Les Planches courbes : Les thèmes
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Toutes les références renvoient à l'édition suivante : Yves Bonnefoy, Les Planches courbes, édition Mercure de France, 2001, Paris. ISBN 2-7152-2298-X
La conception de la parole chez Bonnefoy est originale : il s’agit d’une parole ouverte, lieu de célébration et d’accueil, d’une voix qui « espère » (p. 77) par les mots faire advenir une présence, du sens. Ce n’est donc pas avec mélancolie que le poète se retourne sur le passé. Plutôt pour sentir affluer en lui des images rêveuses où le sentiment de la présence est exacerbée. L’écriture poétique cherche à faire advenir « dans les choses d’ici le lieu perdu » (p. 93).
La problématique du poète est claire : il s’agit de faire advenir la présence. Le langage, les concepts qu’il véhicule, les mots dont le sens est appauvri, détourné ou amplifié ont coupé l’homme du monde et l’ont privé de l’expérience de la plénitude sensible authentique. La poésie selon Bonnefoy cherche à réparer cette perte originelle, non tant pour rebâtir cette unité perdue qui conduirait de nouveau au « leurre des mots » mais pour nous apprendre à consentir à la précarité de l’être, du monde. Cette précarité semble exacerbée par le langage, ses images et ses mots. C’est cette précarité enfin assumée qui permet un nouveau rapport au réel : la poésie cherche à témoigner et à faire partager ce sentiment improbable de la Présence, union de l’expérience immédiate du monde et simplicité acquise de cette expérience.
Les mots, les images, les vers du poète palpent les murs « d’une maison natale » qui est en définitive moins celle où l’on a réellement vécu que celle dont on transporte précieusement le souvenir. Et c’est justement pour se souvenir, pour « recueillir la présence » (p. 93), contre « l’oubli, l’oubli avide » (p. 91) que la poésie est convoquée. La maison, motif emblématique qui traverse Les Planches courbes, serait comme un navire où s’endormir. Maison de mémoire ou maison de langue, laissant advenir ce qui naguère, dans l’enfance, fut le présent.
Le poème est en cela la barque du passeur de la section éponyme du recueil : il traverse le rien, cherche un rivage et est toujours dans l’entre-deux d’une avancée aveugle de la langue qui fraie son sens en frottant de la transparence contre de l’opacité, l’inconscient contre la vie réelle.
La proximité de la présence et du songe, de l’élémentaire et du lointain, de l’évidence et de l’inconnu est ce qui définit la poétique de Bonnefoy : la tension de l’entre-deux qui favorise un rapport critique du langage à lui-même. Ayant choisie la voie tragique de l’adhésion au réel, la poésie de Bonnefoy offre une présence plus vive au monde, une lecture plus pénétrante du réel, une énergie et un désir d’authenticité, un sens, une présence.
Toutes ces caractéristiques se retrouvent pleinement dans Les Planches courbes, dont l’image de l’ajointement imparfait mais perfectible est une métaphore de la conception poétique du paradoxe de Bonnefoy. Plutôt que de se contenter du « rebord disloqué de la parole » (p. 77) et de s’écrier que « injustice et malheur ravagent le sens » (p. 77), le poète s’est assigné la mission d’articuler et de nommer le réel.
Les figures parentales sont décrites au travers du souvenir d’enfance qui permet une saisie authentique. Le souvenir, qu’il soit lié à la mère ou au père, apparaît comme diffracté et douloureux même si la poésie en réalise la célébration et restaure la communication.
Les deux figures apparaissent comme insaisissables : à chacune de leur évocation une médiation est nécessaire que ce soit par le biais de personnage mythologique ou biblique comme Cérès, Ruth, ou le passeur géant, par le biais de la temporalité, ou par le biais de l’image à la fois présence et absence. Le souvenir fige les images et le temps : le père est « un homme » (p. 92), la mère est une divinité « sans-visage » (p. 83), une déesse « aux mèches désordonnées » (p. 84), « la femme belle buvant avidement de toute sa soif » (p. 85), « l’évasive présence maternelle ».
La difficulté réside dans la tentative de faire advenir un portrait ressemblant des parents ; le recours aux mythes qui s’entremêlent et se confondent à une mythologie que l’on peut qualifier de personnelle est emblématique de cette impossibilité alliée à la douleur du travail d’anamnèse. Face au souvenir douloureux soumis à « l’oubli, l’oubli avide »(p. 91), la poésie de Bonnefoy s’impose comme une forme conjuratoire puisqu’elle célèbre le souvenir et va restaurer la communication avec l’être disparu. Consciente de la fragilité du monde, des êtres pris dans « l’exil » et des souvenirs, la poésie cherche à « recueillir la présence », et l’écriture comme acte existentiel favorise la remontée du souvenir, de ce passé indépassable et insaisissable à la fois.Le souvenir reste fugitif et incomplet mais sa célébration est vecteur de « sens ».
