La gouvernance économique mondiale
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Il peut cependant faire l’objet d’une définition relativement neutre et plus large. La gouvernance correspondrait à l’ensemble des mécanismes développés pour assurer la régulation d’un ensemble complexe. La gouvernance économique mondiale renvoie alors à l’ensemble des procédures entre les États, aux institutions et dispositifs visant à la régulation de l’économie mondiale et des échanges de toutes natures qui en découlent dans le cadre d’une économie mondialisée.
Il importe ici de souligner que le concept de gouvernance mondiale s’oppose à l’idée d’un gouvernement mondial improbable, eu égard à la nature anarchique des relations internationales.
Analyser le processus de gouvernance économique mondiale nécessite alors de s’intéresser à l’histoire des mécanismes institutionnels et à la coordination des activités économiques à l’échelle planétaire, et de déterminer les caractéristiques de cette dernière dans l’ultime phase de la mondialisation, la plus intense, que nous vivons aujourd’hui.
La gouvernance peut porter sur un grand nombre de domaines différents. Il est cependant possible recenser des domaines qui ont systématiquement fait l’objet d’une nécessaire gouvernance quand les échanges se développaient entre des économies souveraines.
Le développement des échanges économiques mondiaux a nécessité en premier lieu que les marchandises puissent circuler librement et l’abaissement des barrières protectionnistes a fait l’objet d’une attention toute particulière de la part des États.
- En effet, le protectionnisme constitue un outil de protection des industries naissantes et le libre-échange ne semble séduire que les puissances économiques aptes à résister à la concurrence qui en résulte. De plus, les barrières douanières ont longtemps été perçues comme des outils politiques visant à limiter les échanges des États concurrents.
- Le 19e siècle voit pour la première fois se développer les formes modernes d’accords de libre-échange. Cependant, jusqu’au lendemain de la Seconde guerre mondiale, le libre-échange ne fait pas l’objet d’une gouvernance économique internationale et le protectionnisme domine les échanges mondiaux.
En revanche, dans le prolongement de la construction des institutions onusiennes (= de l'ONU) et en réaction au protectionnisme de l’entre-deux guerres, sont adoptés en 1947 des accords généraux réunissant au départ 23 pays (General Agreement on Tariffs and Trade, GATT), qui donneront naissance après de nombreuses phases de négociation à l’actuelle Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1994, comptant pas moins de 157 pays aujourd’hui.
En second lieu, les échanges de marchandises libérés de toute contrainte ont requis la mise en place d’un système monétaire plus ou moins complexe, reposant sur l’usage exclusif d’une seule monnaie, comme cela fût le cas pour l’Empire anglais avec la livre sterling indexée sur l’or, ou sur des monnaies concurrentes, dont il faut alors assurer la conversion et garantir la valeur en ayant recours à un étalon (or, argent, ou les deux à la fois) ou des instruments de compensation (droits tirage spéciaux du Fond monétaire international). Mais généralement, ces échanges économiques mondiaux cherchent à échapper à la contrainte physique de la monnaie et les premières formes de gouvernance internationale monétaire ont souvent consisté à développer des instruments financiers permettant d’échapper à cette contrainte. C’est le cas avec l’utilisation par exemple des lettres de changes émises par les banquiers italiens ou allemands de la Renaissance et permettant d’éviter de se déplacer avec des quantités trop importantes de monnaie métallique.
Pour que ces instruments soient acceptés par tous, il est par conséquent nécessaire de s’entendre sur leur définition et les garanties qui en assurent la valeur. La gouvernance économique internationale peut ainsi être le fait d’organisations privées, comme les guildes marchandes, ou les corporations de financiers. Ces organisations privées ont reçu un soutien important de la part des monarques, qui avaient besoin des marchands pour financer leur puissance grandissante et les conflits armés.
La nécessité de cette gouvernance découle du besoin de réguler les interdépendances croissantes entre les États dans le cadre de la mondialisation économique.
Pour que les échanges soient protégés, il a été ainsi nécessaire de garantir la propriété des biens qui circulent et en particulier des outils de production ou ce que l’on nomme aujourd’hui les investissements. Les activités de production peuvent en effet dans le cadre de la mondialisation se développer sur de multiples territoires mais les investisseurs ont nécessairement besoin que la propriété de leurs investissements soit garantie par les autorités responsables. Les risques de spoliation (= vol) étant un frein au développement des investissements directs à l’étranger (IDE) et au développement des innovations, s’est imposé la nécessité de protéger cette propriété.
Le 19e siècle est ainsi le théâtre de cette prise de conscience et voit se développer de nouvelles organisations en charge de la gouvernance économique mondiale, les Unions internationales publiques. Afin de protéger la propriété industrielle et intellectuelle (brevets, dessins…), est créée en 1883 l’Union internationale pour la protection de la propriété industrielle, et en 1899 la Cour permanente d’arbitrage en charge, en autres choses, des litiges sur la propriété des investissements à l’étranger.
Cette recrudescence des Unions internationales publiques concernent aussi la circulation de l’information, avec la création de la première union en 1865, l’Union télégraphique internationale, ou bien encore de l’Union postale universelle en 1874, chargée d’établir les règles de la circulation internationale du courrier. Il est en de même avec les unions internationales en charge de la gestion des espaces internationaux de circulation des marchandises que sont entre autres les fleuves. Par exemple, en 1856, le Traité de Paris donne ainsi naissance à la Commission européenne du Danube chargée après la guerre de Crimée de réguler la libre circulation sur ce fleuve.
La mondialisation économique peut se définir comme le processus de montée en puissance des interdépendances entre les États souverains en raison du développement des échanges économiques internationaux.
