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La République, les religions et la laïcité depuis les années 1880

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Jusqu'au 19e siècle, le religieux est omniprésent dans la société française : la pensée, les comportements sont profondément marqués par le christianisme. Le cadre de vie est encore profondément guidé par les rîtes, les fêtes de cette religion, majoritaire dans le pays.
À partir des années 1880, la République se fixe pour objectif de faire entrer le domaine de la croyance religieuse dans la sphère du privé, de l'intime et conduire en parallèle une politique de laïcisation de l'État et de l'école.
1. Construire une République laïque
a. L'objectif
L'affirmation du régime républicain est indissociable d'un objectif de laïcité qui doit permettre la consolidation des valeurs républicaines. La laïcité implique une séparation stricte de la société civile et de la société religieuse. L'État ne doit pas subir l'influence de la religion et celle-ci doit être réservée à un choix individuel et privé.
Pour atteindre cet objectif, les Républicains ciblent en premier lieu sur la laïcité de l'école.
b. La volonté d'une école laïque
La diffusion des valeurs républicaines passe par l'école (voir fiche L'enracinement de la culture républicaine). Celle-ci doit donc afficher une neutralité confessionnelle.
L'émancipation du citoyen est incompatible avec le dogme religieux. Le dogme est une vérité imposée, or la République souhaite avant tout « prendre l'homme (...) et lui donner l'idée qu'il faut penser par lui-même, qu'il ne doit ni foi ni obéissance à personne » comme l'affirme le républicain Fernand Buisson dans un discours au Congrès du parti radical en 1903.

Ce projet d'éducation du citoyen s'appuyant sur le principe de laïcité prend forme avec les lois de Jules Ferry de 1881-1882.
À cette époque, l'enseignement est encore largement assuré par des congrégations religieuses, c'est-à-dire des associations. Il convient donc, pour libérer les consciences de toute religion, de construire une école laïque.

En 1881-82, Jules Ferry fait donc adopter le principe d'école laïque, gratuite et obligatoire. La loi du 28 mars 1882 exclut des programmes l'enseignement religieux et « place au premier rang l'enseignement moral et civique ». Comme l'affirme Jules Ferry dans La lettre aux instituteurs de novembre 1883, il s'agit de fonder une éducation nationale qui, par le biais des maîtres, doit transmette des connaissances communes, indispensables à tous. La création des écoles normales d'instituteurs en 1879 va permettre d'assurer la laïcisation du personnel enseignant.
À partir de 1904, Émile Combes, Président du Conseil depuis 1902, interdit l'enseignement aux congrégations, sans pour autant supprimer l'enseignement privé. Cette politique conduit néanmoins à de vives tensions entre partisans de la laïcité et défenseurs d'un enseignement catholique qui dénoncent « l'école sans dieu ».

Doc. Jules Ferry


c. Laïciser l'État
Au-delà de l’école, l’œuvre républicaine de laïcisation de la société passe par l’édification d’un État laïc.
Les relations entre l’Église catholique et l’État français sont fixées par le concordat de 1801. Le concordat est un traité entre le Vatican, la papauté et un État. Ce traité définit la nature des relations entre les deux parties. Le concordat de 1801 fait des membres du clergé des fonctionnaires rémunérés par l’État.
Cet état de fait est peu acceptable pour les Républicains. Par ailleurs, depuis l’affaire Dreyfus (voir fiche L’enracinement de la culture républicaine), les catholiques sont accusés de chercher à affaiblir le régime en soutenant les monarchistes. À partir de 1902, le régime républicain affiche un anticléricalisme vigoureux. On refuse toute intervention de l’Église dans la vie publique. Cette politique radicale entraîne en 1904 une rupture des relations diplomatiques avec le Vatican.
C’est dans ce contexte de montée des tensions qu’Aristide Briand fait adopter, en décembre 1905, la loi de séparation de l’Église et de l’État. Élu député en 1902, ce socialiste impose un point de vue modéré, une laïcité libérale, fruit d’une volonté de compromis avec les catholiques.
Cependant, la majorité des catholiques combat cette loi dès lors qu’elle est condamnée par le pape Pie X en 1906. De violents affrontements ont lieu lors de l’inventaire des biens de l’Église prévu par la loi : on parle de la querelle des inventaires. Il s’agit pour l’État de comptabiliser les biens des églises avant de confier leur gestion à des associations.
Doc. 1. Séparation de l'Église et de l'État : la garde republicaine donne l'assaut à l'église Sainte Clotilde de Paris où se sont barricadés des manifestants catholiques, hostiles à la loi de 1905
 
Les heurts suscités par cette décision pousse le gouvernement de Clémenceau à suspendre la création de ces associations sans revenir sur le principe de la loi. Celle-ci est d’ailleurs progressivement acceptée. Certes, les églises perdent les revenus que leur versait l’État mais elle garantit la liberté religieuse et l’indépendance de l’institution ecclésiastique. Par la loi sont garanties la liberté individuelle de conscience, la liberté collective d’exercice du culte et l’égalité entre les religions.
2. Les évolutions majeures de la laïcité au cours du siècle
a. La question de l'école
L’instauration d’une école républicaine laïque à la fin du 20e siècle ne clôt pas la querelle sur la question de la scolarité. L’école demeure une source d’affrontements entre partisans de la laïcité et défenseurs d’un enseignement privé confessionnel.

