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La construction d'une justice pénale internationale face aux crimes de masse : le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY)

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Objectifs
  • Comprendre le fonctionnement de la justice internationale.
  • Comprendre pourquoi le TPIY s’étend sur une période aussi longue.
Points clés
  • Les guerres yougoslaves à la fin de la Guerre froide, dans un contexte où les nouvelles républiques cherchent à faire sécession avec la république fédérale. 
  • Les crimes commis dès le début du conflit, aussi bien en Croatie qu’en Bosnie, amènent à la création par l’ONU d’un tribunal de justice internationale pour juger les responsables de ces exactions.
  • La justice du TPIY, comme celle du TPIR (Rwanda), réaffirme le rôle de la communauté internationale dans la poursuite des crimes de guerres et des crimes génocidaires.
1. Les guerres yougoslaves de la fin du XXe siècle

En 1991, la fin de la Guerre froide marque le retour de la démocratie dans les pays de l’est de l’Europe et en Yougoslavie. Des élections sont organisées, les partis uniques disparaissent. C’est dans ce contexte que des scrutins libres ont lieu dans les différentes républiques de la Fédération yougoslave.

En Croatie, les nationalistes de Franjo Tudjman parviennent au pouvoir, en Bosnie et en Slovénie des gouvernements démocratiques sont élus par la population.

Arrivées au pouvoir, ces républiques cherchent à faire sécession avec la république fédérale, dirigée par la Serbie. En 1991, la Croatie et la Slovénie déclarent leur indépendance. La Yougoslavie perçoit ce retrait comme une menace pour les institutions yougoslave, ainsi que pour la défense et les intérêts des Serbes vivant dans les différentes Républiques.

L’armée fédérale est envoyée en Croatie afin de rétablir l’ordre et d’empêcher l’indépendance. Celle-ci reçoit le soutien et l’aide des 300 000 Serbes de Croatie, qui vivent principalement dans le sud du pays. Les premiers combats éclatent, et la guerre libère des tensions et des nationalismes violents, contenus par quarante années de communisme. Le conflit met les civils en première ligne et est marqué par des massacres et exactions à leur encontre.

Le cœur des guerres yougoslaves et des exactions contre les civils ont lieu dans la république de Bosnie-Herzégovine à partir de 1992. Ce territoire fédéral décide à son tour de proclamer son indépendance. Le président Izetbegovic, un musulman qui dirige la Bosnie multi-ethnique, proclame l’indépendance. Cette décision met le feu aux poudres. Si les Croates s’inquiètent pour la minorité vivant dans l’ouest du pays, les Serbes de Bosnie, installés majoritairement à l’ouest et à Sarajevo, refusent catégoriquement cette indépendance. La violence devient rapidement endémique entre les communautés.

Endémique : qui sévit de manière constante, régulière.

En 1998, les conflits et massacres se déplacent vers l’est de la République fédérale, dont le territoire s’est fortement rétréci avec les différentes indépendances.

Le Kosovo, considéré comme le cœur historique de l’État serbe – même si ces derniers y sont très minoritaires – qui proclame son indépendance. À nouveau, la Serbie refuse toute sécession. L’armée est déployée et de violentes exactions sont commises sur les civils.

2. Les actions génocidaires et crimes contre l’humanité

Les crimes de masse et les violations des lois de la guerre concernent les trois conflits yougoslaves. Toutefois c’est en Bosnie qu’ils atteignent une dimension génocidaire.

Les Musulmans de Bosnie sont méthodiquement massacrés par des milices serbes bosniaques extrémistes, qui ont des liens étroits avec les Serbes de Serbie et leur chef, Slobodan Milošević.

Sous le commandement du général Ratko Mladić, les musulmans sont victimes d’un processus de nettoyage ethnique qui vise à créer des zones serbes homogènes. À Sarajevo, pendant quatre années, les hauteurs de la ville servent de base aux milices, qui bombardent la cité historique.

