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Les conditions actuelles d'exercice du pouvoir national dans un cadre supranational

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Objectif :
Comprendre à travers l'exemple de la France dans le cadre de l'intégration européenne, comment les conditions d'exercice du pouvoir national sont aujourd'hui particulièrement déterminées par le contexte supranational.

Même les États les plus autarciques et les plus fermés aux relations avec les autres États (Corée du nord, Érythrée, Turkménistan, Birmanie, etc.) ne peuvent pour autant échapper à l’influence des relations extérieures. Les États contemporains sont aujourd’hui insérés dans un tissu dense de relations de natures multiples.

Ces relations peuvent être juridiques (traités et accords internationaux), institutionnelles en raison de l’appartenance à des organisations internationales et/ou régionales, ou bien encore économiques, découlant des flux de marchandises, de services, de capitaux et d’informations. Mais ces relations sont aussi culturelles et politiques avec l’influence des valeurs et des normes qui circulent entre les sociétés.

Dans le cas de l’intégration dans une organisation régionale, comme la République française dans l'Union européenne, les conditions d’exercice du pouvoir national sont particulièrement déterminées par cette appartenance. Aujourd’hui, dans le cas de la France au sein de l’Union européenne, la majeure partie des politiques publiques dépendent du contexte européen. La question est alors de mesurer l’importance de ces influences sur les politiques nationales et les prises de décisions politiques mais aussi de comprendre comment le cadre supranational modifie le jeu politique national.
1. L'appartenance à l'Union européenne conditionne une très large partie des politiques publiques
a. Les influences économiques sur les politiques publiques de l'appartenance à l'Union européenne
La crise européenne a conduit à renforcer la gouvernance économique européenne sur les États. Dans le cadre du dernier traité européen en la matière datant de mars 2012, le Traité de stabilité, coordination, et de gouvernance (TSCG), les États signataires ont décidé de réduire davantage leur souveraineté sur la gestion de leurs finances publiques.

Ce traité prévoit la mise en œuvre d'une règle d'or budgétaire nationale et des possibilités de sanctions mises en œuvre par la Cour de justice de l’Union européenne, quand les États ne respectent pas les engagements de réduction de leur déficit public. Cette règle d’or détermine que le déficit structurel national de chaque État membre ne doit pas dépasser 0,5% du PIB, lorsque la dette publique est supérieure à 60% du PIB.

Le TSCG a pour principal objectif de renforcer le pilier économique de l’Union économique et monétaire mise en place par l’adoption la monnaie unique européenne, favoriser la responsabilité budgétaire de chaque État et de renforcer la coordination des politiques économiques, dans le but d’améliorer la gouvernance de la zone euro. Dans un tel cadre, les marges de manœuvres budgétaires des États sont réduites, même si cela se fait dans le but de rendre plus efficaces les économies européennes. Les politiques publiques, qui dépendent de l’importance des ressources dont dispose l’État pour intervenir, sont ainsi fortement déterminées par le cadre européen d’intégration économique.
Face à la crise bancaire, les États membres de l’Union européenne ont par ailleurs décidé de renforcer l’Union bancaire en fixant des règles communes visant à limiter les risques de faillite des banques. La question d’une taxation des transactions financières est aussi en discussion afin de limiter les comportements spéculatifs sur les marchés financiers.

L’influence de l’Union européenne ne porte pas seulement sur les finances publiques des États, mais aussi sur leurs relations économiques extérieures. En effet, depuis la création de l’Union douanière européenne avec l’adoption du tarif douanier commun en 1968, la compétence de la politique commerciale des États a été transférée à l’Union européenne. Dans le cadre de la gouvernance mondiale des échanges commerciaux, confiée à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les États membres de l’Union européenne négocient d’une seule voix par l’intermédiaire du commissaire européen en charge de ce domaine. Ainsi, cette compétence est devenue exclusive, ce qui signifie que les États n’exercent plus qu’une souveraineté très partielle sur cette question et doivent par le jeu des institutions européennes (Conseil, Commission, Parlement) trouver les compromis nécessaires à la construction d’une position commune en matière commerciale, avant de s’exprimer collectivement au niveau international.

