La hiérarchie des normes
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Ainsi dans une société démocratique, afin de garantir l’existence de l’État de droit, figure au sommet de l’ensemble des normes la Constitution qui fixe les règles du jeu entre les pouvoirs et détermine l’organisation politique de notre société. Cette Constitution forme un contrat politique résultant de la volonté souveraine exprimée directement par le peuple ou par ses représentants.
Les droits et libertés garantis par la Constitution doivent donc être protégés par les différentes autorités et institutions politiques. Chaque norme doit ainsi être protégée par une norme supérieure, limitant ainsi les risques d’atteintes à ces droits et libertés fondamentales mais aussi afin de garantir le principe démocratique de séparation des pouvoirs.
De la hiérarchie des normes découle le principe de légalité qui s’applique dans l’élaboration des lois et pour toutes les décisions mises en œuvre par les pouvoirs publics.
Le principe de la hiérarchie des normes permet d’ordonner les différents niveaux de production du droit et assure une cohérence à l’ensemble de l’édifice juridique constitué par les différentes normes. Le principe de hiérarchie des normes se trouve cependant souvent confronté à des difficultés d’application quand les différents pouvoirs prennent des décisions et que les normes se transforment.
En 1934, le juriste autrichien Hans Kelsen formalise dans son ouvrage La Théorie pure du droit l’idée selon laquelle la légitimité démocratique des normes juridiques ne peut se fonder sur la morale mais sur leur nature positive. Ce qui garantit la valeur démocratique de la norme édictée est qu’elle dépend à chaque fois d’une norme supérieure et qu’au sommet de toutes les normes figure une norme suprême, la Constitution, comme expression de la volonté souveraine.
À la différence des autres normes qui existent dans la société (normes morales et sociales), les normes juridiques ont pour principale spécificité de recevoir ainsi leur autorité des institutions qui les ont élaborées. Ainsi dans le cadre d’un jugement rendu par un tribunal, la morale n’a pas sa place, et l’arrêté de jugement rendu par ce tribunal ne peut fonder sa légitimité que dans l’existence d’une norme supérieure, dans le cas présent la loi. Un système juridique positif moderne ne trouve son fondement que dans sa capacité à faire respecter l’ensemble de ces normes et ce, jusqu’à la norme suprême de la pyramide incarnée par la Constitution.
Les pouvoirs publics ont donc pour mission essentielle de garantir le respect des normes et l’État démocratique moderne n’existe que par le droit.
Le principe de la hiérarchie des normes résulte de cette vision positive du droit. Les normes forment une pyramide organisée autour d’une norme fondamentale qui est la Constitution. Chaque norme inférieure reçoit sa légitimité de la norme supérieure. Selon ce principe, toute norme édictée par une autorité doit se conformer aux normes supérieures selon le principe de légalité. La loi votée par le Parlement doit se conformer au respect de la Constitution, et plus largement au respect du bloc de constitutionnalité. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le Préambule de la Constitution de 1946, celui de 1958, mais aussi certains principes dégagés par le juge constitutionnel, font partie intégrante du bloc de constitutionnalité. L’administration chargée de mettre en œuvre les politiques publiques par des normes administratives doit se conformer elle aussi aux règles supérieures que sont la Constitution, les traités internationaux, et la loi.
La Constitution prévoit par ailleurs selon son article 55 que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie. » Par conséquent, après le bloc de constitutionnalité figure le bloc de conventionalité qui inclut les traités et accords internationaux. Ces derniers doivent être en conformité avec la Constitution selon le principe du respect de la norme supérieure. Il en va ainsi de la loi qui doit se conformer quant à elle aux traités et accords internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés. La loi mais aussi les lois organiques, les ordonnances et les règlements autonomes, font partie du bloc de légalité.
