Lecture méthodique 2 : l'aveu
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De la page 129 « Alors la marquise de La Pommeraye se couvrit les yeux » à la page 130 « Mme de La Pommeraye se renversa sur son fauteuil et se mit à pleurer. »
Aussi peut-on se demander si ce détournement n’est pas une manière pour l’auteur de dénoncer les illusions de la fiction.
Le mot est issu du grec pathos, « passion ». Pathos est aussi un terme de rhétorique, correspondant aux émotions que celui qui parle doit susciter chez son auditeur, dont il doit connaître la psychologie.
Le pathos est une des clés de la persuasion, à laquelle tend tout discours. Fine psychologue et connaissant parfaitement le marquis, Mme de La Pommeraye manie efficacement tous les ressorts propres à émouvoir et donc à persuader son ancien amant. En s’accusant, elle parvient à obtenir la bienveillance et la compassion du marquis (en rhétorique, on parle de captatio benevolentiae), et à passer du statut de coupable à celui de victime. Qui plus est, en s’accusant de l’inconstance dont le marquis est coupable, elle provoque en lui un sentiment de culpabilité qui incitera ce dernier à avouer à son tour sa faute.
• L’expression de la culpabilité
- S’accabler
S’accuser, c’est devancer les accusations de l’auditeur pour en désamorcer la colère.
Le champ lexical de la faute : « inconstante », « légère ».
L’antithèse renforcée par un chiasme met en évidence la culpabilité de l’amie : « Vous êtes le même, mais votre amie est changée. »
La répétition comme insistance de la culpabilité : « moi, moi ».
La phrase exclamative exprime l’émotion née du caractère scandaleux de la faute : « inconstante, légère ! »
- Se soumettre et rechercher la punition
L’injonction au service de la soumission : « ne m’épargnez-pas », « dites-les-moi. »
Le champ lexical de la soumission : « je les écoute avec résignation parce que je les mérite », « je suis prête à les accepter tous. »
L’expression du haut degré au service de l’exagération : « entrez en fureur, cherchez les noms les plus odieux. »
La répétition au service de l’exagération : « je me les suis donnés d’avance, donnez-les-moi. »
Reconnaître ses fautes et en accepter la punition, c’est accéder au pardon.
• Les marques d’un trouble
Les gestes, les revirements, les répétitions, les silences sont la marque d’un trouble psychique, d’un égarement de la raison dus à une violente émotion, en l’occurrence délivrée par la culpabilité.
- La gestuelle de la honte. Au début du passage, Mme de La Pommeraye « se couvrit les yeux, pencha la tête » : l’attitude correspond à l’expression physique de la honte ; pour clore le passage « Mme de La Pommeraye se renversa sur son fauteuil et se mit à pleurer » : l’abandon à la honte, une marque de spontanéité, éloignée de tout calcul. Ces marques, prises pour vraies, excitent la compassion de l’auditeur.
- Les revirements : « épargnez-moi… Non, ne m’épargnez pas. »
- Les répétitions : « je me les suis donnés d’avance, donnez-les-moi » ; « épargnez-moi… Non, ne m’épargnez pas » et « vous m’épargnerez »
- L’aposiopèse : il s’agit d’une figure qui marque l’interruption totale d’un propos. La phrase reste suspendue. Elle est ici la marque d’une émotion vive, trahit la réticence du personnage à dire clairement sa culpabilité au nom de la honte et se trouve figurée par les points de suspension : « il est vrai… oui, je suis… ».
• L’atténuation
- Les adresses au marquis. L’injonction relève de la supplication : « épargnez-moi »
Les marques d’affection et de respect : passage de « marquis » à « mon cher marquis ». « Votre amie vous révère, vous estime autant et plus que jamais » : le compliment est soutenu par l’allitération et évolue en gradation.
- L’atténuation de la colère en ne la nommant pas : « votre étonnement », « les choses amères ».
- L’atténuation de la faute : elle n’est presque jamais nommée que par des périphrases ou des mots approximatifs. « la chose », « votre amie est changée » : non seulement le terme est euphémistique mais la faute est également annulée par le compliment qui suit « votre amie vous révère ».
Mise à distance de soi comme coupable : usage de périphrases pour parler de soi « votre amie », « une femme », « Mme de La Pommeraye ».
Si l’exagération relève de la stratégie de Mme de La Pommeraye pour persuader, elle est aussi la marque, non de l’égarement de son esprit mais au contraire de sa maîtrise du langage et des sentiments. En exagérant sa faute, le personnage finit par s’innocenter.
- De l’absence de responsabilité à l’innocence : « un grand malheur que la chose soit arrivée » : caractère accidentel et involontaire de la faute dont Mme de La Pommeraye devient la victime.
- De l’innocence au courage : le personnage est une femme de mérite et de qualité qui n’est pas la dupe d’elle-même : « une femme accoutumée comme elle à examiner de près ce qui se passe dans les replis les plus secrets de son âme ».
