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Les stratégies mises en place par les FTN pour dominer l'espace mondial

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Comment les firmes transnationales utilisent-elles à leur bénéfice les différentes opportunités offertes par certains pays et territoires de la planète ?
Dans quelle mesure leurs stratégies tiennent-elles compte de l'aspect social et environnemental des choses ?
1. Une nouvelle division internationale du travail (ou DIT)
a. L'ancienne DIT
Du 19e siècle aux années 1970, la DIT était basée sur un système d’échanges assez basique : les pays du Sud (peu développés) vendaient des matières premières et des produits agricoles aux pays du Nord (riches) qui, de leur côté, leur vendaient des produits manufacturés. Par exemple, l’Inde fournissait du coton à l’Angleterre et lui achetait du tissu fabriqué dans ses usines. D’un côté se trouvaient des produits à faible valeur ajoutée (les matières premières et les produits agricoles), de l’autre des produits avec une valeur ajoutée plus élevée. Les pays riches du Nord (souvent les États colonisateurs) étaient les véritables bénéficiaires de cette DIT que les pays du Sud ne contrôlaient pas.
b. La nouvelle DIT
Aujourd’hui, la DIT est basée sur la spécialisation de certains pays dans certains domaines d’activités en fonction de leurs avantages respectifs.

Avec le développement des techniques, la DIT s’est transformée. Certains pays du Sud se sont mis, dès les années 1970, à fabriquer des produits manufacturés (du textile, par exemple) à faible valeur ajoutée pour des entreprises de la Triade. Ce fut d'abord le cas des NPI (Nouveaux pays industrialisés) asiatiques, comme la Corée du Sud, Singapour, Taïwan et Hong Kong.
La DIT est en fait une répartition de la production mondiale de « biens » et de « services » entre des pays ou des zones économiques spécialisées.

Ce qu’il faut comprendre par « biens » : des objets, ou des pièces servant à fabriquer des objets une fois assemblés. Par exemple : des téléphones, du textile, des brosses à dents, de la vaisselle, des vélos, des voitures…

Ce qu’il faut comprendre par « services » : toutes les activités du secteur tertiaire (conseil, assurances, banques, recherche en laboratoire, marketing…).
2. Une recherche de coûts de production minimisés
Le maître-mot des firmes transnationales (FTN) est la rentabilité : elles déterminent leurs stratégies en fonction d'un objectif clair : augmenter leurs profits.
a. Les critères de délocalisation
► Quelles sont les motivations qui poussent une entreprise à transférer ses activités dans un autre pays ?

Les FTN multiplient et spécialisent leurs sites de production en fonction des avantages relatifs aux pays ou aux régions d’accueil :
  • coûts salariaux faibles ;
  • matières premières nécessaires disponibles en quantité importante ;
  • bonne accessibilité (hubs aéroportuaires ou portuaires…) ;
  • avantages fiscaux (Zones économiques spéciales) ;
  • bassins de consommation ;
  • présence d’universités, de centres de recherche.

La faiblesse des coûts de transport, des matières premières comme des produits finis, permet aujourd’hui aux très grandes entreprises de choisir leurs lieux d’implantations de filiales en fonction de leurs intérêts : droit du travail plus souple, fiscalité plus ou moins favorable…

► Délocalisations systématiques vers les États du Sud : mythe ou réalité ?
Les spécialistes estiment que les activités de conception et de commercialisation restent la plupart du temps dans les pays du Nord alors que les activités de production sont le plus souvent délocalisées dans des pays du Sud, notamment dans des États émergents.

► Cependant, les choses ne sont pas si simples...


