Les liaisons dangereuses : les adaptations cinématographiques
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Stephen Frears est un réalisateur britannique, surtout connu, jusqu’à Dangerous Liaisons pour ses comédies sociales sur l’Angleterre contemporaine, en particulier My beautiful laundrette et Prick up your Ears. Depuis lors, il a réalisé des films très différents parmi lesquels The Queen, qui évoque l’attitude de la reine d’Angleterre après la mort de la princesse Diana. Il prépare une nouvelle adaptation d’une œuvre littéraire française : Chéri de Colette.
Le scénariste a raconté comment il avait construit sa pièce de théâtre : « … j’ai fait une construction assez mathématique pour le théâtre. Il y a dix-huit scènes, soit six groupes de trois scènes, qui s’articulent toujours de la même façon. Une scène générale d’exposition, qui couvre environ cinquante pages du roman. Une scène plus resserrée, avec moins de personnages et, enfin, une scène très détaillée, très intime, qui couvre une seule page du roman et se concentre sur un événement particulier. Ces six blocs de trois scènes sont de plus en plus courts, pour marquer l’accélération de l’histoire. Comme dans le livre. ».
Pour la préparation du film, Christopher Hampton est retourné vers le roman sans abandonner complètement la pièce : « J’ai tout de même gardé un certain nombre de choses de la pièce. Surtout vers la fin. Il y a de longues scènes très dialoguées qui en sont issues. ».
Ce processus créatif mérite d’être souligné car il a une influence importante dans la construction du film, dont l’intrigue est resserrée et dramatisée par rapport à celle du roman.
Par ailleurs, afin d’éviter la monotonie de lettres lues en voix off, le cinéaste, comme tous les autres adaptateurs du roman, apporte une modification essentielle aux rapports entre les personnages.
Dans le livre, Merteuil et Valmont ne se rencontrent qu’une seule fois, tandis qu’ils sont mis régulièrement en présence l’un de l’autre dans le film. Il en résulte une modification substantielle de la tonalité de l’œuvre, les personnages dialoguant puis s’affrontant de manière beaucoup plus directe.
Pour autant, plusieurs échanges de lettres, souvent lues en voix off, ont été conservés et le cinéaste en a même inventé une qui ne figurait pas dans le livre : Mme de Merteuil révèle par courrier à Danceny que Cécile a une liaison avec Valmont. En outre, la première image du générique montre des mains de femmes qui tiennent une lettre sur laquelle s’inscrit le titre du film.
Surtout, la fin de l’histoire a été substantiellement modifiée : d’une part, il est évident dans le film que la mort de Valmont est un suicide : hanté par l’image de Mme de Tourvel, qui apparaît agonisante sur l’écran à plusieurs reprises pendant le duel, Valmont se précipite lui-même sur l’épée de Danceny. Le roman, lui, ne décrit pas le déroulement du combat.
D’autre part, le sort de Mme de Merteuil est également différent : alors que dans le roman, elle doit s’enfuir en Hollande, ruinée et défigurée par la petite vérole, Stephen Frears, qui avait d’abord envisagée qu’elle soit guillotinée lors de la Révolution, la montre simplement se démaquillant devant son miroir après avoir été humiliée à l’opéra. Quelques larmes coulent sur ses joues. Il est clair que le cinéaste a considéré que l’accumulation des malheurs qui s’abattaient sur Mme de Merteuil dans le livre devait beaucoup à la morale de l’époque. La fin du film, qui n’est pas moins cruelle que celle du livre, provoque davantage de compassion pour Mme de Merteuil.
Notons aussi que la structure du film est circulaire : il s’ouvre sur les préparatifs de la marquise devant sa coiffeuse, contemplant son image triomphante, et s’achève devant la même coiffeuse, où la libertine défaite se démaquille, dévoilant l’image d’une femme lasse et vulnérable.
