La gestion du patrimoine français : évolutions d'une politique publique
- Fiche de cours
- Quiz et exercices
- Vidéos et podcasts
- Connaitre l'histoire du patrimoine français.
- Connaitre les budgets et les actions mis en place pour le patrimoine.
- Le patrimoine national est la représentation de strates historiques empilées les unes sur les autres. Il prend différentes formes : des bâtiments, des paysages, des biens immatériels, etc.
- C’est au XIXe siècle que nait la politique du patrimoine avec la création de l’inspection générale des monuments historiques, mais souvent les restaurations sont maladroites.
- La gestion du patrimoine est une tâche compliquée, elle s'est complexifiée avec la loi de 1901 qui admet la séparation de l'État et de l'Église et change la responsabilité de la charge budgétaire des édifices.
- En 1962, la Ve République lance un plan de sauvegarde du patrimoine sous la direction du premier ministre de la culture André Malraux.
- En 1984, sont créées les journées du patrimoine, des sites exceptionnels sont ouverts au public, des lieux du patrimoine quotidien sont découverts.
Le patrimoine national est exceptionnel puisque la France
est un pays de tradition, qui a une histoire
multiséculaire dont les fondations remontent
à l’Antiquité.
Le patrimoine est donc partout dans les grandes
villes, évidemment, lieu d’occupation
interrompu depuis des milliers d’années
où les strates historiques se sont
empilées comme dans un mille-feuille.
Le patrimoine est également
disséminé dans les zones rurales
où se cachent des châteaux, des chapelles,
des ensembles naturels exceptionnels témoignages
d’un cadre et d’un mode de vie disparus.
La gestion patrimoniale est donc une tâche
très lourde et complexe, elle incombe à
l’État, mais aussi aux collectivités
locales et surtout à des particuliers qui sont les
gardiens de ces lieux. La politique
d’aménagement des territoires, que ce
soit la construction d’axes de transports, la
réhabilitation de quartiers, la construction de
zones industrielles et commerciales doivent en permanence
composer avec la question patrimoniale.
Si le patrimoine est souvent une contrainte pour
les acteurs économiques, il est aussi un
atout incomparable, car il témoigne du
riche passé de la nation et constitue un ciment
de l’identité collective. Le patrimoine
procure également un avantage comparatif, car il
produit de la richesse économique en donnant de la
valeur aux lieux, en attirant des flots de visiteurs ou
en contribuant au rayonnement mondial de la France.
C’est pendant la période révolutionnaire à la fin du XVIIIe siècle que la nécessaire mise en valeur et protection du patrimoine voit le jour. Les destructions de monuments et de statues incarnant le temps des rois subissent les assauts et les ravages d’une partie de la population. Le patrimoine ancien est emporté par une vague de destruction qui se veut créatrice, qui doit déboucher sur une nouvelle ère, « du passé faisons table rase » pourrait être le mot d’ordre de cette époque. Pourtant le passé est nécessaire à la construction d’une nouvelle identité et des hommes cherchent à le préserver en ces temps de grande agitation. En 1790, une commission des monuments est chargée d’inventorier les édifices et les objets historiques remarquables afin de les préserver.
C’est au XIXe siècle que nait la politique du patrimoine, François Guizot, ministre du roi des Français Louis Philippe, crée l’inspection générale des monuments historiques. Prosper Mérimée en devient l’inspecteur en chef et inaugure le cycle des restaurations des monuments historiques les plus prestigieux dont certains sont fortement dégradés. En 1837, des milliers de bâtiments sont classés et font l’objet d’une protection particulière. Avec l’aide de Viollet Le Duc, des ensembles sont sauvés de la destruction, mais les restaurations sont parfois maladroites puisqu'elles ne permettent pas de distinguer l’ancien du nouveau et font perdre l’âme historique à certains édifices.
La cathédrale d’Amiens menacée d’effondrement se voit ajouter des éléments qui n’existaient pas au Moyen Âge, de même une flèche de style gothique est intégrée à la cathédrale Notre-Dame de Paris au XIXe siècle.