« La majorité des entreprises françaises qui externalisent des activités à l'étranger le font vers des pays de l'Union européenne, et non vers des pays émergents, selon l'Insee.
Les délocalisations se font en majorité vers des pays voisins, et non vers les pays émergents comme la Chine ou l'Inde. Entre 2009 et 2011, 4,2 % des sociétés françaises ont délocalisé au moins une activité, mais elles se sont tournées d’abord vers des pays de l'Union contrairement aux idées reçues.
Les entreprises qui délocalisent privilégient d’abord les quinze pays originels de l’Union européenne (destination de 38 % des entreprises ayant délocalisé). Viennent ensuite l’Afrique (24 %), les nouveaux États membres de l’Union (22 %), puis la Chine (18 %) et l’Inde (18 %). »
Doc.1. L'Europe, destination privilégiée pour les délocalisations, AFP, 12 juin 2013.

b. Une montée en gamme des pays émergents
La stratégie de la DIT imposée depuis le 19e siècle par les États de la Triade au reste du monde est aujourd'hui mise à l'épreuve.

Si, durant des décennies, les États riches ont délocalisé au Sud des activités industrielles de production à faible valeur ajoutée, il se trouve qu'en 2014, les pays du Nord s'inquiètent devant la montée en gamme des activités concernées par les délocalisations dans les pays émergents. Celle-ci se poursuit avec les activités de services qui, parce qu'elles exigent généralement une main-d'œuvre plus qualifiée et des moyens informatiques, étaient jusque-là la marque distincte des économies des pays développés.
Tant qu'il ne s'agit que de services « simples » (centres d'appel téléphoniques, plateaux de tournage de fictions TV...), le Nord ne s'est pas trop posé de questions. Mais alors que l'on assiste depuis quelques années au transfert d'activités bien plus stratégiques, comme la recherche et le développement, par exemple, les États du Nord commencent à réaliser que leur stratégie a été « récupérée » par ceux qui leur ont permis de s'enrichir. On peut imaginer qu'un jour, l'Afrique – continent encore loin d'être « développé » au sens occidental du terme – sera capable de proposer bien plus qu'une main-d'œuvre à faible coût et des matières premières et « montera à son tour en gamme ». Les FTN occidentales vont donc être obligées, à plus ou moins court terme, de réfléchir à de nouvelles stratégies.
c. L'impact des délocalisations sur le marché du travail dans les pays riches

« 36 000 : c'est le nombre d'emplois détruits en moyenne par an du fait des délocalisations d'entreprises, selon une étude publiée ce jeudi par l'Insee. Alors que 12 % des chefs d'entreprises de plus de 20 salariés déclaraient avoir délocalisé au cours de la période 2002-2007, il est intéressant de quantifier l'impact réel de ces transferts d'activités sur le marché du travail. »
Doc.2. « Les délocalisations détruisent 36 000 emplois par an »,
Marie Bartnik, Le Figaro, 28 mai 2010.

Les délocalisations, conséquences de la concurrence internationale des pays à bas salaires, inquiètent les pays de la Triade. Les raisons qui expliquent la fermeture des usines dans l'Union européenne, en Amérique ou encore au Japon proviennent souvent des salariés au chômage.
3. Une étude de cas : l'iPod
Afin d'augmenter ses bénéfices, Apple a mis en place une organisation particulière qui permet d'optimiser les coûts de production de l'iPod. Le procédé est constitué d'une séquence d'étapes qui ne sont pas toutes exécutées par la même entreprise ni sur le même continent. Ce phénomène est appelé la délocalisation. Deux aires géographiques sont concernées par la fabrication de ce baladeur : les États-Unis et l'Asie.
a. Un produit conçu aux États-Unis et fabriqué en Asie
► L'iPod a été mis au point par des cerveaux d'un État du Nord techniquement doué : les États-Unis. C'est la société Apple, une entreprise transnationale connue pour ses ordinateurs dont le siège social se situe dans la Silicon Valley, qui est à l'origine de l'idée, de la mise en place du projet et de la conception du produit.

Pour que les choses aillent vite – la concurrence risquerait d'entendre parler de l'idée – Apple a travaillé en coopération avec une start-up. Ils ont rassemblé une équipe d'ingénieurs et de designers et, en 8 mois, l'iPod est né.