Périodiquement, le débat ressurgit au cours du 20e siècle.
En 1959, le gouvernement de Michel Debré souhaite faire passer une loi permettant de financer les écoles privées catholiques. Malgré l’opposition d’une partie de la gauche et la manifestation de centaines de milliers de militants attachés au principe de laïcité, la loi est adoptée.
Au début des années 1980, l’élection de François Mitterrand à la présidence relance la querelle scolaire. L’objectif est de créer « un grand service public, unifié et laïc de l’éducation nationale ». En 1984, le ministre de l’Éducation, Alain Savary, fait voter cette loi qui vise à fédérer éducation publique et écoles privées dans un même dispositif d’enseignement national. Elle provoque une mobilisation massive des défenseurs de l’école privée confessionnelle qui craignent la perte de la liberté de choix pour l’enseignement. Le 24 juin 1984, une manifestation à Paris de plus d’un million de personnes provoque le retrait de la loi et la chute du gouvernement.
Dix ans plus tard, ce sont les partisans de l’école publique qui s’opposent massivement à un projet de loi souhaitée par le ministre de l’éducation François Bayrou qui permettrait aux collectivités territoriales de financer plus largement les écoles privées. Cette opposition conduit à la suppression de l’article contesté de la loi.
b. Une sécularisation progressive de la société et de nouveaux enjeux pour la laïcité
Depuis 1905 et la loi de séparation des Églises et de l’État, la société française s’est profondément transformée. La période des Trente Glorieuses au lendemain de la Seconde Guerre mondiale modifie les comportements.
On assiste tout d’abord à une urbanisation massive. Cette urbanisation bouleverse les modes de vies. La pratique religieuse s’efface au profit de pratiques plus profanes. Les Français ont un niveau de vie qui augmente, un temps de loisirs plus important : on entre dans une modernité qui offre moins de place aux pratiques religieuses.
Cependant, si l’emprise du christianisme est moindre, d’autres religions ou formes d’expressions religieuses s’affirment. L’ouverture du pays sur le monde, le développement des flux d’immigration s’illustre également par une diversité religieuse qui s’affirme : les bouddhismes, les formes nouvelles du christianisme comme l’orthodoxie ou les Églises évangéliques… La diversité est encore plus significative en outre-mer, comme à la Réunion où coexistent Chrétiens, Hindouistes et Musulmans.

Doc. 2. Vue du temple hindou de Colosse, Île de la Réunion

Ce nouveau paysage religieux fait naître des questions qui ne se posaient pas en 1905.
c. La question de l'Islam et de la laïcité
Les débats liés au développement de nouvelles formes de religions ou d’expressions religieuses se centrent en premier lieu sur l’Islam qui est devenu la deuxième religion du pays. Si la grande majorité des Musulmans de France se réclament des valeurs de la laïcité, il existe une minorité plus radicale dont l’expression religieuse suscite de nombreux débats.
La question du port du voile en est une illustration. Cette affaire apparaît la première fois en 1989-90 lorsqu’un principal de collège à Creil exige qu’une élève retire son foulard dans l’établissement. D’autres cas suivront, mettant en évidence la difficile adéquation entre laïcité et pratiques religieuses.
Depuis 2004, une loi interdit tout port de signe religieux ostensible. En parallèle, l’État cherche à affirmer un islam de France, compatible avec les valeurs républicaines et crée en 2003 le Conseil français du culte musulman (CFCM) qui se veut un relai et un interlocuteur privilégié avec le pouvoir politique.
L'essentiel
L’enracinement de la République passe à la fin du 19e siècle par une laïcisation de l’État et de la société. Cette volonté de repousser la religion de la sphère privée se heurte à de violentes oppositions mais le principe de laïcité finit par être accepté. Le rôle de l’école dans l’éducation des consciences est primordial.
Cependant, les transformations récentes de la société, l’existence de nouvelles religions posent à nouveau le débat du lien entre certaines pratiques religieuses et le respect de ce principe fondamental de la République.

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