Le western
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D'œuvre en œuvre, on retrouve des lieux (la ville, la ranch, le saloon, la prairie etc.), des péripéties (la chevauchée, la poursuite, le duel etc.), et l'opposition entre le désordre (le sauvage) et la Loi. Comme tout genre ultra-codé, le western sera pastiché.
Pour des raisons différentes, un groupe d'individus très hétérogène doit faire un long voyage en diligence jusqu'à Lordsburg. Ce parcours réalisé par étapes donne au film sa linéarité, il en détermine la durée. D'un point de vue dramatique, le montage est tout à fait classique : un événement en entraîne un autre, une cause produit sa conséquence, une situation problématique génère son lot de doutes etc. Le montage donne donc au récit une liaison efficace.
Par ailleurs, le western met souvent en scène des traversées d'individus dans des milieux hostiles. Dans « Stagecoach », cette opposition entre microcosme et macrocosme est prise en charge par un montage qui alterne des plans serrés sur les personnages dans la diligence et des plans de grand ensemble sur l'espace qu'ils traversent. Les plans serrés, intérieurs, observent presque toujours le modèle (classique) du champ-contrechamp : ainsi se tissent des rapports étroits entre les personnages, qu'ils soient conflictuels ou amicaux.
Les plans de grand ensemble replacent cette cellule dans son contexte hostile : une menace plane sur le véhicule et va se confirmer rapidement. Les figures classiques du western présentes dans le film sont les suivantes : la prostituée, le docteur alcoolique (tous deux promis au Salut), le banquier accusateur et malveillant qui court à sa perte, la femme de bonne famille, le jeune homme - John Wayne - résolu à venger ses morts, etc.
La fin du film orchestre un plan de grand ensemble sur la diligence, puis un panoramique qui dévoile, au sommet de la montagne, des Indiens belliqueux sur le point d'attaquer le convoi (les Apaches conduits par Geronimo).
L'effet de surprise est ainsi ménagé par un panoramique qui vient troubler la stricte alternance qui faisait autorité. Ensuite, tous les conflits vont éclater puis se résoudre : les Indiens sont battus, le docteur a sauvé la jeune femme et son bébé, la jeune femme retrouve son mari, Ringo Kid venge son père dans un duel incontournable.
Le dernier plan du film (le départ de Ringo Kid et Dallas) exprime très nettement ce nouvel équilibre, ce retour de l'ordre dans le monde. La plupart des westerns observent la même symétrie : le premier plan, de grand ensemble, exprime l'équilibre du monde que quelque chose va troubler pour alimenter l'intrigue tandis le dernier plan, toujours de grand ensemble, se fera le lieu de l'ordre retrouvé.
• « La Poursuite infernale », 1946 ;
• « Le Massacre de Fort Apache », 1948 ;
• « La Charge héroïque », 1949 ;
• « La Prisonnière du désert », 1956 ;
• « L'Homme qui tua Liberty Valence », 1961.
Il a fait de nombreux émules qui ont pris plus ou moins de distance avec les fondements du genre. Certains ont voulu se mettre au service des codes établis, les mettre en scène avec beaucoup de sobriété. Howard Hawks (« La Captive aux yeux clairs », 1952 ; « Rio Bravo », 1956) compte parmi ceux-là. Tout comme Henry Hathaway.
Anthony Mann préférera à l'alternance traditionnelle de temps forts et de temps faibles (très présente chez Raoul Walsh) un maintien constant de la tension dans ses films, souvent prise en charge par un personnage (« Winchester 73 », 1950 ; « L'Appât », 1952 ; « L'Homme de l'ouest », 1958).
Nicholas Ray insistera davantage sur la valeur de la morale individuelle de ses héros, plus ambiguë, plus subtile que les distinctions trop évidentes, trop monolithiques, du Bien et du Mal (« Johnny Guitar », 1953). De son côté, Fred Zinnemann est reconnu pour avoir donné au western, sans toutefois bouleverser son cadre, une épaisseur intellectuelle qui l'éloigne du divertissement (« Le Train sifflera trois fois », 1952).
Dans la plupart de ces films, les scènes les plus classiques du genre ne manquent pas. Parmi elles, le duel est particulièrement intéressant du point de vue du montage. Deux hommes s'opposent, l'un d'entre eux est de trop, ils ne peuvent vivre dans le même lieu. Ils ne peuvent même pas figurer dans le même plan. La tension qui émane de cette opposition est exprimée dans la parfaite symétrie que le montage observe alors.
Leurs corps, d'abord montrés dans leur intégrité, sont ensuite découpés par la caméra, les fragments correspondants sont directement connectés les uns aux autres : des gros plans sur les visages, des plans américains sur les armes quand ils dégainent etc.
Très souvent, la symétrie signale une ressemblance entre les deux hommes, de plus en plus évidente quand les caractères gagnent en ambiguïté (la mort inévitable du premier peut s'avérer douloureuse pour le second, comme dans « Vera Cruz » de Robert Aldrich en 1954). Le duel est donc un épisode ultra-codé du western. Il sera un moment privilégié pour les cinéastes qui auront entrepris de réinventer le genre.
« Forty Guns » de Samuel Fuller (1957) pourrait faire partie des deux groupes. Il reprend des archétypes qui portent déjà en eux leur propre disparition : le tireur devenu légende, la femme autoritaire et influente, tous deux vieillissants, évoluent maintenant dans un monde qui ne leur ressemble plus. Les codes de l'honneur sont révolus : on n'hésite pas à se tirer dans le dos. Les lieux sont très hostiles, les prairies ne sont plus les espaces amènes d'autrefois, elles sont traversées ici par de furieuses tempêtes.
En ce qui concerne le montage, les articulations très codifiées des formes classiques sont bouleversées. Dans le premier duel qui oppose Griff Bonnell à Brockie, il n'y a plus l'opposition scrupuleuse des parties de corps dans le montage. Un très gros plan des yeux du premier (le tireur de légende) emporte tout sur son passage. Très déterminé, il marche vers l'autre protagoniste, et l'assomme d'un coup de crosse.
A l'inverse des codes classiques, Sam Peckinpah ne met pas en scène l'idée d'un ordre perdu à retrouver (« La Horde sauvage », 1969 ; « Pat Garrett et Billy le Kid », 1973). La violence devient pulsionnelle et spectaculaire. Les corps touchés par les balles sont projetés en arrière, le sang gicle abondamment. Ces corps chutent, au ralenti, les visions très brèves qui en sont proposées (des flashes) s'inscrivent dans des séquences descriptives dont le défilement reste normal. Le chaos est donc total en ce qu'il affecte même le montage.
Les westerns italiens, dont Sergio Leone reste l'auteur emblématique (« Pour une poignée de dollars », 1964 ; « Et pour quelques dollars de plus », 1966 ; « Le Bon, la Brute et le Truand », 1966, 1968), accentuent, entre autres différences notables, de façon outrancière tous les codes du genre, des caractères à la mise en scène des personnages (à ce titre, le montage des premières séquences d' « Il était une fois dans l'Ouest », 1968, est très éloquent).
Ce que ces films réfléchissent, en miroir, ce n'est plus tant l'Ouest sauvage des premiers temps que le western lui-même comme forme accomplie. La voie du parodique est tracée. Elle sera surexploitée par d'autres westerns spaghettis.
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