► Un produit fabriqué et assemblé en sous-traitance en Asie
Afin d'obtenir le plus grand profit possible, Apple fait fabriquer et assembler les 451 composants électroniques nécessaires à la fabrication de l'iPod dans plusieurs pays d'Asie de l'Est et du Sud-Est : la Chine en premier lieu, ainsi que Taïwan, Singapour et la Corée du Sud. Ces NPI offrent l'avantage de posséder non seulement les compétences techniques nécessaires, mais également de proposer de faibles coûts de production. Cette faiblesse des coûts est en grande partie due aux salaires bien moins élevés que ceux des ouvriers des États du Nord. Par exemple, le salaire minimum en Chine demeure entre 9 et 10 fois inférieur à celui de la France.
b. La répartition de la production
► Une production externalisée peu rentable pour les pays-ateliers
La marge bénéficiaire sur la plupart des pièces est très faible. Ce type d'articles, qui ne demandent pas des compétences techniques très sophistiquées, est produit par des entreprises très nombreuses et donc fortement concurrentielles (le client peut assez facilement aller négocier des prix plus intéressants chez quelqu'un d'autre). Apple peut donc négocier des coûts peu élevés. Les iPods sont assemblés en Chine. L'assemblage ne représente que 1 % des dépenses de fabrication du produit.

► Les pays fabricants sont rarement les fournisseurs directs d'Apple
Les parties techniquement plus sophistiquées et spécialisées, comme le disque dur et la puce contrôleur, ont une valeur ajoutée bien plus importante. Sur l'iPod 5e génération (2005), le disque dur était vendu 73 € à Apple par Toshiba, une société japonaise. Pourtant, il était fabriqué en Chine pour un coût de revient de 54 € (pièces et main-d'œuvre ajoutées). Il rapportait donc 19 € de valeur ajoutée à l'entreprise japonaise.

► Les entreprises américaines, seules bénéficiaires des plus fortes valeurs ajoutées
Sur un iPod qui se vendait il y a quelques années à 249 $, 163 $ revenaient à des entreprises américaines (75 $ pour la distribution, 80 $ à Apple et 8 $ à divers fabricants de composants états-uniens).
c. Des défis à relever
Les stratégies des FTN sont confrontées à des mouvements de contestation dans le monde entier. Elles sont, entre autres, accusées de participer à l’augmentation des inégalités au niveau mondial, de peu tenir compte des salariés lorsqu’elles décident d’une délocalisation qui détruit de l’emploi, de profiter de droits sociaux souvent limités dans les pays en développement et d’être peu soucieuses de l’environnement.

► Un non respect du code du travail

En janvier 2012, dans une longue enquête, le New York Times affirmait que les ouvriers qui œuvrent à l'assemblage de l'iPod en Chine travaillent « souvent dans des conditions difficiles » et à une cadence « excessivement élevée ».
La législation chinoise du droit du travail n'est pas respectée
En réaction, en mars 2012, Apple a fait mener une enquête par une association indépendante auprès de plus de 35 000 salariés des usines Foxconn à Shenzhen, en Chine (usines qui fournissent la plus grande partie des composants électroniques de l'iPod) sur les conditions de travail de leurs ouvriers. L'association a relevé plus de 50 violations du droit du travail et de la sécurité. Par exemple, elle chiffre la semaine de travail moyenne dans ces usines à 56 heures, alors que la loi chinoise en autorise 40 seulement.
L'essentiel
La mondialisation se caractérise par une internationalisation du processus de production. Ce processus est initié par des FTN. Celles-ci sont les principaux vecteurs de cette nouvelle organisation mondiale de la production par le biais d’implantations de filiales à l'étranger. La DIT entraîne des délocalisations, c’est-à-dire des transferts d’activités vers des territoires bénéficiant de certains des avantages cités ci-dessus. Les FTN gèrent l’espace mondial en fonction de leurs seuls intérêts. En effet, elles sont à la recherche de la rentabilité financière la plus élevée possible et elles l’obtiennent sans se préoccuper des conséquences sociales ou environnementales qu'elles induisent.

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