Ce processus conduit à faire naître ce que les économistes appellent des biens publics mondiaux caractérisés par la non-rivalité et la non-exclusion. Ces biens peuvent en effet être consommés par tous et leur consommation n’empêche pas celle d‘un autre car personne ne peut être exclu de cette consommation. Sur le plan économique par exemple, la stabilité économique et financière constitue un exemple particulièrement pertinent de bien public mondial.
Il faut souligner que le processus de mondialisation n’a pas été linéaire, et qu’il est possible de distinguer plusieurs phases qui ont nécessité une gouvernance plus ou moins importante en fonction de l’intensité des interdépendances issues de la mondialisation.
→ La première période concerne ce que Fernand Braudel appelle les économies-monde centrées sur une zone économique relativement autonome et dont la régulation est le plus souvent assurée par une autorité centrale. Il est possible de citer comme exemples d’économies-monde :
- Athènes entre le 5e et 4e siècle avant J.-C.,
- l’Empire romain 2e siècle avant J.-C. au 5e siècle,
- Gènes et Venise du 12e au 15e siècle.
→ Avant les révolutions industrielles, les premières expériences de gouvernance ont avant tout reposé sur l’intervention d’acteurs privés (banques et financeurs des pouvoirs politiques centraux et des activités commerciales privées). C’est le cas par exemple des premières grandes banques commerciales italiennes, allemandes ou hollandaises au moment de la Renaissance.
→ Avec les révolutions industrielles, la première grande étape de la mondialisation intervient dans la deuxième moitié du 19e siècle, et est caractérisée par la naissance des premières institutions en charge de sa gouvernance.
→ Mais l’étape la plus importante de la mondialisation, est celle qui intervient à partir du début des années 1970 et qui caractérise notre période actuelle. Son intensité est sans commune mesure par rapport aux périodes précédentes. Elle se manifeste par l’explosion des échanges économiques mondiaux de marchandises, de capitaux et d’informations. C’est en effet à partir des années 1970 que se développe par exemple la globalisation financière qui interconnecte les places financières et favorise la construction d’une sphère financière mondialisée.
Cette dernière phase de la mondialisation passe aussi par la transnationalisation des systèmes productifs. Au-delà du développement très important des investissements directs à l’étranger, les organisations de production opèrent dans le cadre d’une division internationale du processus productif, issue d’une division internationale du travail, et qui donne naissance aux firmes multinationales dans un premier temps, puis aux firmes transnationales. Ces organisations considèrent l’ensemble de la planète comme leur champ d’activité et localisent leur production en fonction des contraintes de coûts (travail et capital), de transport et de fiscalité afin de réaliser le maximum de profits. Leurs activités conduisent à placer les territoires souverains en concurrence sur chacune de ces variables et conduisent à fragiliser les régulations nationales.
La gouvernance économique mondiale ne peut se résumer aujourd’hui à une simple coopération entre États souverains. Les grandes organisations internationales assurent des fonctions de régulation qui dépassent assez largement l’entente entre les entités souveraines. La Banque mondiale et le Fond monétaire international (FMI) par exemple, dont les fonctions ont encore évolué récemment, font partie du système des Nations-Unies et assurent pour la première un rôle important pour le développement économique et la lutte contre la pauvreté, alors que le FMI porte son action sur les questions macroéconomiques. La Banque mondiale assure une assistance technique et financière aux pays en situation de sous-développement. Le FMI œuvre en faveur de la coopération monétaire internationale. Il fournit aussi aux pays en situation de déséquilibre dans les échanges extérieurs des prêts afin de régler leurs paiements internationaux et financés par les souscriptions des pays membres sous la forme de quotes-parts.
Ces deux institutions construisent ainsi de véritables politiques publiques transnationales qui s’imposent, parfois sous le feu des critiques de la société civile, à un certain nombre de pays marqués par les crises financières et les situations de sous-développement.
L’OMC (Organisation mondiale du commerce) quant à elle, est une organisation en charge de renforcer le processus de libéralisation des échanges et dont les négociations entre les pays cherchent à obtenir la disparition des barrières douanières tarifaires et non tarifaires. Ponctuée de rounds successifs, cette organisation a conduit à réduire très fortement ces barrières, mais elle est freinée aujourd’hui par les questions liées à la libéralisation des échanges agricoles entre pays du sud et pays occidentaux, et sur les questions liées aux conditions de travail et la protection sociale. Elle dispose aujourd’hui d’un pouvoir certain pour régler les différends qui ne peuvent trouver une solution à l’amiable entre pays. L’Organe de règlement des différends met en œuvre une procédure permettant aux pays lésés par des mesures protectionnistes d’obtenir gain de cause. C'est le cas par exemple des taxes sur l’acier imposées par les États-Unis.
Lorsque les institutions internationales ne répondent pas ou plus aux besoins de gouvernance économique mondiale, les États n’hésitent pas à avoir recours aux « clubs » diplomatiques. C’est ainsi le cas par exemple du G20 dont le sommet fondateur à Washington en 2008 s’inscrit pour une part dans l’œuvre du G8, et est devenu ainsi le principal forum de coopération économique internationale. Le G20 n’est pas pour l’instant une organisation internationale. Ce forum a choisi de prendre en charge trois chantiers majeurs que sont la réforme du système monétaire international (SMI), la gestion des matières premières et la construction d’une véritable gouvernance économique mondiale. Il s’est fixé des priorités concernant la coordination des politiques économiques, la réduction des déséquilibres macroéconomiques mondiaux, et le renforcement de la régulation financière. Cependant ces sommets du G20, malgré les intentions volontaristes affichées lors des déclarations finales, buttent sur les divergences d’intérêts entre les pays et les groupes de pays, comme le développement important du groupe BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud).
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