La liberté- Terminale- Philosophie
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Comprendre la notion de liberté
- La définition de la liberté est floue : elle est à la fois le nom d'un principe et l'indication d'une tâche.
- La liberté ne doit pas être confondue avec les conditions dans lesquelles elle émerge : en cela, il existe des libertés et non une seule.
- La liberté peut être envisagée sous deux spectres : le déterminisme et le libre arbitre.
La liberté figure parmi les plus importantes notions de la philosophie, au premier rang et aux côtés de la vérité. Un postulat de la philosophie, un fondement de ses aspirations, est que vérité et liberté sont indissociables : autrement dit, la vérité ne se révèle qu'aux esprits qui conquièrent leur liberté, et, réciproquement, la liberté ne prend son essor qu'en posant un regard lucide sur le monde. En un sens, la liberté s'identifie à l'essence de tout être qui vit selon ses propres principes, mais en un sens elle se rebelle aussi contre toute identification à une essence. Cette notion échappe donc aux contours d'une définition, parce qu'elle est à la fois le nom d'un principe et l'indication d'une tâche.
On ne laisse pas en liberté de la même
façon les poules de la basse-cour, un petit enfant
qui ne voit pas les dangers des bords de mer, un
délinquant dont un juge d'application des peines
étudie le dossier de détention, une
religieuse qui ne reçoit des visites que de loin
en loin, etc. Dans ces différents cas, on suppose
que tous ces êtres sont capables de
spontanéité, mais qu'il est
nécessaire d'imposer des limites à
l'expression de cette spontanéité. La
liberté pure et simple peut être
dangereuse ou nuisible. Le dernier exemple
montrerait aussi qu'on peut choisir librement de se
limiter.
La liberté, en un sens absolu, n'est pas
équivalente aux libertés. C'est la
politique concrète qui détermine les
libertés : les hommes entrent dans des
rapports de pouvoir, ils reconnaissent des institutions
et des autorités, ils se soumettent à des
processus administratifs et techniques, etc. Ce sont les
juristes qui donnent la définition formelle des
libertés publiques : les droits fondamentaux,
les règles de distribution des fonctions, du
fonctionnement de la justice et de la police, etc.
N'allons pas croire que les lois s'imposent avec
évidence : elles sont le fruit de
compromis difficiles entre les mœurs, la
morale, les puissances technologiques et les dispositions
particulières des individus-citoyens.
Un prisonnier peut vivre sa peine comme un
châtiment mérité ou comme une
humiliation injuste, comme un tunnel dont il ressortira
égaré et meurtri, ou comme une
épreuve nécessaire à sa
rédemption. Autrement dit, la liberté reste
à inventer, pour chacun et en toute circonstance.
Elle ne saurait jouer un rôle explicatif
- même si on lui fait jouer ce rôle dans
certains contextes, comme le procès judiciaire qui
cherche à établir des
responsabilités.
En somme, il faut éviter de confondre la
liberté avec les conditions où elle
émerge - et qui sont bien plus visibles
qu'elle. Mais n'oublions pas qu'un être libre est
solidaire de la situation qui lui est faite et qu'il doit
aussi juger de lui-même par rapport à cette
situation.
La liberté est une qualité de la
volonté. La volonté commande l'action
en fonction de représentations ; elle est
susceptible de substituer aux mobiles sensibles des
motifs raisonnables. Vouloir, ce n'est pas être
entraîné par le motif qui est objectivement
le plus puissant, mais se décider pour l'un des
motifs, auquel nous donnons la
prépondérance sur les autres. L'action est
libre quand elle découle d'une décision
libre ; et, que notre décision soit libre,
cela signifie que, tout en déterminant en nous une
série nouvelle d'états de conscience, elle
ne peut elle-même être déduite des
états qui la précèdent. La
décision ne découle de rien, sinon de la
puissance absolue du vouloir.
On s'enferme ainsi dans un cercle car il serait difficile
d'établir clairement, c'est-à-dire de
prouver, l'efficacité de la volonté. Par
exemple, il serait naïf de prétendre
conclure, à partir de nos
délibérations internes et de nos
hésitations, que notre psychisme comporte une
marge d'indétermination sur laquelle règne
notre liberté. À notre époque, c'est
une interrogation que les philosophes partagent avec les
neurologues.
Ainsi le partisan du déterminisme a-t-il
toujours l'avantage sur le partisan du libre
arbitre. On cherche à définir la
liberté par les effets qu'elle produit dans le
monde, comme si elle était une cause parmi
d'autres. On prend modèle sur les choses :
autrement dit, on tient compte de la liberté dans
la mesure où elle modifie un comportement (la
conduite de l'être qu'on dit libre, mais aussi le
« comportement » des choses sur
lesquelles il agit). Ainsi, ce qui, dans la nature, ne
s'explique pas par une causalité strictement
physique devra être rapporté par
défaut à un principe intérieur,
qu'on appellera la liberté. Mais on pourra
éliminer cette référence à la
liberté du jour où on pourra rendre compte
de toutes les causes réelles.
Or il n'est pas équivalent, du point de vue
métaphysique comme du point de vue moral,
d'affirmer que le déterminisme est universel et
que les hommes ne peuvent y faire exception, ou, d'autre
part, que l'action délibérée est un
moyen progressif de façonner son identité
propre. Car on ne passe du vœu pur et simple de la
liberté à sa réalité qu'en
prenant au sérieux son exigence et en lui donnant
corps. Ainsi est-ce la cohérence fermement tenue
de la pensée et de l'action que désigne
chez les philosophes grecs le mot
« vertu ». C'est par une
« générosité »
essentielle, comme le dit Descartes, qu'on tente
d'incarner dans le fini l'infini de la valeur. Enfin,
épouser l'harmonie du monde ou s'affirmer
soi-même face à la nature ne saurait suffire
à un « être »
paradoxal qui veut accomplir ce qui est en créant
ce qu'il est (Nietzsche). La liberté n'est pas une
donnée, elle n'est pas un fait, elle se
découvre dans le mouvement même de se
libérer : effort de transcendance, qui est si
souvent trahi non seulement par le fatalisme, mais par
l'idéologie.
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