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Les enjeux des politiques de lutte contre les inégalités

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La lutte contre les inégalités est-elle économiquement justifiée et efficace ? Les politiques publiques semblent avoir de moins en moins de marges de manœuvre.
1. Les inégalités doivent-elles être combattues ?
a. Les inégalités peuvent-être utiles et justifiées
Les inégalités ne sont pas anormales pour les libéraux notamment. Elles sont basées sur le principe de méritocratie : ceux qui ont fait le plus d’efforts doivent réussir. Ainsi, l’enrichissement personnel est le fait de la prise de risque et du travail de certains individus. La société doit l’accepter et reconnaître leurs mérites comme c’est le cas dans les pays anglo-saxons qui ne stigmatisent pas les hauts revenus.

Pour les libéraux, le marché est le garant de cette allocation optimale des ressources ; il est le seul à même d’assurer le bien-être collectif. Pour F. Hayek, le marché « sacrifie » une partie des individus (qui deviennent pauvres par exemple car ils ne réussissent pas à s’y intégrer) mais il permet une formidable croissance économique dont les retombées profiteront aussi aux plus démunis. Il en veut pour preuve que ce sont les systèmes de marché, mêmes les plus libéraux comme aux États-Unis, qui attirent les immigrés pauvres et permettent de faire vivre des populations défavorisées mieux qu’ailleurs.

Ces inégalités sont aussi utiles pour le système économique car elles créent une envie de progresser dans la hiérarchie sociale pour les individus. Cette émulation va démultiplier les efforts au travail et les risques pour investir, ce qui sera bénéfique pour la croissance économique.

Pour les libéraux, la redistribution encourage les individus à la paresse ; par exemple les allocations chômage n’incitent pas les travailleurs à chercher un emploi, il y a augmentation des chômeurs « volontaires ». De plus le système de gratuité encourage les gaspillages en tout genre. Par exemple pour les soins, les individus abusent des traitements et les médecins n’hésitent pas à prescrire beaucoup de soins. Chacun abuse donc de l’offre de services publics non marchands sans se soucier de l’intérêt collectif.
b. Les inégalités ont des effets économiques pervers
Pour être acceptées, les inégalités doivent être justifiées et ne pas être trop criantes. Or, une partie de la richesse de certains individus est acquise sans effort particulier, par exemple lors d’une succession, et certaines inégalités deviennent difficiles à justifier aujourd’hui.
Comment expliquer qu’un dirigeant d’entreprise gagne plusieurs centaines d’années de SMIC ? Le PDG de l’Oréal a gagné en 2011 plus de 10 millions d’euros (toutes rémunérations confondues y compris stock-options) ce qui représente environ 10 000 SMIC, soit 830 années de rémunération au tarif du salaire minimum actuel !

Ces inégalités, si elles apparaissent injustifiées, deviennent alors improductives car certains salariés se démotivent et ne trouvent plus le système économique légitime. De plus, pour les keynésiens, les inégalités ne sont pas efficaces car cela peut avoir des effets néfastes sur la consommation. L’augmentation de la précarité, le pessimisme des ménages face au problème du chômage font que les ménages vont augmenter leur épargne au détriment de leurs dépenses. Cette baisse de la consommation peut avoir à terme des effets négatifs sur la croissance économique.

Enfin, l’augmentation de la pauvreté de certains ménages coûte cher à la protection sociale ; certaines dépenses publiques doivent alors être augmentés et les prélèvements obligatoires aussi.
2. Les contraintes sur les politiques publiques
a. Une crise de financement
Les politiques publiques font face à l’endettement croissant de l’État dû à un budget constamment en déficit. La crise des dettes publiques amorcée en 2009 pour les pays européens les oblige à mener des politiques de désendettement et de rigueur. Les dépenses sont contractées (gel voire baisse du traitement des fonctionnaires, non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite en France, baisse des prestations sociales) et les recettes doivent être augmentées (hausse des cotisations sociales pour les salariés, hausse prévue de la TVA ou des impôts pour les plus fortunés, réduction des « niches » fiscales).

Cela est particulièrement vrai pour les dépenses sociales car le déficit de la sécurité sociale avoisine les 20 milliards d’euros en 2011, notamment à cause des déficits dans le domaine de la santé et des retraites.

Ces déficits de la protection sociale s’expliquent à la fois par le manque de recettes due au chômage et par la baisse des cotisations sociales patronales, mais aussi par des dépenses accrues du fait en partie du vieillissement de la population.

La plupart des gouvernements européens ont mené une réforme du système de retraite par répartition en allongeant la durée de cotisation ou l’âge légal de départ en retraite. La France a choisi en 2007 de poursuivre la hausse de la durée de cotisation qui est portée progressivement à 41,5 ans pour une retraite complète et l’âge légal qui est passé à 62 ans (67 ans pour une retraite à taux plein quelle que soit la durée de cotisation).
b. Une crise d’efficacité et de légitimité
Malgré les dépenses de plus en plus importantes dans le domaine social, il y a une montée de la pauvreté, des inégalités et de l’exclusion. Le régime chômage comprend désormais une partie solidarité, notamment pour les chômeurs de longue durée qui peuvent toucher l’Allocation de Solidarité Spécifique.

Une partie de plus en plus forte de la population ne vit qu’avec ces aides sociales ou alors passe au travers des mailles de la protection sociale et tombe dans la marginalité.

Le RMI par exemple prévoyait, lors de sa création en 1988, de permettre à la fois d’avoir un revenu minimum et une aide pour se réinsérer socialement (suivi des personnes, stages). Or, force est de constater que le versant « intégration » du RMI est un échec ; peu de « Rmistes » trouvent un emploi, beaucoup vivent seulement de cette allocation.

Leur nombre a plus que décuplé pour atteindre aujourd’hui environ 1,2 millions d’allocataires. Le RSA (Revenu de Solidarité Active) doit permettre d’encourager les « Rmistes » à reprendre une activité même peu rémunérée en leur proposant un complément de salaire. Il est prévu de faire travailler les individus touchant le RSA 7 heures par semaine.

Moins efficace et plus coûteuse, la protection sociale perd de sa légitimité aux yeux de certaines parties de la population, notamment les plus favorisées, qui sont plus sensibles à la protection individuelle à l’anglo-saxonne. Le lien de solidarité est ainsi remis en cause entre les jeunes et les vieux, les bien-portants et les malades. Le discours de certaines catégories sociales est de plus en plus « anti-impôts et cotisations sociales » à l’image des États-Unis où, dès les années 1980, la classe moyenne s’est désolidarisée des classes défavorisées, les considérant comme des assistés.

Les nouvelles technologies amènent aussi des questionnements sur les risques ; cela peut remettre en question l’égalité de tous devant la protection sociale ; par exemple dans le cas de risques volontairement courus (fumeurs, personnes obèses), certains n’hésitent pas à préconiser que la collectivité ne finance plus leurs soins.
L'essentiel
Les inégalités ne sont pas anormales car elles peuvent être justifiées par des différences de mérite entre les individus. Ces inégalités permettent aussi une certaine émulation qui conduit à plus de croissance économique. Mais certaines inégalités, notamment de salaire et de patrimoine, ont pris de telles proportions dans nos sociétés qu’elles semblent de moins en moins légitimes.

Les crises de la protection sociale et des déficits publics empêchent les États de mener des politiques plus volontaristes en matière de réduction de ces inégalités.
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