L’influence de l’Union européenne s’exerce aussi sur la politique intérieure de la concurrence qui fixe les règles concernant le fonctionnement des marchés et qui est une compétence partagée de l’Union européenne avec les États membres. Son objectif principal a été d’assurer la construction du marché intérieur européen et de faire respecter les principes nécessaires au bon fonctionnement de la concurrence. L’Union européenne dispose de pouvoirs contraignants pour limiter les comportements prédateurs de la part de certains opérateurs sur les marchés (situation de monopole d’un producteur par exemple) mais pour encadrer aussi les aides versées par les États qui entraineraient des distorsions de la concurrence entre les producteurs européens.
Le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, inclus dans le Traité de Lisbonne datant de 2008, précise ainsi les interdictions concernant les pratiques anticoncurrentielles, les abus de position dominante et permet à la Commission de sanctionner les opérateurs et les États qui contreviendraient à la législation européenne.

Il existe aussi bien d’autres dimensions économiques contraignantes pour les États relevant de compétences propres à l’Union européenne ou partagées, comme la protection des consommateurs et certains éléments de politique sociale et de politiques de l’emploi, sans oublier la très importante politique agricole commune.
b. Les compétences de l'Union européenne ont été renforcées par le Traité de Lisbonne (2008)
Même si le Traité de Lisbonne n’octroie pas de nouvelles compétences exclusives à l’Union européenne, certaines compétences réservées jusqu’à présent aux États entrent aujourd’hui dans le champ des interventions possibles des institutions européennes. Certains domaines comme l’énergie, l’espace, deviennent des compétences partagées.
D’autres offrent à l’Union européenne l’occasion d’exercer des actions d’appui, de coordination, ou de complément, comme c'est le cas dans le domaine de la protection civile, les questions inhérentes à la propriété intellectuelle, le tourisme, la coopération administrative ou même le sport. Dans ces derniers domaines, le Parlement européen et le Conseil des ministres européens peuvent mettre en œuvre des procédures législatives ordinaires.

Le Traité de Lisbonne a de plus, renforcer le rôle de l’Union européenne dans des domaines où jusqu’à présent, la souveraineté des États membres était totale. En effet, l’Union européenne fournit aux États membres les moyens de construire un espace commun de liberté, de sécurité et de justice. Reposant sur le principe des décisions à la majorité qualifiée du Conseil des ministres, avec la possibilité d’une codécision par le Parlement européen, l’Union européenne peut se saisir des questions relatives à la politique de droit d’asile, la gestion des frontières extérieures de l’Union (dispositif Frontex), les règles portant sur les infractions et les sanctions pénales pour les crimes transfrontaliers (système Eurojust) et la coordination des services de police des États membres (dispositif Europol).

L’action de l’Union européenne a aussi été étendue au domaine diplomatique et à celui de la défense. L’Union européenne dispose aujourd’hui d’un Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Il a pour mission de représenter l’Union européenne à l’étranger, il dispose d’un service d’action extérieur réunissant des diplomates et préside le Conseil des affaires étrangères. C’est ici une des plus anciennes fonctions régaliennes de l’État qui est confiée à une organisation d’intégration régionale. Dans le domaine de la défense, le Traité de Lisbonne a introduit une clause de défense mutuelle, telle qu’elle existe déjà au sein de l’OTAN, et une clause de solidarité pour les États qui seraient touchés par une catastrophe naturelle ou humaine, ou par des attaques terroristes.
Ce traité a aussi permis la création de l’Agence européenne de défense dans le but de développer une politique commune de l’armement.
2. Les décisions des pouvoirs publics et les enjeux politiques sont conditionnés par l'appartenance à l'Union européenne
a. L'architecture décisionnelle des pouvoirs publics français est européenne
Sur le plan institutionnel, le fonctionnement de l’État français a été profondément modifié par le processus d’intégration européenne. S’il existe un ministre en charge des affaires européennes, ce sont aussi l’ensemble des pouvoirs constitués qui disposent des organes nécessaires à la prise de décisions dans un cadre européen.

