Le genre judiciaire
- Fiche de cours
- Quiz et exercices
- Vidéos et podcasts
- Comprendre ce qu'est un discours judiciaire.
- Le discours judiciaire par excellence est le discours des avocats lors d'un procès.
- Le plaidoyer ou le réquisitoire peuvent sortir du tribunal pour être prononcés par des écrivains, des philosophes, des intellectuels qui ont défendu des causes qui leur semblaient justes.
Dans la tradition rhétorique mise en place par Aristote, il existe trois genres dont le genre judiciaire, adapté à l'accusation ou la défense.
Le genre judiciaire se pratique au tribunal. Il reste très utilisé aujourd'hui, car la Justice constitue l'un des piliers de l'organisation politique de nos sociétés modernes.
L’orateur s’adresse à un auditoire qui doit rendre un jugement (juge ou jury) lors d’un procès. Le discours judiciaire représente le genre prédominant de la rhétorique : c’est dans les tribunaux de la Sicile grecque qu’elle est née au Ve siècle avant notre ère.
De plus, selon Aristote, la fonction de juge est attribuable à tout auditoire, quel que soit le genre du discours présenté.
Parmi les nombreux genres argumentatifs rattachés à l’éloquence judiciaire, on trouve tout d’abord le plaidoyer et le réquisitoire.
Ce terme se spécialise dans la défense en faveur d’une personne, d’une institution ou d’une idée. Dans le cadre d’un procès, la plaidoirie est le discours de l’avocat qui défend les intérêts de son client.
Le plaidoyer vise exclusivement la défense d’une personne ou d’une idée. Il a une connotation plus affective que la plaidoirie (plus pathétique notamment, car il fait appel aux émotions et à la pitié de l’auditoire).
De façon générale, toute œuvre qui dénonce, remet en cause, attaque, reproche ou accuse, quelle que soit sa nature (poème, photographie, film, roman…), peut être en partie assimilée à un réquisitoire.
Les plus grands procès ont un retentissement qui va bien au-delà des tribunaux, car ils mettent en scène des enjeux de société parfois très polémiques.
Le procès de Patrick Henry, reconnu coupable de l’enlèvement et du meurtre d’un enfant âgé de 7 ans, servit de tribune contre la peine de mort. C’est Robert Badinter, futur ministre de la Justice de François Mitterrand, qui prit sa défense et obtint, malgré l’émotion suscitée par son crime, qu’il ne soit pas condamné à mort mais à la réclusion à perpétuité. La plaidoirie de Robert Badinter, à la fin du procès (1977), est restée célèbre.
Certains procès constituèrent le prélude à des avancées historiques pour la reconnaissance des droits des femmes.
La loi autorisant l’IVG fut votée en 1975, 3 ans après un procès resté célèbre grâce à l’avocate Gisèle Halimi, qui prit la défense d’une jeune femme jugée pour avortement, alors que ce dernier était encore illégal en France.
Enfin, tous les accusés ont droit à être défendus, même les pires criminels.
La défense de Klaus Barbie (officier SS et chef de la Gestapo basée à Lyon, surnommé « le boucher de Lyon ») a ainsi été en partie assurée par Maitre Verges (1924-2013), lors du premier procès pour « crime contre l’humanité » en France, en 1987. Maitre Verges est connu pour avoir défendu les causes de grands criminels de guerre, de terroristes et de chefs d’État africains.
Apologie de Socrate, de Platon
Un plaidoyer n’est pas nécessairement un discours prononcé au tribunal mais il peut prendre différentes formes.
Pour s’opposer à la peine de mort, Victor Hugo a écrit un récit célèbre dans lequel il plaide pour l’abolition de la peine de mort en faisant parler un condamné anonyme qui va bientôt mourir guillotiné.
Dans ce texte célèbre, on remarque l’appel à la pitié du lecteur, confronté à la souffrance d’un homme qui va bientôt mourir. Le narrateur évoque ses sentiments, son angoisse et l’horreur que lui inspire son état :
« Condamné à mort !
Quoi que je fasse, elle est toujours là, cette pensée infernale, comme un spectre de plomb à mes côtés, seule et jalouse, chassant toute distraction, face à face avec moi misérable, et me secouant de ses deux mains de glace quand je veux détourner la tête ou fermer les yeux. Elle se glisse sous toutes les formes où mon esprit voudrait la fuir, se mêle comme un refrain horrible à toutes les paroles qu’on m’adresse, se colle avec moi aux grilles hideuses de mon cachot ; m’obsède éveillé, épie mon sommeil convulsif, et reparait dans mes rêves sous la forme d’un couteau. »
Le Dernier jour d’un condamné, de Victor Hugo (1829)
Le 13 janvier 1898, Émile Zola fait publier en une du journal L'Aurore une lettre ouverte adressée au Président de la République. Cette lettre est un véritable réquisitoire, qui restera célèbre.
Émile Zolda le rédige en réaction à l’acquittement du commandant Esterhazy, accusé d’être le véritable espion de « l’affaire Dreyfus ».
Cette lettre est restée célèbre pour l’anaphore finale de la péroraison – c'est-à-dire la conclusion d'un discours – qui lui donne son titre : Zola répète « J’accuse » en citant un à un les protagonistes de cette affaire, généraux, experts, officiers, conseil de guerre, au risque de s’exposer lui-même à un procès.
Me permettez-vous, dans ma gratitude pour le bienveillant accueil que vous m’avez fait un jour, d’avoir le souci de votre juste gloire et de vous dire que votre étoile, si heureuse jusqu’ici, est menacée de la plus honteuse, de la plus ineffaçable des taches ? Vous êtes sorti sain et sauf des basses calomnies, vous avez conquis les cœurs. [...] Mais quelle tache de boue sur votre nom — j’allais dire sur votre règne — que cette abominable affaire Dreyfus ! Un conseil de guerre vient, par ordre, d’oser acquitter un Esterhazy, soufflet suprême à toute vérité, à toute justice. Et c’est fini, la France a sur la joue cette souillure, l’histoire écrira que c’est sous votre présidence qu’un tel crime social a pu être commis. Puisqu’ils ont osé, j’oserai aussi, moi.
La vérité, je la dirai, car j’ai promis de la dire, si la justice, régulièrement saisie, ne la faisait pas, pleine et entière. Mon devoir est de parler, je ne veux pas être complice. Mes nuits seraient hantées par le spectre de l’innocent qui expie là-bas, dans la plus affreuse des tortures, un crime qu’il n’a pas commis. [...] »
J’accuse, d'Émile Zola, dans L'Aurore (13 janvier 1898)
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