Dans l’est bosniaque, les militaires serbes attaquent villes et villages musulmans afin de forcer la population à fuir en utilisant la violence. La ville de Srebrenica est l'un des centres des actions génocidaires. La cité a servi de refuge aux populations musulmanes vivant dans l’est bosniaque. Les miliciens serbes vont, dans un premier temps, faire le siège de la localité, puis l’affamer et enfin prendre la ville et massacrer la population.

Plus de 8 000 personnes sont assassinées en juillet 1995, les corps sont enterrés à la hâte dans des charniers. Ce crime de masse se déroule sous les yeux de l’ONU, qui est incapable d’agir et de protéger les populations civiles.

3. Le jugement des auteurs par la justice internationale

Les crimes commis dès le début du conflit, aussi bien en Croatie qu’en Bosnie, amènent à la création par l’ONU d’un tribunal de justice internationale pour juger les responsables de ces exactions.

En mai 1993, la résolution 832 du conseil de sécurité de l’ONU donne naissance au TPIY (Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie). C’est la première fois qu’il se réunit depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et la condamnation des régimes criminels nazis et japonais lors des procès de Nuremberg et de Tokyo.

Mais cette fois-ci, ce ne sont pas les vainqueurs qui jugent les vaincus mais une véritable justice internationale qui se veut impartiale.

Le tribunal siège à La Haye, aux Pays-Bas. Il poursuit les responsables politiques et militaires impliqués dans des crimes de masse, des viols ou encore les destructions de biens commis pendant les trois guerres yougoslaves. Ses enquêtes portent sur une période allant de 1991 à 2001. Les accusés sont principalement serbes, mais on trouve également des criminels croates et musulmans bosniaques. Les principaux lieux d’exactions sont donc situés en Bosnie-Herzégovine, en Croatie, au Kosovo et en Macédoine.

Les juges sont nommés par les Nations Unies. Ils représentent donc la communauté internationale, ce qui permet à la justice d’être indépendante. 161 cas sont étudiés par le TPIY sur une durée de près de 25 ans. La justice internationale prononce 110 condamnations.

De hauts responsables serbes du génocide des Musulmans de Bosnie sont condamnés. Slobodan Milošević, l’ancien président de la Serbie, est livré en 2001 par la justice serbe à l’ONU. Il est accusé de génocide et de crimes de guerre du fait de son soutien aux activités génocidaires des Serbes de Bosnie. Son procès n’arrive pas à son terme car il meurt en prison, à La Haye, en 2006.

Radovan Karadžić, l’ancien président des Serbes de Bosnie, est lui aussi condamné par la TPIY. Surnommé le boucher des Balkans, cet ancien médecin psychiatre est le responsable du massacre de Srebrenica et du nettoyage ethnique de la Bosnie. Il échappe à la justice pendant plus de dix ans mais est finalement arrêté en 2008. Après un long procès et de nombreux rebondissements, il est condamné à l’emprisonnement à perpétuité.

Ratko Mladić, le commandant des Serbes de Bosnie, est arrêté en 2011 après des années de cavale, et est lui aussi condamné à la prison à perpétuité pour génocide contre les Musulmans de Bosnie.

Des Croates sont également jugés pour des crimes commis, à l’image de Slobodan Praljak qui, a lecture de son verdict, se suicide en direct, dans l’enceinte du tribunal de La Haye en absorbant une fiole de poison.

La justice du TPIY, comme celle du TPIR (Rwanda), réaffirme le rôle de la communauté internationale dans la poursuite des crimes de guerres et des crimes génocidaires.

En assassinant massivement des civils, les responsables s’en prennent à l’humanité toute entière, et c’est pour cela qu’ils sont poursuivis à l’échelle internationale.

Ces grands procès ont également pour but d’apaiser les mémoires et de tourner la page des conflits, même s’ils exacerbent les rancœurs entre les communautés, entre ceux qui trouvent la justice trop laxistes, et ceux qui la trouvent trop dure.

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