• l’usage très fréquent du gros plan sur les personnages permet de scruter leur âme et de retrouver ainsi l’intimité du genre épistolaire qui se prête mal à l’adaptation cinématographique. L’usage du gros plan est complété par celui du miroir, instrument essentiel du séducteur, objet qui dédouble le visage de celui qui s’y regarde et traduit la duplicité des libertins ;
• les métaphores guerrières du livre, décrivant le libertinage comme un combat, sont admirablement reprises par la séquence d’ouverture du film qui montre les préparatifs des deux libertins qui s’apprêtent à engager une guerre, un duel. L’habillage de Valmont et de Mme de Merteuil est filmé avec force détails en montage alterné, nous préparant aux affrontements brillants qu’ils vont avoir ensuite ;
• certaines séquences muettes rendent, bien mieux que tout dialogue, l’esprit du roman. Le meilleur exemple est constitué par le récital chez Mme de Rosemonde, auxquels assistent Valmont, Mme de Merteuil, Mme de Tourvel et Cécile. La position des personnages, les regards qu’ils échangent, les mouvements de caméra sur les uns ou les autres nous font pénétrer dans leurs pensées les plus intimes. Pour la première fois, sans qu’aucun mot ne soit échangé, Mme de Merteuil comprend que les sentiments de Valmont à l’égard de Mme de Tourvel sont bien plus qu’un simple désir de conquête.
• Comme l’indique son titre complet, souvent reproduit sans la mention « 1960 », le film est une transposition au 20e siècle du roman de Laclos.
• Malgré le changement d’époque et le fait que Valmont et Merteuil sont mari et femme dans le film, bien des aspects sont tout à fait fidèles à l’œuvre originale, en particulier l’ambiguïté du personnage de Valmont auquel Gérard Philippe prête son visage angélique. Le très beau générique, accompagné de la musique de jazz de Thelonious Monk, représente un échiquier et nous introduit d’emblée à deux dimensions emblématiques du libertinage : son caractère ludique et les qualités de stratège qu’il implique pour y exceller.
• À l’issue du film, Valmont, saoul, se tue en heurtant avec la tête un chenêt de cheminée alors qu’il se bat avec Danceny. Tandis que Marianne Tourvel, abandonnée, devient folle, Juliette Merteuil est brûlée vive et défigurée en détruisant sa correspondance avec Valmont. Ce qui permet, comme dans le roman, de laisser le dernier mot à Mme Volanges : « Regardez-là. Elle porte son âme sur son visage. ».
• Préparé et tourné pratiquement en même temps que Les Liaisons dangereuses de Stephen Frears, Valmont se veut une libre adaptation du roman avec lequel il prend d’importantes libertés. En particulier, la fin du film est très différente de celle du roman. Considérant que le dénouement du livre était imposé par les mœurs de l’époque, Milos Forman a imaginé que Cécile Volanges, enceinte de Valmont, épousait le naïf Gercourt, sous le regard d’un Danceny hilare et entouré de jeunes femmes en extase devant lui et d’une Mme de Merteuil seulement mélancolique. Au même moment, Mme de Tourvel se recueille sur la tombe de Valmont en présence de son mari, auquel elle a donc vraisemblablement avoué sa liaison.
• Très libre dans sa construction, il est passionnant de comparer avec celle, presque géométrique, du film de Frears, rempli de scènes qui n’existent pas dans le roman, le film contient de nombreux moments en extérieurs, en particulier une séquence étonnante au cours de laquelle Mme de Tourvel fait elle-même son marché et accumule une prodigieuse quantité de victuailles pour préparer un repas pour Valmont auquel elle vient de s’abandonner.
• Une belle séquence de bal tente de rendre par des moyens purement cinématographiques les personnalités des personnages féminins qui transparaissent dans le roman par les styles de leurs lettres. En définitive, le libertinage est ici synonyme de liberté et n’est donc jamais condamné. Seul Valmont meurt pour être tombé véritablement amoureux.
Il s’agit d’une transposition à notre époque et dans un milieu adolescent du roman de Laclos.
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