La Question prioritaire de constitutionnalité
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Cette nouvelle procédure prévue par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, introduisant dans la norme suprême un nouvel article 61-1, ouvre la voie au justiciable de contester durant l’instance devant un juge la constitutionnalité d’une loi qui porterait atteinte à ses droits et libertés.
S’inscrivant dans un processus d’élargissement du contrôle de constitutionnalité existant, la QPC permet de saisir indirectement le Conseil constitutionnel après que les juridictions suprêmes de l’ordre judiciaire (Cour de cassation) et de l’ordre administratif (Conseil d’État), lui aient renvoyé la question, au motif que la loi porterait préjudice aux droits et libertés garantis par la Constitution.
Doc. Le Conseil constitutionnel |
Le premier texte auquel se réfère le Conseil constitutionnel est donc la Constitution de la Ve République du 4 octobre 1958, incluant ainsi son préambule qui renvoie lui-même à d’autres textes. Ainsi, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, le préambule de la Constitution de 1946, les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (liberté d’association, liberté d’enseignement par exemple) et enfin la Charte de l’environnement de 2004 constituent l’ensemble du corpus légal auquel correspondent les droits et libertés garantis par la Constitution.
Selon les termes du juriste Hans Kelsen (1881-1973) : le « contrôle de constitutionnalité constitue la garantie juridictionnelle de la Constitution ». Ce contrôle correspond aux mécanismes juridiques, dont la QPC fait partie, et qui permettent que les normes de droit respectent la norme suprême qu’est la Constitution. La QPC, même marquée par des conditions restrictives d’application (voir ci-dessous), peut ainsi être considérée comme un outil au service de l’État de droit. Le contrôle de constitutionnalité existe dans la plupart des pays démocratiques. En France, cette garantie de l’État de droit a nécessité la mise en place d’un Conseil constitutionnel grâce à la Constitution de la Ve République, et a d’abord concerné principalement les situations ex ante, c’est-à-dire avant la promulgation de la loi, en particulier depuis la réforme sur la saisine du Conseil constitutionnel en 1974 par 60 parlementaires.
Il est cependant nécessaire que la disposition législative nationale en cause concerne les droits et libertés garantis par la CEDH, et non par la Constitution française. Cela signifie qu’une disposition législative qui avait échappé dans l’ordre interne à une saisine sur la base de l’article 61 par les parlementaires, pouvait subsister dans l’ordre interne, alors même qu’elle était en contradiction avec les droits et libertés garantis par la Constitution. Cette situation était à la fois préjudiciable au citoyen dont les droits et libertés n’étaient ainsi que partiellement protégés, mais aussi à l’État, parce ce dernier se retrouvait souvent condamné en raison de sa responsabilité, lorsque ces droits et libertés étaient par ailleurs protégés par la CEDH.
La QPC permet ainsi d’apurer progressivement dans l’ordre juridique interne les dispositions législatives qui vont à l’encontre des droits et libertés garantis par la Constitution. Afin d’éviter cependant, un engorgement des tribunaux, et des juridictions suprêmes (Conseil d’État, Cour de cassation et Conseil constitutionnel) en raison de QPC trop nombreuses ou abusives, le constituant a construit des filtres qui limitent ce recours pour les justiciables. Une ouverture trop importante du contrôle de constitutionnalité a posteriori et par voie d’exception aurait pu apparaître trop néfaste pour le bon fonctionnement de la justice.
Il n’en demeure pas moins que la QPC constitue une avancée importante pour la démocratie et l’État de droit et confère aux citoyens un recours permettant à la Constitution de renforcer sa place au sommet de la hiérarchie des normes.
→ Premièrement, la QPC ne peut porter que sur des dispositions législatives portant atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ce qui, dans une certaine mesure, en limite la portée. La QPC conduit donc à un contrôle de constitutionnalité a posteriori des lois, en plus de la procédure avant leur promulgation prévue par l’article 61, et prévoyant la saisine du Conseil constitutionnel par 60 parlementaires.
→ Deuxième condition, cette saisine n’est pas directe et ne peut avoir lieu qu’à l’occasion d’une instance juridictionnelle en cours, que cela soit en première instance, en appel ou en cassation.
→ La troisième condition porte sur le fait que la demande de QPC résulte des parties, et n’est pas soulevée d’office par le juge. Cette demande doit ainsi faire l’objet d’un écrit distinct et motivé.
• Lorsque ces premières conditions sont réunies, d’autres apparaissent concernant la transmission de la QPC à la juridiction suprême correspondante (Cour de cassation ou Conseil d’État).
Lorsque l’instance relève de l’ordre judiciaire, c’est la Cour de cassation qui jouera le rôle de filtre avant de transmettre la QPC au Conseil constitutionnel. Si l’affaire relève de l’ordre administratif, le Conseil d’État est alors en charge de cette responsabilité. Se posent alors trois nouvelles conditions de recevabilité pour les juridictions suprêmes.
