Le processus d'élaboration et d'adoption d'un texte législatif
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Sans nul doute, la prédominance de l’exécutif marque ce processus législatif dans le régime de la Ve République. Le parlementarisme rationalisé offre à ce dernier les instruments d’une domination certaine, ce qui n’empêche par le Parlement (Assemblée nationale et Sénat) de jouer un rôle déterminant dans l’adoption de la loi. Parce qu’il demeure un mécanisme fondamental dans une démocratie, parce que la loi doit être l’expression de la volonté collective par l'intermédiaire de ses représentants, le processus législatif est au cœur de la Constitution et résulte des rapports entre le Gouvernement et le Parlement (titre V de la Constitution).
Si le Parlement se voit confier l’exercice du pouvoir législatif, celui-ci demeure encadré par la Constitution. Le Constituant a en effet, à la différence des régimes politiques précédents (IVe et IIIe Républiques), circonscrit le domaine législatif à des domaines bien précis. En creux, c’est le pouvoir exécutif et réglementaire qui apparaît renforcé par un tel choix. Ainsi, l’article 34 de la Constitution précise les domaines pour lesquels la loi « fixe les règles ».
- C’est le cas des droits civiques et des garanties fondamentales accordées aux citoyens dans l’exercice des libertés publiques.
- Le domaine de la loi concerne aussi la définition de la nationalité, l’état et la capacité des personnes, ou bien encore les régimes matrimoniaux.
- Les crimes et délits comme les modalités fiscales relèvent aussi du domaine de la loi.
La loi, et donc le Parlement, détermine les régimes fondamentaux concernant la défense nationale, la libre administration des collectivités territoriales, l’enseignement, le droit du travail ou la protection de l’environnement. Le Parlement est par ailleurs compétent pour déterminer les ressources et les dépenses de l’État, et de la Sécurité sociale, par l’intermédiaire des lois de finances qu’il vote mais dont l’initiative appartient au Gouvernement.
L’architecture constitutionnelle de la Ve République est marquée par la prédominance de l’exécutif. Par conséquent, ce dernier exerce un contrôle renforcé sur les actes du Parlement dans le processus législatif. Il en est ainsi de l’initiative de la loi. Si cette dernière appartient « concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement » (article 39). Les projets de lois du Gouvernement occupent une place prédominante dans le processus législatif. Ce dernier article stipule que « les projets de loi sont délibérés en conseil des ministres après avis du Conseil d'État et déposés sur le bureau de l'une des deux assemblées ».
En effet, le pouvoir exécutif, aux mains du chef de l’État et du Premier ministre, dispose le plus souvent, sauf en période de cohabitation, d’une majorité parlementaire. Il doit certes se conformer à l’exercice démocratique de présentation des textes devant le Parlement et laisser s’exercer le rôle imparti à l’opposition parlementaire mais le fait de disposer de cette majorité lui procure une aisance importante en la matière. Sachant par ailleurs que sa majorité parlementaire adoptera forcément (ou presque) les textes qu’il lui soumet, il dispose en plus du privilège de faire appel à ses parlementaires pour faire des propositions de lois qui vont dans le sens de ses intérêts. Le pouvoir exécutif majoritaire dispose alors d’un quasi-monopole sur l’initiative législative.
A posteriori, le Gouvernement dispose aussi du pouvoir de délégalisation des lois, dans le cas où une loi aurait été adoptée alors qu’elle occupe le domaine réglementaire. Pour ce faire, le Gouvernement peut demander alors au Conseil constitutionnel de statuer en la matière afin de retirer à ce texte sa valeur législative.
De plus, le Gouvernement dispose d’une priorité pour présenter ses projets de lois (article 48). Cet article précise que « deux semaines de séance sur quatre sont réservées par priorité, et dans l'ordre que le Gouvernement a fixé, à l'examen des textes et aux débats dont il demande l'inscription à l'ordre du jour ». S’ajoute à cette obligation, celle concernant la priorité accordée aux projets de lois de finances de l’État et de la Sécurité sociale. Ainsi, 90% des lois adoptées par le Parlement sont issues des projets de lois du Gouvernement. L’espace d’opportunités législatives pour le Parlement demeure ainsi restreint. Il est cependant possible qu’un texte d’origine parlementaire puisse être adopté dans la mesure où un consensus se dégage entre les deux assemblées et le Gouvernement sur son opportunité, et qu’une majorité parlementaire opportune se détermine pour son adoption. Ce fût ainsi le cas de la réforme de la constitution financière de l’État avec l’adoption de la loi organique portant organisation des lois finances en 2001. Les propositions de loi des parlementaires ne peuvent par ailleurs avoir pour conséquence la « diminution des ressources publiques » ou « la création ou l'aggravation d'une charge publique » (article 40).
Le Gouvernement peut aussi avoir recours à la procédure accélérée (article 45 alinéa 2) afin d’obliger le Parlement à voter rapidement le projet de loi, ou bien encore engager sa responsabilité sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la Sécurité sociale, ou un autre projet une fois par session parlementaire (article 49-3).
L’article 38 de la Constitution confère au Gouvernement la possibilité de demander au Parlement une habilitation à prendre par ordonnances des mesures qui relèvent normalement du champ législatif. Une telle procédure nécessite donc que le Parlement vote une loi d’habilitation précisant les domaines de la loi concernés, et le délai imparti. A l’expiration du délai d’habilitation, le Parlement doit voter une loi ratifiant les textes élaborés par ordonnances afin que ces derniers aient une valeur législative. Ces ordonnances prises en Conseil des ministres après avis du Conseil d’État, ont donc une valeur législative lorsqu’elles sont ratifiées, sinon elles sont considérées comme caduques dans le cas contraire.
Par ailleurs, la réforme constitutionnelle de 2008 renforce le pouvoir du Parlement quant à la recevabilité des projets de lois du Gouvernement. En effet, l’article 39 alinéa 4 précise que « les projets de loi ne peuvent être inscrits à l'ordre du jour si la Conférence des présidents de la première assemblée saisie constate que les règles fixées par la loi organique sont méconnues ». Cette loi stipule par exemple que le Gouvernement lors du dépôt du projet de loi sur le bureau des assemblées doit joindre à ce dernier toutes les informations de nature à éclairer le Parlement, ce qui est le cas des études d’impact concernant le texte considéré, son articulation avec le droit européen, et les consultations éventuelles qui ont eu lieu pour son élaboration. La réforme de 2008 renforce aussi le pouvoir du Parlement de par l’obligation de présenter au vote les textes émanant des commissions parlementaires auxquelles participent le Gouvernement, et non plus directement les textes de projet de loi de ce dernier.
Même si le Parlement dispose de pouvoirs certains dans ce processus, le Gouvernement se voit confier de nombreux outils constitutionnels lui permettant d’imposer ses projets de lois. La réforme constitutionnelle de 2008 a cependant rééquilibré dans une certaine mesure la répartition des compétences entre exécutif et législatif dans le processus d’élaboration de la loi.
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