous sommes embarqués" : nous sommes dans l'obligation de choisir.
La réflexion que Pascal élabore à
propos du divertissement s'établit sur un
constat, l'homme s'ennuie : Tout le malheur des
hommes vient d'une seule chose, qui est de ne pas
savoir demeurer en repos dans une chambre"
(Pensées, 139-136). Il s'ennuie sans
aucune cause particulière, "par l'état
propre de sa complexion". L'ennui se trouve, dit encore
Pascal, "dans les
racines naturelles du cœur". Afin de fuir cet
ennui, qui s'apparente à une sorte de
neurasthénie, ou de dépression, l'homme
recherche le divertissement. Est ainsi posé le
paradoxe selon lequel l'ennui est la fois la cause et
le remède à nos misères. L'homme
se réfugie ainsi dans l'agitation, dans le
"remuement", selon l'expression de Pascal. Il donne quelques exemples
de divertissements inutiles : le jeu, la
chasse, la guerre ou la conversation des femmes.
Le divertissement est condamnable parce qu'il nous
éloigne d'une réflexion
sur nous-même et des principales questions
existentielles inhérentes à la condition
humaine, mais surtout parce qu'il nous
éloigne d'une réflexion sur notre
finitude. En même temps, il se détourne de
la religion elle-même, puisque cette
réflexion le conduit directement
à Dieu.
Préférant la théologie à la philosophie, mais néanmoins pionnier de la science de son temps, mathématicien et expérimentateur, Pascal demeure à ce titre une énigme.
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