La justice véritable implique-t-elle une interprétation des lois ?- Terminale- Philosophie
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Savoir si la justice véritable implique une interprétation des lois
- La justice comme équité telle que Rawls la conçoit s’appuie sur des principes moraux et elle doit pouvoir fournir une définition de ce qui est véritablement juste.
- Si l’équité reste la vertu de l’homme juste, comme l’avait dit Aristote, la notion de « conformité à la loi » reste problématique.
- Il est nécessaire de recourir à une interprétation des lois, dans la mesure où certaines lois, conçues pour pouvoir être appliquées à tous les individus d’une société donnée, se révèleront injustes si elles sont strictement appliquées, au regard de certains cas particuliers.
- Le respect de la loi peut donc se trouver en contradiction avec l’équité, laquelle peut alors être comprise comme justice « interprétative », parce qu’elle a une fonction « corrective ».
Il est parfois nécessaire
d’interpréter la loi, dans la
mesure où celle-ci peut se révéler
obscure ou incomplète. La jurisprudence
concerne les décisions des juges (il peut
s’agir des magistrats des tribunaux nationaux, ou
de juridictions internationales) pour l’ensemble
des situations particulières jugées.
Ces décisions finissent par constituer une autre
source de droit que celle que représentent les
lois. Un tribunal peut se réclamer d’une
décision prise par un autre tribunal pour
statuer dans le même sens : si par exemple,
une décision a été prise par un
juge de ne pas condamner un médecin X qui aurait
eu recours à un acte euthanasique, un autre juge
peut se référer à la
décision du juge du médecin X pour, dans
un cas similaire, décider de ne pas condamner un
médecin Y ayant agi de la même
manière, dans des circonstances analogues. On
dit alors que le cas du médecin X fait
jurisprudence.
La législation, qu’elle émane des
lois elles-mêmes ou qu’elle se
réfère à la jurisprudence, pour
rester équitable, doit s’efforcer
d’être harmonieuse. Même si
chaque cas jugé représente un cas
singulier, des similitudes de situations existent. Il
ne serait donc pas équitable que lorsque les
situations se ressemblent, les jugements
diffèrent de manière importante.
Dans son sens le plus général, la justice
renvoie au respect des lois et à celui de la
morale. Certaines lois peuvent être injustes, et
c’est pourquoi on distingue habituellement la
légalité (est légale la
décision qui résulte de
l’application de la loi) de la
légitimité (est légitime
une décision qui ne se révèle pas
injuste dans son application). Il faut ainsi comprendre
que tout ce qui est légal n’est pas
forcément légitime.
La légitimité concerne par
conséquent le caractère
« moral » ou
« immoral » d’une
décision. Par exemple, Noël Mamère,
homme politique français, a
considéré qu’il était
injuste que la loi française interdise aux
homosexuels de se marier ; il a donc enfreint la
loi en célébrant, en 2005, en
qualité de maire de Bègles (Gironde),
l’union civile de deux hommes. Il entendait ainsi
lutter contre une loi (celle qui interdit le mariage
homosexuel), qualifiée par lui de loi
« homophobe ». Cette
décision a cependant été
invalidée par le tribunal de grande instance de
Bordeaux, puis par la Cour de cassation. Dans ce cas
précis, il ne s’agit pas à
proprement parler
d’« interprétation »
de la loi, mais de contestation de celle-ci.
Certains se réclament en effet de la
« désobéissance
civile » que Henry David Thoreau
(1817-1862) avait conçue comme
« légitime » :
lorsque les lois sont injustes, il est
nécessaire de désobéir. Mais le
concept de « désobéissance
civile » a cependant ses limites : il
suffirait, pour n’importe quel individu,
d’estimer que les lois sont contraires à
ses idées ou à ses convictions propres
pour qu’il estime
« juste », ou légitime, de
les contester.
Dans un État de droit, l’une des fonctions
du législateur est de tenir compte de
l’évolution d’une
société, afin d’adapter les lois
à cette évolution. Il participe à
l’élaboration des nouvelles lois en tenant
compte de cette évolution. Les lois de
bioéthique, par exemple, sont en France en
« révision permanente »,
compte tenu du fait que les progrès en biologie,
en médecine et en génétique sont
très rapides.
Si les lois sont censées être les
mêmes pour tous, en vertu du principe
d’égalité (les citoyens doivent, au
sein de la communauté politique, être
traités de la même manière), cette
égalité théorique demande
parfois à être corrigée,
précisément parce qu’elle est
« théorique » : en
pratique, les hommes ne sont pas tous égaux.
