Les Mots : les personnages
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La grand-mère maternelle de Sartre, Louise Guillemin, est la fille d’un « avoué catholique » (p. 12). Vive, malicieuse, mais froide, elle doute de tout. Egoïste, fière et vaniteuse, elle s’efface et les gens l’oublient. Elle est présentée comme l’antithèse de son mari, qu’elle craignait. « Elle lui cédait sur tout dès qu’il se mettait à crier » (p. 14). Dégoûtée du protestantisme, elle éleva ses enfants dans la religion catholique.
Elle eut quatre enfants : « une fille qui mourut
en bas âge, deux garçon et une autre
fille » (p. 14), Anne-Marie.
Georges, l’aîné, entra à Polytechnique.
Emile, qui adorait sa mère, devint professeur
d’allemand. Célibataire, il « mourut en
1927, fou de solitude » (p. 14).
Se croyant indispensable, mais laissant la tenue de la maison à sa fille, elle vécut mal le retour de sa fille au foyer, après le décès de son mari Jean-Baptiste Sartre. Jalouse de sa fille, Louise la traite comme une adolescente punie et non comme une jeune femme : elle lui donne de l’argent de poche ou pas, ne veut pas lui acheter de robes neuves, limite ses sorties. Contrairement au grand-père, Louise n’occupe qu’une place mineure dans le récit. Elle n’intervient pas dans l’éducation de son petit-fils.
C’est le grand-père maternel de Sartre. D’origine alsacienne et protestant, il dirige un Institut des langues vivantes. Ayant demandé sa retraite au moment où sa fille revient vivre chez lui avec le petit Jean-Paul, « il reprit du service sans un mot de reproche » (p. 17), pour pouvoir faire vivre la famille.
C’est le « patriarche » (p. 21). Il adore son petit-fils, qui le lui rend bien et essaye d’être le plus sage possible.
Homme du XIXe siècle, « vieux républicain d’Empire » (p. 23), en décalage avec son époque, il apprend à son petit-fils l’histoire bourgeoise. Barbu, droit et autoritaire, il règne en maître dans la maison. Lui et sa femme Louise sont « Karlémami » (p. 310) aux yeux de l’enfant.
« Il aimait en moi sa générosité » (p. 22) : le petit-fils renvoie au grand-père le reflet de sa bonté. Et c’est avant tout ce qu’aime le grand-père dans sa relation avec Poulou. L’enfant est le faire-valoir du grand-père, et Sartre n’est pas dupe de cette comédie.
« Il avait cessé de lire depuis la mort de Victor Hugo » (p. 55), ce qui ne l’empêche pas de conseiller des lectures à son petit-fils. Il aime passionnément la langue française, et transmet cette passion à son petit-fils. C’est lui qui scellera le destin de Poulou, en le déclarant futur écrivain mais aussi professeur, à ses yeux le métier d’écrivain ne permettant pas de vivre à sa faim. Il sera à l’origine de la « névrose » de Sartre. Il a initié Poulou à la lecture et à l’écriture.
C’est la mère de Sartre. Fille cadette de Charles et Louise, elle s’ennuya toute son enfance et son adolescence, soumise à une stricte éducation bourgeoise. Sa beauté et ses dons furent ignorés par ses parents, qui « jugeaient la beauté au-dessus de leurs moyens ou au-dessous de leur condition. » (p. 15).
Anne-Marie, mariée par dépit, n’aimait pas passionnément son mari. Cela ne l’empêcha pas de le soigner avec dévouement. « A l’exemple de sa mère, [elle] préféra le devoir au plaisir ». A vingt et un ans, elle se retrouva veuve d’un homme qu’elle avait peu connu. « Sans métier ni argent, Anne-Marie décida de retourner vivre chez ses parents » (p. 17), à Meudon, en région parisienne. Elle tint alors la maison de ses parents, corvéable à merci. Elle « se fit gouvernante, infirmière, majordome, dame de compagnie, servante, sans pouvoir désarmer l’agacement muet de sa mère » (p. 17). Au même titre que son enfant, elle sera considérée comme une enfant par ses parents. Dans la maison familiale, les enfants sont Anne-Marie et Jean-Paul (« J’avais une sœur aînée, ma mère » (p. 47).) Elle partage même sa chambre avec son fils.
Anne-Marie fait découvrir à son fils des lectures adaptées à son âge, qui le changent des lectures d’adulte imposées par son grand-père. Elle l’initie au cinéma mais aussi aux plaisanteries et au rire.
