La diversité des suds français

L'aménagement actuel du territoire français dépend d'un schéma directeur national mais intègre aussi l'espace national au sein des enjeux économiques, plus vastes, de l'Union européenne.

Les municipalités françaises situées sur un axe majeur méridien (Strasbourg, Dijon, Lyon, Clermont) privilégient l'aménagement de leur flanc urbain méridional comme pour mieux élancer leurs villes dans la dynamique héliotropique ambiante ! Le cas lyonnais illustre parfaitement cette redéfinition du « sud » : SDAU de 25 ans, le projet Lyon-Confluences présente aux Lyonnais, aux Français et aux Européens qui transitent par cette ville l'image d'une cité « porte de la Méditerranée ».

Dans ce contexte de redéfinition sémantique, le sud français est élargi, mais ses espaces sont parfois mis à l'écart des axes majeurs de développement.

Depuis quarante ans, l'aménagement du territoire insiste sur des infrastructures qui canalisent les flux dans un sens nord/sud et dont l'axe Saône-Rhône -s'il n'est plus incontournable- retient toutes les attentions. Par ailleurs, il est devenu le réceptacle de tous les changements dus à l'héliotropisme du confort et des loisirs réunis : infrastructures de transports multiples et variées (autoroutes, TGV, aéroports internationaux), centres de production de l'énergie nucléaire, redéploiement industriel, ...

La vallée du Rhône n'est cependant qu'un goulet d'étranglement qui ouvre sur un arc méditerranéen dont on entretient la caricature régionale : les flux ne se défont qu'avec difficulté d'axes définis en terme d'économie et de culture de masse. Si les littoraux en sont les premiers bénéficiaires, tout le « sud » français n'est pas logé à la même enseigne : l'arrière-pays est souvent situé à la périphérie des axes de développement, mais il profite à une minorité plus encline au calme d'une campagne isolée et non moins méditerranéenne. 

Doc. Localisation et réseaux de l'arc méditerranéen

Aujourd'hui, l'intégration européenne, la nouvelle législation sur le temps de travail, l'organisation d'une société de loisirs sont autant d'éléments qui tendent à une redéfinition multiple des suds français :

- à l'échelle de l'Union européenne, les suds français correspondent à un arc bandé de Bordeaux à Menton et pointé sur la Corse ;

- l'échelle de la clientèle française associe « sud » à « midi », soit l'arc méditerranéen en exclusivité laissant Guyenne et Pays basque à l'arc atlantique ; seule une ambiguïté subsiste pour la région toulousaine ;

- pour les méditerranéens eux-mêmes, le sud, divers et varié, agrandit l'échelle à la notion de « pays ».

La typologie des suds français oppose habituellement Languedoc et Provence, tandis qu'une Corse marginalisée propose à la fois les schémas d'aménagement des deux régions citées, de même qu'elle tente d'imposer le sien propre, plus spécifiquement culturel.

Depuis la fin des années 1960, les suds français ne partagent plus seulement des conditions climatiques communes et une variété de paysages naturels déclinés autour du calcaire et de la garrigue, du granite et du maquis.

Désormais, et conformément aux schémas d'aménagement, les suds français constituent la plus vaste aire d'attraction touristique littorale du monde.
La côte provençale, dont l'aménagement est le plus souvent spontané et ancien, se distingue toutefois du littoral languedocien à l'aménagement concerté et récent. Les paysages s'en ressentent :

- le périurbain est continu de Collioure à Menton (seule la Camargue interrompt cette urbanisation littorale) ;
- la fonctionnalité est strictement touristique sur la côte Vermeille ;
- la côte provençale est aussi caractérisée par un réseau urbain portuaire préexistant dont la finalité est antérieure aux aménagements touristiques (Marseille, Toulon, Fréjus, Cannes, Antibes, Nice, Villefranche).

Le sud provençal est donc une étroite bande urbaine littorale qui concilie in situ les infrastructures touristiques et industrialo-portuaires, alors que le sud languedocien est sujet à une certaine opposition binaire organisationnelle qui témoigne de l'artificialisation récente de la fonctionnalité de son espace : une bande littorale touristique et saisonnière créée ex nihilo cache un réseau urbain structuré et ancien situé en arrière et à l'abri d'une côte jadis inhospitalière (Perpignan, Carcassonne, Narbonne, Béziers, Agde, Montpellier, Nîmes).

La Corse résume la diversité des suds français : l'île de beauté recense tous les paysages naturels méditerranéens français et la plupart de ses côtes tente d'associer la fonctionnalité d'un espace pour ses habitants et les avantages d'un tourisme de masse.

Toutefois la côte orientale d'Aléria a connu un schéma d'aménagements similaire à celui du Languedoc, tandis que la région de Porto-Vecchio (comme la Côte d'Azur) attire une clientèle très fortunée, essentiellement étrangère.