Ils sont égaux principalement au nom d’une
« égalité de
condition » : nous sommes tous
égaux parce que nous partageons tous la
même « condition humaine ».
Chaque individu a le droit au même respect et
à la même dignité, du fait
même qu’il soit homme, en dépit des
particularités qui différencient les
hommes les uns des autres. C’est pourquoi il est
nécessaire d’affirmer que tous les hommes
sont égaux en droit.
Ce type d’égalité
« théorique » a pourtant
été fortement critiqué par Marx.
Selon lui, les droits de l’homme, qui reposent
principalement sur les principes de liberté et
d’égalité de tous les hommes, sont
en fait « les droits de la
société bourgeoise »,
c’est-à-dire les droits de l’homme
égoïste, de l’homme
séparé de l’homme et de la
communauté (La question juive, 1844).
Rien de plus injuste finalement que ces droits
prétendument les mêmes pour tous. Ils
sont, selon Marx, essentiellement liés aux
intérêts de la classe bourgeoise dominante
au sein de laquelle ils sont reconnus.
Pour que les hommes soient égaux, il faudrait
surtout que le droit à la
propriété soit celle des moyens de
production. Il ne peut exister
d’égalité dans une
société scindée en deux classes,
celle des dominants (ils détiennent le monopole
des moyens de production des richesses et des biens) et
celle des dominés (leur force de travail est
exploitée par les propriétaires de ces
moyens de production).
La critique de l’égalité des droits
est donc amorcée par Marx ;
l’égalité des conditions sociales
garantirait l’idée de justice entre les
hommes. Mais doit-on souhaiter
l’égalité sociale ?
L’inégalité sociale ne semble pas
injuste en elle-même ; les
sociétés démocratiques actuelles
sont aussi des sociétés
méritocratiques, c’est-à-dire
basées sur le mérite de chacun,
relativement à des notions telle que celles
d’effort, de travail, de courage, de risques
pris, etc. Ainsi, les inégalités de
salaire ne paraissent pas
« injustes » : le salaire
est supposé être calculé en
fonction de plusieurs paramètres (temps de
travail, niveau des études, niveau de
responsabilité etc.). Toute
inégalité n’est pas une
injustice.
Néanmoins, seule la notion
d’« équité »
peut résoudre la contradiction existante entre
l’égalité des droits et
l’égalité des conditions. Certaines
personnes se trouvent dans des situations
considérées comme particulièrement
désavantageuses ; cette situation ne peut
pas leur permettre d’accéder aux droits
dont elles sont censées jouir. Dans ce cas, il
est nécessaire de recourir à
l’équité.
Être équitable, c’est en substance,
pouvoir « donner plus » à
ceux « qui ont moins ». Le
principe de « discrimination
positive », par exemple, s’inspire du
principe d’équité : il
s’agit en effet de reconnaître que certains
individus se trouvent, dans la société,
particulièrement désavantagés.
C’est pourquoi on les
« discrimine » ; même
si le terme de « discrimination »
a une connotation évidemment péjorative,
le terme prend une tournure
« positive », puisque c’est
la reconnaissance de cette discrimination qui va
permettre de rétablir une certaine
égalité.
Le système dit des
« quotas » se base
également sur le principe
d’équité : par exemple, les
hommes et les femmes sont censés, au sein de la
société française, être
égaux. On a toutefois observé que les
femmes, sur le plan politique, étaient largement
sous-représentées. Afin de
rétablir une certaine égalité sur
le plan de la parité politique, une loi a donc
été adoptée, le 6 février
2000, qui vise à « favoriser
l’égal accès des femmes et des
hommes aux mandats électoraux et fonctions
électives ». Cette loi ne concerne
toutefois que les élections
législatives.
Ces lois « équitables »,
censées pallier les inégalités
effectives, n’ont cependant pas les effets
escomptés. La création des ZEP n’a
guère, globalement, enrayé
l’échec scolaire dans les
établissements des banlieues ; les femmes
sont toujours largement minoritaires sur le plan de la
représentation politique. La loi rendant
obligatoire l’embauche de personnes
handicapées pour les entreprises de plus de
vingt salariés est peu respectée. Il
n’est donc pas certain que l’esprit
d’équité soit celui des
sociétés démocratiques. Nous
raisonnons toujours en termes de
« mérite » et de
compétence. Les femmes ou les personnes
handicapées semblent toujours être
considérées moins compétentes que
les hommes ou les personnes valides.