Viennent ensuite dans la hiérarchie des normes, les principes généraux du droit qui sont dégagés par la jurisprudence, même en l’absence de texte. Il en est ainsi des principes liés au respect de l’égalité (devant les lois, les charges publiques, le suffrage, etc.), au respect des libertés (liberté d’aller et venir, le secret de la correspondance, liberté d’opinion, etc.), au respect des droits de la défense, celui de l’autorité de la chose jugée, ou bien encore la reconnaissance d’un certain nombre de droits sociaux fondamentaux (droit de tout individu de mener une existence normale, etc.).
Dans la hiérarchie des normes, viennent ensuite les règlements qui correspondent aux actes administratifs unilatéraux ayant une portée générale, dont font partie les décrets et les arrêtés, auxquels s'ajoutent les actes administratifs (circulaires et directives administratives). Ainsi, un décret pris par le gouvernement pour mettre en application une loi votée par le Parlement se doit de respecter cette dernière afin de respecter le principe de légalité.
La première solution consiste à faire cohabiter un ordre interne avec un ordre externe sans qu’il y ait de hiérarchie entre les deux ordres. Un tel système dualiste est appliqué dans le droit britannique.
Dans le cas du droit français, la solution du monisme a été retenue à partir de la Constitution de la IVe République, et nécessite l’intégration des normes supranationales dans l’ordre interne, la question étant alors de déterminer la place de ces normes par rapport à la Constitution et la loi.
Par rapport à la Constitution, cette dernière prévoit dans son article 54 que « si le Conseil constitutionnel, […] a déclaré qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver l'engagement international en cause ne peut intervenir qu'après révision de la Constitution ». Il en a été ainsi de l’intégration des traités européens dans l’ordre juridique interne qui a nécessité les révisions constitutionnelles correspondantes. Conjuguée avec l’article 55, la Constitution consacre le principe de primauté des normes supranationales dans le droit français.
Par rapport à la loi, cette dernière ne peut que se conformer au respect des engagements internationaux de la France vis-à-vis de ses partenaires étrangers, ainsi un texte législatif peut être considéré comme non conventionnel par le juge.
Les règlements européens ayant une portée générale, sont obligatoires dans toutes leurs dispositions. Les États membres se doivent de les appliquer dans leur globalité. Le règlement est donc directement applicable dans l’ordre juridique interne et s’impose aux normes inférieures.
En revanche, certaines normes communautaires dérivées, les directives européennes nécessitent un processus de transposition avant d'être intégrées. En droit français, la transposition constitue une obligation constitutionnelle. Cela correspond à l’opération par laquelle un État membre destinataire de la directive adopte les mesures nécessaires à son intégration effective dans l’ordre juridique interne par les textes normatifs appropriés. En premier lieu, la transposition nécessite que l’ensemble du contenu normatif de la directive soit inséré dans le droit national. En second lieu, il est nécessaire d’abroger et modifier les normes nationales afin de garantir la meilleure articulation entre la norme nationale de transposition et le droit interne préexistant.
Dans le cadre du contrôle de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a ainsi en charge un double contrôle du respect de la Constitution par la loi. Un premier contrôle peut s’exercer a priori au moment où la loi est présentée devant le Parlement avant son adoption. Un second contrôle a posteriori existe depuis 2008, permettant au justiciable de poser une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) lorsque dans le cadre d’une affaire présentée devant le juge, un texte législatif entrerait en contradiction avec les droits et libertés garantis par la Constitution.
Le contrôle de légalité des actes administratifs est assuré quant à lui par les tribunaux administratifs en charge de vérifier que ces actes pris par l’administration respectent les normes supérieures. Ainsi, un arrêté préfectoral qui contreviendrait à une liberté fondamentale garantie par la Constitution, le droit d’expression par exemple ou ne respecterait pas un texte de loi, dans le cadre d’une décision administrative individuelle concernant un citoyen, le juge administratif pourra alors dans le cadre du recours pour excès de pouvoir, considéré que l’acte en question n’a jamais existé, et sera donc ainsi retiré de l’ordre juridique interne.
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