Flèche de la cathédrale Notre-Dame de Paris, photographie colorisée de Charles Brossard (1900) ǀ © Look and Learn / Bridgeman Images
Au XXe siècle, la gestion du
patrimoine français fait un grand bond en
avant, elle est plus protectrice, s’étend
et a tiré la leçon des erreurs commises
au siècle précédent. Le
défi est énorme puisque le patrimoine a
souffert de dégradation et d’un manque
d’entretien chronique au
XIXe siècle en raison d’un
sous-financement.
En 1901, la loi de séparation de
l’Église et de l’État a
accru les difficultés puisque l’entretien
d’une partie de certains édifices
religieux devra être à la charge des
organisations cultuelles.
En 1962, la Ve République de
Charles de Gaulle lance un plan de sauvegarde du
patrimoine sous la direction du premier ministre de
la culture André Malraux. Les bâtiments
prestigieux font l’objet d’une
réhabilitation respectueuse du passé
comme à Chambord, au Louvre ou encore la
cathédrale de Reims qui a subi des destructions
pendant les guerres mondiales. La même
année les centres villes anciens font
l’objet d’un plan de sauvegarde et de mise
en valeur. Cela n’empêche pas la
destruction des Halles au centre de Paris
décrites dans le roman de Zola, Le ventre de
Paris, qui sont remplacées par la ligne RER
et la construction du forum des Halles.
À la même époque la notion de
patrimoine s’étend au milieu
naturel, l’environnement fait partie du
patrimoine des Français, les paysages
s’inscrivent dans la durée et la
mémoire des Français. De grands parcs
naturels nationaux sont créés dans
les Alpes en 1960 (Parc de la Vanoise), les
Pyrénées.
Un nouveau patrimoine voit le jour, il dépasse
le champ traditionnel des bâtiments et des objets
anciens. Il inclut désormais des
témoignages du passé comme la notion
de patrimoine industriel avec la
préservation des anciennes mines de charbons du
Nord de la France. Des modes de vie ruraux
à travers la construction
d’écomusées qui rassemblent les
objets du quotidien des campagnes françaises des
siècles passés ou encore
célèbrent l’art de vie avec la
promotion d’un patrimoine
immatériel, classé par
l’UNESCO, le repas gastronomique à la
française.
On assiste donc depuis quelques décennies
à une évolution de la notion qui entraine
une inflation patrimoniale, tout est patrimoine
et le patrimoine est partout.
Depuis la fin du XXe siècle, le patrimoine est devenu une question centrale dans les politiques publiques. Les Français y sont de plus en plus attachés dans un monde bouleversé par la mondialisation et la course à la modernité. Le patrimoine procure une identité aux territoires, une stabilité, des racines auxquelles se rattacher. En 1984, sont créées les journées du patrimoine, des sites exceptionnels sont ouverts au public comme le palais de l’Elysée, des lieux du patrimoine quotidien sont découverts. Les chantiers de rénovation dans les villes doivent obtenir l’accord des monuments historiques lorsque des travaux sont entrepris dans des secteurs préservés. Les constructions nouvelles et la mise en place d’infrastructures de transports entrainent des fouilles archéologiques préventives menées par l’INRAP (Institut national de recherche archéologique et préventive) dont le slogan est « Nous fouillons, c’est votre histoire ».
Pourtant le patrimoine nécessite des investissements importants, la préservation du patrimoine engloutit des sommes considérables et les ressources allouées par l’État, surtout en période de contraction des dépenses publiques, ne sont pas suffisantes. Le budget dédié à la préservation du patrimoine ne représente qu’un milliard en 2019 sur les 380 milliards dépensés. Le patrimoine du quotidien, les dizaines de milliers de châteaux, chapelles et autres bâtisses anciennes bien souvent détenues par des particuliers souffrent d’un sous financement chronique. Une partie du patrimoine français est en péril, mais des solutions sont mises en œuvre comme l’appel au mécénat privé (entreprises, donateurs) et plus récemment la création d’un loto du patrimoine lancé en 2018 pour collecter des fonds et sauver des chefs d’œuvre en péril.
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