La justice se réduit-elle à l'application de la loi ?- Terminale- Philosophie
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Savoir si la justice se réduit à l'application de la loi
- La justice consiste à donner à chacun ce qui lui revient, proportionnellement à son mérite.
- L'équité consiste à considérer les circonstances qui entourent un acte, pas seulement l'acte en lui-même.
L'égalité formelle correspond à
une exigence du citoyen. En effet, celui-ci
refuserait de se soumettre à la loi d'un
État qui favorise certains de ses membres au
détriment des autres. Il faut que l'État
assure l'équilibre des droits. Le cas
échéant, l'ordre social risque
d'être menacé puisque rien ne justifie que
l'État favorise une minorité
d'individus.
La loi a donc vocation à créer un espace
de liberté partagé par tous de
manière identique. Elle veille à ce
que chacun demeure dans les limites qui lui sont
imparties et n'empiète pas sur les
libertés des autres.
Il est en fait impossible d'évaluer le mérite individuel de chacun, qui s'avèrerait nécessaire pour fonder une justice qui répartisse équitablement, « les richesses, des honneurs et des biens ». C'est ce qu'exprime Aristote dans l'Éthique à Nicomaque (V, 6) :
Autrement dit, si l'on reconnaît qu'il faut répartir les biens en fonction des mérites de chacun, on reconnaît en même temps qu'il est difficile d'évaluer ces mérites. On retiendra cette définition qu'Aristote donne finalement de la justice :
La justice consiste donc à donner à
chacun ce qui lui revient, proportionnellement
à son mérite.
Dans le Politique (294 a), le
personnage de l'étranger explique à
Socrate le jeune que la loi constitue un pis-aller au
regard d'une justice plus haute incarnée par le
philosophe-roi, « homme royal doué de
prudence ». Disposant d'une science
véritable, celui-ci serait à même
de sonder le mérite de chacun et d'instaurer une
justice équitable. En l'absence d'une telle
figure, il faut se résoudre à adopter des
lois égalitaires. Il est finalement juste
que le législateur pose la règle
« qui convient à la majorité
des cas et à la majorité des
individus » car il ne peut pas, en effet,
« appliquer à chaque individu la
règle précise qui lui
convient ».
Mais en quoi consiste ce
« mérite » qui justifie
qu'un individu soit pourvu, davantage que d'autres, des
biens que tous les hommes convoitent ? Sans doute
dans l'attitude vertueuse. « La
justice est une vertu absolument complète parce
que sa pratique est celle de la vertu
accomplie », dit encore Aristote. C'est la
raison pour laquelle nous devons respecter les lois.
Mais il ne s'agit pas tant d'accomplir des actes
justes, c'est-à-dire conformes à la
loi, que d'être juste.
Kant explique, dans les Fondements de la
métaphysique des mœurs (1785), qu'il
ne suffit pas, pour la « volonté
bonne », d'agir conformément au
devoir, mais d'agir par devoir. Le devoir
correspond à la nécessité
d'accomplir une action uniquement par respect à
l'égard de la loi morale. C'est pourquoi
l'action morale, ou l'action bonne, est toujours
purement désintéressée.
Lorsque je paie mes impôts avant la date limite
fixée, je le fais de manière
intéressée : je crains en fait qu'on
ne majore de 10 % la somme dont je suis redevable
à l'État. Mon action n'a rien, ici, de
moral ou de juste.
La morale kantienne est d'une certaine manière
une morale de l'intention : d'un
côté, c'est la loi morale qui dicte la
conduite à tenir, de l'autre, c'est
l'intérêt. Cela signifie que mes
agissements n'ont rien à voir avec la
moralité, même s'ils sont respectueux des
lois.
La loi parce qu'elle s'applique au plus grand nombre,
ne peut embrasser l'infinité des situations
particulières. À cet égard, le
rôle du juge s'avère capital puisque c'est
à lui que revient la charge d'adapter la loi
à une situation donnée – c'est
la qualité qu'Aristote a nommé la
« prudence ». L'homme
prudent est pour Aristote l'homme capable de
délibération « sur ce qui est
bon et avantageux pour lui-même ». Le
juge doit s'efforcer autant que possible de mesurer
l'intention qui a accompagné l'acte
délictueux.
Aussi voit-on apparaître plusieurs degrés
d'application d'une loi. Dans La
Rhétorique (1374 a), Aristote distingue :
- la malchance, qui ne renvoie à aucune intention ni calcul ;
- l'erreur, qui fait référence à un acte volontaire départi de toute intention nuisible ;
- le délit qui, lui, renvoie à une intention clairement malveillante.
« C'est, en effet, l'intention qui fait la méchanceté de l'acte injuste » écrit Aristote. Il conclut de la manière suivante :
Le juge doit incarner l'équité, cette vertu qui conduit à considérer, non pas seulement l'acte lui-même, mais encore les circonstances qui l'entourent. Seule cette vertu peut conférer de la souplesse à une loi qui ne constitue jamais qu'un cadre au sein duquel doit se dessiner la décision du juge. Jankélévitch insiste dans Les Vertus et l'Amour (1979) sur la nécessité de privilégier, quant à la loi, l'esprit plutôt que la lettre :
(tome II, chapitre 7)
S'il est impensable qu'un jugement s'opère indépendamment de toute considération concrète, c'est bien parce que l'équité apparaît comme une valeur primordiale. Sans elle, le criminel serait identifié à son acte, il ne serait plus envisagé comme personne mais cristallisé dans son action.
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