L’inégalité sociale devient
« injuste », peut-on finalement
rappeler, lorsqu’elle empêche les individus
de jouir de leurs droits (c’est le cas des
personnes en situation de handicap ou des personnes
illettrées, par exemple). Il ne s’agit
donc pas de supprimer toutes les
inégalités (cela reviendrait à
établir une société injuste, car
si les hommes sont naturellement égaux en droit,
ils ne le sont pas en fait : les individus sont
différents, possèdent des aptitudes
différentes), mais de les
réduire.
Dans un sens large, l’équité
désigne donc l’égalité
inhérente au principe même de la
justice, et correspond à une sorte de
« justice naturelle », dans
l’appréciation d’un cas concret,
particulier. L’équité se rapporte
à la pratique de la justice, tandis que
l’égalité désigne davantage
la justice
« théorique ». Dans
un sens plus strict, l’équité va
s’attacher à faire respecter
l’esprit de la loi, plutôt que la loi
écrite elle-même (loi objective,
positive). Elle permet en ce sens de corriger la loi,
dont Aristote avait déjà montré
qu’elle pouvait être injuste du fait de sa
généralité même.
L’équité permet donc de
« particulariser » la loi.
En révisant la pure légalité, elle
serait finalement plus juste que la justice
elle-même, ou correspond, pour le dire autrement,
à la « justice
véritable ». Elle permet de prendre
en compte les principes non-écrits, et joue le
rôle d’une instance morale, au sein
de l’institution judiciaire elle-même. Elle
est évidemment, en ce sens,
« interprétative ».
John Rawls, philosophe américain né en
1921 et mort en 2002, s’est rendu
célèbre en rédigeant, en 1971, une
Théorie de la justice basée sur le
principe d’équité. Il se
réfère initialement à
l’idée de contrat social,
héritée de Locke, de Rousseau et de Kant,
à partir de laquelle, estime-t-il, la justice
conçue comme équité pourra prendre
forme.
L’équité sera garantie par la
« position originelle ». Cette
idée est introduite dans le but de
découvrir quelle est la conception
traditionnelle de la justice qui définit les
principes capables de réaliser la liberté
et l’égalité, quand on suppose que
la société est un système
équitable de coopération entre des
citoyens libres et égaux (Libéralisme
politique, 1995).
La position originelle, liée à la
caractéristique que Rawls appelle
« voile
d’ignorance », définit la
position de ceux qui s’abstraient des
contingences sociales et ne sont pas affectées
par elles. Les conditions d’un accord
équitable sur les principes de justice politique
entre personnes égales et libres doivent
éliminer les avantages dus à la
négociation qui naissent inévitablement
au sein des institutions de l’arrière-plan
social, quelle que soit la société, en
raison de tendances naturelles, historiques et sociales
cumulatives (Libéralisme politique).
Autrement dit, des lois véritablement
équitables seront conçues
indépendamment de la position sociale des
individus, et des avantages ou désavantages
liés à cette position. Les individus
doivent, pour énoncer des principes
équitables, mettre un
« voile » sur cette
réalité.
En outre, les principes de la justice véritable
doivent être établis en considérant
qu’il existe deux sphères de
justice :
- celle des libertés de base pour chacun (parmi lesquelles les libertés politiques, la liberté d’expression, celle de la propriété personnelle ou celles qui touchent à l’intégrité de la personne) ;
- celle qui se rapporte aux inégalités sociales et économiques. S’agissant de ce domaine, distinct du premier, donc, Rawls estime que la répartition des richesses et des revenus n’a pas besoin d’être égale, mais qu’en revanche « elle doit être à l’avantage de chacun ». Cela signifie essentiellement qu’il n’y a pas d’injustice dans le fait qu’un petit nombre obtienne des avantages supérieurs à la moyenne, à condition que soit par là même améliorée la condition des moins favorisés.
Il faut en quelque sorte rechercher une conception de
la justice qui empêche d’utiliser les
hasards des dons naturels et les contingences sociales
comme des atouts dans la poursuite des avantages
politiques et sociaux. Ces principes expriment ce
à quoi on aboutit dès qu’on laisse
de côté les aspects de la vie sociale
qu’un point de vue moral considère comme
arbitraires (Théorie de la justice).
En résumé, si le premier principe sur
lequel doit se fonder la justice comme
équité exige
l’égalité du point de vue des
droits fondamentaux, le second principe pose que les
inégalités sociales et économiques
peuvent être justes, mais dans certaines
conditions bien précises. Autrement dit, Rawls
montre que certaines inégalités sont
justes, et d’autres injustes. La
justice ne peut se résumer à la pure
légalité ; les avantages
socio-économiques doivent être
répartis de telle manière que les
moins défavorisés le soient moins que
dans tout autre système.
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