Son remariage, rapidement évoqué, atténuera l’intensité de la relation particulière entre l’enfant et sa mère. La fin de l’écriture de ses souvenirs d’enfance, c’est-à-dire la fin des Mots, correspond avec le remariage de sa mère, en 1917.
Fils d’un médecin de campagne qui épousa la
fille d’un riche propriétaire périgourdin,
Jean-Baptiste est le père de Jean-Paul
Sartre. Ses parents habitent à Thiviers, dans la
grand-rue. Le docteur Sartre, ayant découvert le lendemain
de son mariage que son beau-père n’avait pas un sou,
choqué, ne parla pas à sa femme pendant quarante
ans… « à table, il s’exprimait par
signes » (p. 15). Ils eurent tout de même trois
enfants : Jean-Baptiste, Joseph et Hélène, des
« enfants du silence » (p. 15).
Hélène se maria tardivement avec un officier de
cavalerie, « qui devint fou » (p. 15) et
Joseph, ironie du sort, « devint bègue et passa
sa vie à se battre contre les mots » (p. 16).
L’absence de ce père sera fondamentale dans la vie de Sartre. C’est sans père qu’il se construira et sera éduqué. La mort du père lui apporte une grande liberté mais est aussi à l’origine de son mal-être, de ses interrogations sur sa présence au monde.
Jean-Baptiste, devenu officier de marine, rencontra Anne-Marie, se maria avec, lui fit un enfant et mourût peu après la naissance de leur fils, de fièvre intestinale contractée en Cochinchine. « Petit officier aux yeux candides, au crâne rond et dégarni, avec de fortes moustaches » (p. 19), tel est le portrait que Sartre fait de son père, à partir d’un portrait au-dessus de son lit pendant des années, jusqu’au remariage de sa mère. Cette photographie est tout ce que Sartre possède de son père.
La mort de Jean-Baptiste ôta sa liberté à Anne-Marie, qui dut retourner vivre chez ses parents.
e. Jean-Paul Sartre (Poulou)
C’est le narrateur du récit, mais aussi le personnage principal et l’auteur de l’autobiographie. Il est surnommé Poulou.
Orphelin, il sera éduqué par sa mère et son grand-père. Il sait très peu de chose sur son père et ne l’ayant pas connu, se sent peu concerné par lui. Mais l’absence d’éducation paternelle le construira.
Son enfance est présenté comme une comédie.
« Un seul mandat : plaire ; tout pour la
montre. » (p. 29). Sa vie n’est que succession
de sketch, de cérémonies, où il joue
parfaitement le rôle de l’enfant parfait, du
petit ange idolâtré par les adultes.
Mais sa vie est guidée par la mort : il devait
« [sa] liberté à un trépas
opportun » (p. 27).
L’enfant grandit au milieu des livres, et sait qu’il
finira sa vie dans les livres. Il est fier d’être le
petit-fils « d’un artisan
spécialisé dans la fabrication des objets
saints » (p. 39), les livres (le grand-père est
auteur d’une méthode d’apprentissage de
l’allemand).
Son éducation, ce sera la lecture, au
même titre que d’autres travaillent la terre.
Les auteurs sont ses amis, les seuls qu’il ait,
d’ailleurs. « J’avais pour familiers
Voltaire et Corneille » (p. 58).
Premier à la maison, il est en échec scolaire. « J’étais un enfant prodigue qui ne savait pas l’orthographe, voilà tout » (p. 65).
L’enfant vit seul au milieu d’adultes : « Jusqu’à dix ans, je restai seul entre un vieillard et deux femmes » (p. 70).Il se trouve inutile, laid et se demande « ce qu’[il était] venu foutre sur terre » (p. 73). Il se sent d’une « transparence ineffaçable » (p. 76), s’ennuie. Mal dans son corps, il se présente comme « resté portatif et d’un maniement aisé » (p. 111).
Emmuré dans sa solitude, il devint
« l’Orgueilleux » (p. 92), avec la
prétention d’être indispensable à
l’Univers. Pour échapper à la solitude, il
écrit. Ecrire est pour lui un jeu, le
seul jeu où il puisse jouer tout seul.
Sondé par son grand-père, il se prend très
vite au jeu et se veut écrivain célèbre.
« Je n’avais pas choisi ma vocation :
d’autres me l’avaient imposée » (p.
168).
Ressemblant à un jeune camarade de Sartre, décédé, il apparaît à Sartre comme un revenant, un « pseudo-Benard » (p. 185). Il deviendra l’ami de Sartre, et tous deux iront à l’Ecole normale.
Collaborateur de Charles à l’Institut des langues vivantes, il vient déjeuner avec la famille tous les jeudis.
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