Le Premier ministre, par exemple :
- dispose d’un secrétariat général aux affaires européennes qui assure la coordination interministérielle pour l’ensemble des questions européennes,
- prépare les décisions françaises de politiques publiques qui relèvent des compétences de l’Union,
- assure la mise en œuvre des normes juridiques européennes,
- garantit les engagements de la France pour l’Europe.

De plus, au sein du gouvernement, et afin d’assurer la coordination du travail des différents ministres sur les questions ayant une dimension européenne, existe un Comité interministériel sur l'Europe qui se réunit tous les mois. Ses objectifs sont d’assurer une veille sur les questions européennes, de sensibiliser les citoyens à ces enjeux, de permettre un suivi des processus de négociations européens dans lesquelles est engagé la France et de mobiliser l’action des différents ministres selon les thématiques concernées.

Le pouvoir exécutif incarné par le Chef de l’État joue par ailleurs un rôle déterminant dans la conduite de la politique européenne de la France et dans l’intégration des dimensions européennes dans les politiques nationales. Au sein des institutions européennes, le Chef de l’État participe aux réunions du Conseil européen qui détermine « les orientations et les priorités politiques générales » de l’Union européenne. Réunit deux fois par semestre, le Conseil européen peut aussi être convoqué pour une réunion extraordinaire lorsque la situation l’exige, comme cela a été le cas à de nombreuses reprises en 2012 face à la situation de crise économique.

Les citoyens disposent aussi d’un pouvoir de participation à la construction européenne, et ce depuis l’élection des députés au suffrage universel direct au Parlement européen depuis 1979. Les 750 représentants des citoyens de l’Union, les députés européens disposent depuis le Traité de Lisbonne d’un pouvoir renforcé dans les prises de décisions au sein des institutions européennes.

Le Parlement européen a un pouvoir législatif aujourd’hui important qui lui permet d’orienter les politiques européennes mais aussi un pouvoir qui s’exerce sur les nominations importantes au sein de l’Union, comme celle du Président de la Commission européenne.
b. Pour autant, les enjeux politiques nationaux ne sont pas toujours replacés dans le contexte européen
Sans aucun doute, les difficultés liées à la construction européenne reposent aujourd’hui sur l’écart entre un système institutionnel démocratique et l’absence d’espace politique européen, tout en conservant des espaces politiques nationaux relativement séparés.

Cette absence se traduit par la forte abstention électorale aux élections européennes. Les questions européennes sont souvent, dans le meilleur des cas, utilisées comme bouc émissaire par les responsables politiques nationaux pour rejeter la responsabilité de ce qui ne fonctionne pas sur les institutions européennes. Dans le pire des cas, ces derniers considèrent comme nécessaire la sortie du processus d’intégration. L’exercice du pouvoir national consiste alors à gérer les contradictions apparentes entre les objectifs nationaux et les nécessités européennes. Le risque repose alors sur l’affaiblissement de la légitimité de la construction européenne et le rejet par les citoyens du processus d’intégration.
L'essentiel
Les conditions d'exercice du pouvoir national sont aujourd'hui particulièrement déterminées par le contexte supranational. Le cas de l'importance de l'Union européenne sur la conduite des politiques publiques françaises, comme c'est le cas pour l'ensemble des États membres, est particulièrement probant. Quasiment aucune politique publique n'échappe aux normes et décisions européennes et il est souvent nécessaire de penser ces politiques par l'Europe qu'uniquement dans un cadre national.
Cette influence majeure de l'Europe sur les politiques publiques concerne le champ de l'économie, mais aussi de nombreuses dimensions des pouvoirs traditionnellement régaliens de l'État.
Il a donc fallu transformer l'architecture institutionnelle de l'État afin d'intégrer en permanence les dimensions européennes dans les prises de décisions politiques.

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