- Le courage de la sincérité : « n’est-ce pas un assez grand malheur que la chose soit arrivée, sans y ajouter encore la honte, le mépris d’être fausse en vous le dissimulant ? » : la forme interro-négative relève de la fausse interrogation ; dans une perspective rhétorique, elle est destinée à convaincre et prouve la maîtrise du personnage.
« La découverte est affreuse, mais elle n’en est pas moins réelle » l’antithèse, par le contraste qu’elle établit entre « affreuse » et « réelle », rend d’autant mieux hommage au courage de celle qui à oser s’avouer sa faute avant d’oser l’avouer au marquis.
• L’ironie du discours
L’insistance de Mme de La Pommeraye à clamer son sens de l’honnêteté et son goût pour la sincérité au moment où elle est la moins sincère est d’une ironie savoureuse pour le lecteur.
L’ironie se rencontre dans les insistances du personnage à utiliser : le champ lexical de la faute, « la honte, le mépris » ; le champ lexical de la dissimulation, « le mépris d’être fausse en vous le dissimulant », « femme fausse »
• Le monde comme théâtre
Mme de La Pommeraye s’avère être une virtuose de la dissimulation. Elle parvient à convaincre grâce aux accents pathétiques qu’elle a su donner à son discours sans éprouver la honte qu’elle affiche, puisqu’elle n’est pas coupable de ce dont elle s’accuse. Ce phénomène s’apparente à ce que Denis Diderot appelle le paradoxe du comédien. Plus les sentiments éprouvés par le comédien au moment où il joue sont loin des sentiments du personnage qu’il interprète, plus il est convaincant dans son rôle. Car il a la maîtrise de la palette des émotions humaines.
Mme de La Pommeraye s’apparente donc à une comédienne qui a joué la comédie à son amant, sur le théâtre du monde.
• Une interruption burlesque
L’interruption de la narration est matérialisée typographiquement :
- d’abord par les points de suspension : ironiquement, ce que l’on aurait pu prendre pour un nouveau silence pathétique de Mme de La Pommeraye est en réalité une manière de signifier le glissement d’un degré du discours à un autre. On passe en effet du discours direct, et donc vivant, de la marquise à celui des personnages de l’auberge.
- Ensuite par les parenthèses et par les italiques : (Ma femme ? – qu’est-ce ? – Rien…). L’hôtesse est interrompue par son mari et un dialogue s’instaure entre eux de part et d’autre de la porte de la chambre de Jacques et son maître. La trame discursive devient d’autant plus difficile à démêler.
• Une interruption postiche
L’interruption de l’hôtesse par son mari est postiche dans la mesure où elle ne débouche sur rien. Elle sert à rompre l’illusion. Elle initie ainsi le lecteur à une lecture consciente d’elle-même tout en le divertissant : en effet, elle permet l’irruption du comique au cœur même du pathétique.
Le contraste né de la superposition des registres de langue à l’occasion de la superposition des discours débouche sur une scène burlesque : « On n’a pas un moment de repos dans cette maison, même les jours qu’on n’a presque point de monde. » Le registre de langue de l’hôtesse ainsi que la trivialité de ses propos tranche avec le langage de Mme de La Pommeraye.
Le burlesque apparaît également dans le contraste qui s’établit entre le couple formé par le marquis et la marquise, et celui de l’hôtesse et de son mari. Dans les deux cas, la femme a la maîtrise de la parole. « Qu’une femme de mon état est à plaindre, surtout avec une bête de mari !… Cela dit, Mme de La Pommeraye se renversa sur son fauteuil et se mit à pleurer. » Le glissement permis par les points de suspension augmente l’ambiguïté du démonstratif : celui-ci renvoie-t-il à « une bête de mari ! » ou au discours précédent de la marquise ? Le brouillage n’en est que plus amusant.
• Une dispositif énonciatif invraisemblable
Le contraste établit entre les deux discours finit par jeter le discrédit sur les extraordinaires talents de conteuse de l’hôtesse. Est-il en effet vraisemblable que l’hôtesse soit capable non seulement de restituer avec autant de précision le long discours de la marquise mais en plus d’en conserver toutes les subtilités ? Encore une marque de la présence de l’auteur qui prétend garantir le lecteur de l’illusion romanesque.
Le passage correspond à un moment crucial dans le petit roman de Mme de La Pommeraye et du marquis des Arcis, dans la mesure où c’est de l’issue de cette scène pathétique que résultera le désir de vengeance de la marquise. On y découvre la virtuosité d’un personnage maître du langage et de son jeu, propre à illustrer la théorie de Denis Diderot concernant le paradoxe du comédien, et conduisant à cette conception que le monde est un théâtre.
En dehors de ce petit roman cependant, le contraste entre les situations et les discours, tout en rappelant au lecteur que la littérature n’est qu’illusion, donne lieu à un moment burlesque des plus divertissants.
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