Ainsi, la poésie apparaît comme une véritable quête reconstituant des liens effacés car le poète sait aussi « que l’on peut naître des mots » (p. 92), que le langage est peut-être le lieu d’un lien retrouvé.
Le tissage des motifs poétiques est essentiel dans ce recueil. Les images du seuil -limites entre l’ici et l’ailleurs, le dehors-, de la porte qui résiste (« je tournais la poignée, qui résistait » p. 83), du chemin sont prégnantes. Un réseau d’images liées au motif de l’eau (« l’eau du rêve » p. 73, « l’eau rapide où s’efface le souvenir » p. 84, « l’eau calme » p. 95, p. 103) et de la lumière -et de son double antithétique l’ombre- (« lumières » p. 72, 75, « le feu » p. 73, « le phare » p. 79, « le soleil » p. 89, « la flamme » p. 97, « étoiles » p.104) imprègne le recueil.
« Les planches courbes » qui représentent un lieu intérieur de traversée sont apparues avec précision dans le recueil et sont relayées dans de nombreux poèmes par les motifs de la « barque », du « navire » ou de l’ « esquif » (p. 35, 38, 61, 96, 103…). S’il ne s’agit pas exactement de l’expression du titre, elles sont définies à la fin du premier des deux poèmes de la section « Dans le leurre des mots » :
« Les planche de l’avant de la barque,
courbées
Pour donner forme à l’esprit sous le poids
De l’inconnu, de l’impensable, se desserrent.
Que me disent ces craquements qui désagrègent
Les pensées ajointées par
l’espérance ? » (p. 76)
La plupart de ces motifs, avec tout le réseau d’images qu’ils ouvrent dans l’écriture, trouve leur pleine résonance avec les variations sur les mythes d’Orphée poète, de Cérès ou encore la figure d’Ulysse, incarnation de la quête sans fin, d’une tension entre la perte du sens et l’espoir. Notons qu’Orphée et Cérès ont en commun d’avoir perdu l’être aimé et de le rechercher inlassablement jusqu’au royaume des morts.
Ces figures sont des allégories de l’expérience poétique de Bonnefoy qui se situe dans l’entre-deux de la parole et de la présence et qui imprime un mouvement dialectique à toute l’œuvre entre le doute et l’espoir, le sommeil et l’éveil, l’enfermement et l’ouverture, l’ici et l’ailleurs, l’exil et le vrai lieu, l’ombre et la lumière. A cet égard, la Présence se manifeste comme une tension, un désir qui se recourbe sur lui-même et se relance.
Le rythme et la composition des textes sont induits par une conception de l’écriture poétique qui se déporte toujours en avant d’elle-même. Le poète procède par tâtonnements avec des retours vers des images matricielles (l’eau, la barque), des souvenirs qui le hantent qu’il tente à la fois de déchiffrer et de détruire (les images des parents, de la maison natale).
Quelque chose se continue et se relance d’un texte à l’autre à l’image d’une quête refusant de s’arrêter à la forme fixe et cloisonnée d’un poème. A ce titre, les nombreux échos thématiques entre les recueils et les poèmes, les multiples enjambements, les compositions circulaires des poèmes, les répétitions ainsi que la syntaxe (propositions relatives, conjonctions de coordination) sont significatifs. La poésie est véritablement traversée initiatique, cheminement impatient, tentative de passage vers l’autre rive.
A cette conception semble correspondre une forme
privilégiée : le « récit en
rêve » qui fait du récit
en prose un récit poétique proche du récit
de rêve. Le poète-conteur fait du
rêve le point de départ du récit, un point de
passage, une métaphore du voyage où un voyageur
rencontre sur un navire un interlocuteur avec lequel
s’engage une conversation sur le
langage.
La parole dans ce recueil est intime mais s’appuie sur un
sujet extérieur à lui-même.
Même si l’emploi du sujet lyrique est attesté,
celui-ci reste très éloigné du sujet
romantique : ce « je »
n’est pas un « moi ». La nature
autobiographique du recueil est pressentie sans être
reconnue car le narrateur délègue son
expérience à des figures de
médiation comme l’enfant qui est à
la fois souvenir de lui-même, sujet d’avant les mots
-l’infans- qui ressent, espère, cherche un
nom, un père, sa maison natale.
Le poète qui semble utiliser sa propre expérience apparaît comme un récepteur actif attentif à toutes les rumeurs du monde, un témoin qui offre les mots capables de traduire le monde tel qu’il est.
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