→ Premièrement, la disposition législative contestée et portant préjudice aux droits et libertés garantis par la Constitution, doit être applicable au litige ou à la procédure en cours, ou constituer le fondement des poursuites contre le justiciable. Une QPC doit correspondre aux dispositions législatives applicables dans les circonstances de l’instance et sur lesquelles une éventuelle sanction serait prise.
→ Deuxièmement, la disposition ne doit pas avoir déjà été considérée comme conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, sauf les cas éventuels de changement de circonstances.
→ Enfin, la QPC ne doit pas être dépourvue de caractère sérieux, ou doit présenter un caractère nouveau, ce qui signifie que l’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être bien réelle, et doit faire l’objet d’une interrogation nouvelle quant au respect par la loi des droits et libertés.
Si ces conditions sont remplies, la juridiction saisie transmet aux juridictions suprêmes la QPC correspondante.
Une fois saisie les juridictions suprêmes disposent d’un délai de trois mois pour décider de renvoyer ou non la QPC au Conseil constitutionnel. Ce renvoi est lui aussi déterminé par l’existence de conditions que ces juridictions doivent à nouveau vérifier. La condition de l’application de la disposition au litige en cause s’applique à nouveau. Comme précédemment, la disposition législative contestée ne peut avoir fait l’objet d’une déclaration de conformité de la part du Conseil constitutionnel.
Enfin, c’est sur le caractère sérieux ou sa nouveauté, que la condition apparaît renforcée pour les juridictions suprêmes. Si la QPC franchit à nouveau ces trois conditions, elle est alors transmise au Conseil constitutionnel qui dispose également d’un délai de trois mois pour statuer.
Si les dispositions législatives sont considérées comme contraire par le Conseil constitutionnel aux droits et libertés garanties par la Constitution, elles sont alors écartées dans le procès en cause, et elles doivent faire l’objet d’une abrogation. Pour des raisons de sécurité juridique, le Conseil constitutionnel peut différer les effets de sa décision dans le temps afin que cette nouvelle situation ne porte pas préjudice ni à l’intérêt général, ni aux citoyens.
Dans sa première décision rendue sur une QPC (n°2010-1QPC 28 mai 2010), et concernant la question des pensions militaires versées aux ressortissants des pays ayant appartenu aux « colonies » françaises et qui ont servi l’armée française (tutelle, protectorat, Union française ou Communauté), le Conseil constitutionnel a ainsi décidé de l’inconstitutionnalité des conditions de revalorisations prévoyant des régimes différents avec les ressortissants français. Même s’il l’a considéré comme une rupture du principe d’égalité, le Conseil constitutionnel a différé les effets de sa décision au 1er janvier 2011, afin d’offrir au législateur le temps de modifier la législation correspondante, et ceci afin d’en réduire les effets sur les finances publiques.
Dans le cas d’une application différée dans le temps de la décision du Conseil constitutionnel, ce dernier peut décider de geler les procès en cours faisant l’objet d’une QPC identique, ou bien, d’attendre que le législateur ait modifié la loi. Cela a été en particulier le cas de la QPC portant sur les conditions de la garde-à-vue, pour l’hospitalisation sans consentement, ou bien encore dans le cas de la retenue douanière. Le Conseil constitutionnel a ainsi gelé les contentieux correspondants dans l’objectif de préserver l’ordre public. Cela aurait signifié pour la question de la garde-à-vue de possibles mises en liberté de justiciables faisant l’objet de recherches d’infractions par la police et la justice.
Une large partie des QPC qui ont franchi les filtres successifs renvoient aux questions portant sur le droit pénal et la procédure pénale, sur la nécessaire égalité devant la justice, sur la protection des détenus, ou bien encore certaines questions portant sur les matières économiques, douanières et fiscales. En septembre 2012, ce sont pas moins de 280 décisions qui ont été rendues ou qui sont pour l’instant en instance, sachant que toutes ces décisions du Conseil constitutionnel n’ont évidemment pas toutes conduit à abroger les dispositions législatives correspondantes. La QPC est donc aujourd’hui une procédure reconnue de contrôle de constitutionnalité qui occupe une place importante dans la justice française.
Elle permet à tout justiciable dans le cadre d’une instance en cours de mettre en cause des dispositions législatives qui heurteraient les droits et libertés garantis par la Constitution (bloc de constitutionnalité).
Conçue comme un outil permettant le renforcement de l’État de droit, la QPC fait l’objet d’une procédure organisée autour de la hiérarchie des juridictions. Elle est structurée par un système de filtres conditionnels permettant de transmettre ou non aux juridictions supérieures la QPC jusqu’au Conseil constitutionnel. Dans le cas où ce dernier considère que les dispositions législatives sont contraires aux droits et libertés garantis par la Constitution, ces dernières ne peuvent être appliquées pour les procès en cours, et doivent faire l’objet d’une abrogation qui peut être immédiate ou, si cela s’avère nécessaire, peut être différée dans le temps.
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