L'inconscient
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Comprendre la notion d'inconscient
- L'inconscient met en évidence la baisse de la vigilance, contrairement à la conscience.
- Chez l'homme, certains comportements sont en effet automatiques, résultant d'habitudes.
- L'inconscience implique également l'irresponsabilité morale.
- Cependant, l'inconscient pose débat sur la souveraineté ou non de la conscience.
Les animaux et les hommes ont des perceptions,
éprouvent des sensations et manifestent des
comportements liés à leur survie. Ils
sont dotés de conscience, au sens de
vigilance psychique. L'inconscience met en
évidence la baisse de la vigilance :
c'est un état physique et mental lié au
fonctionnement du corps. Ainsi le sommeil est-il un
état inconscient.
La conscience culmine chez l'homme : en effet,
l'homme est un être vivant qui ne se borne pas
à sentir, percevoir et agir ; il sait qu'il
sent, perçoit et agit. L'être humain
s'avère capable de réflexion sur
soi. La conscience réfléchie
n'appartient qu'au sujet pensant doté de
raison.
Dans cette perspective, ne serait-il pas tentant
d'attribuer le plus haut degré de conscience
à l'homme ? L'inconscience ne serait-elle
pas liée aux êtres les plus instinctifs,
alors que la conscience réfléchie,
liée à l'intelligence et à la
pensée, caractériserait les êtres
capables d'hésiter entre plusieurs actions
possibles et de délibérer avec
lui-même avant de choisir ? Bergson
(1859-1941) souligne l'intensité de la
conscience humaine au moment du choix :
(L'Énergie spirituelle, 1919)
C'est pourquoi, « il est douteux », comme le dit encore Bergson, « qu'on rencontre la conscience dans des organismes [...] qui n'ont pas de décisions à prendre ».
On observe chez l'homme certains comportements
instinctifs, résultant d'habitudes
acquises. La plupart de ces comportements, dans la vie
quotidienne, sont machinaux : nous n'avons pas
besoin, pour accomplir certaines actions, de
réfléchir. L'apprentissage de la
conduite automobile, par exemple, semble fastidieuse,
mais une fois que nous maîtrisons cette conduite,
nous n'y pensons plus. Il en va de même pour
l'apprentissage d'un sport, voir d'un instrument de
musique. N'y a-t-il pas, dans ces automatismes de la
vie quotidienne, une forme d'inconscience ?
Il y a, en tout homme, un ensemble
d'automatismes, facilitant l'adaptation au milieu
naturel et à l'environnement social. La
pensée consciente aurait, en somme, pour
auxiliaires des activités inconscientes fort
utiles, ayant une fonction pratique.
L'inconscience n'est pas seulement un état propre
à un organisme vivant, mettant en évidence
une défaillance, une baisse ou une interruption de
la vigilance. C'est aussi un état d'esprit
accompagnant un certain type de conduite humaine.
On dit d'un homme qu'il est inconscient lorsque sa
conduite est irresponsable ou
légère, s'avère blâmable, et
porte préjudice tant à lui-même
qu'à autrui. Il ne mesure pas les
conséquences de ses actes et ne prend pas en
considération la personne d'autrui. Ses
désirs et ses passions l'emportent sur sa raison,
il semble être indifférent aux valeurs
morales. Les philosophes, dès l'Antiquité
grecque, dénoncent ce type d'inconscience,
caractérisée par la non-maîtrise
de soi. Socrate (470-399 av. J.-C.) est un
modèle de maîtrise de soi et de
dignité morale, que les écoles
philosophiques postérieures au platonisme ne
cesseront de célébrer. La sagesse
socratique porte la conscience morale à son
plus haut degré de perfection.
Les philosophes n'ont pas manqué de signaler, au sein du sujet conscient, la présence d'opérations et d'états inconscients. Ainsi, comme l'explique Leibniz (1646-1716), les hommes ne perçoivent pas toutes les impressions qu'ils ressentent. Certaines perceptions sont insensibles : ce sont des perceptions qui affectent le sujet, mais dont il ne se rend pas compte. Ainsi en est-il du bruit de la mer :
(Nouveaux essais sur l'entendement humain, 1704)
Leibniz montre donc qu'il existe des perceptions de
l'âme dont nous ne sommes pas conscients.
Mais, tout en signalant cette part d'inconscient en
l'homme, la plupart des philosophes ne cessent de
célébrer la souveraineté du sujet
conscient.
Spinoza, dans La Lettre à Shuller
(1674-1675), compare la liberté humaine à
celle de la pierre :
Cette lettre, restée célèbre dans l'histoire de la philosophie, montre que Spinoza ne croit pas à la liberté humaine. Toutefois, il serait faux de dire que Spinoza renonce à l'idée de liberté : sachant que la liberté est une illusion, dira-t-il en substance dans L'Éthique (1677), l'homme pourra apprendre à devenir libre. Autrement dit, la conscience de ne pas être libre donne accès à la liberté.
Au XIXe siècle, l'idée
que la conscience est transparente à
elle-même est radicalement remise en cause.
Nietzsche (1844-1900) dénonce la
superficialité de l'activité
consciente. La pensée consciente ne serait
qu'un aspect minime, voire dérisoire, de
l'activité de l'esprit. Ce qu'il y a de meilleur
en l'homme échapperait à la juridiction
du « moi » conscient. Le
sujet conscient et volontaire, un et unifié,
serait une illusion, engendrée la
tradition grecque et chrétienne.
La contestation vient ensuite de la psychanalyse. Freud
(1856-1939), partant de l'étude des souffrances
psychologiques, pose l'activité d'un
inconscient, parallèlement à celle
de la conscience et opérant, donc, à
l'insu du sujet réfléchi. La
pensée consciente n'aurait pas la toute
puissance que la tradition philosophique, morale, et
religieuse, lui prête. Il y aurait, en tout
homme, dès l'enfance, des images, des souvenirs
et des pensées, écartés et
maintenus hors de la conscience : cette
opération, que Freud nomme « le
refoulement », serait liée
à la pulsion sexuelle.
Selon Freud, trois instances structurent le psychisme :
le « moi », le
« ça », le
« surmoi ». Le
« moi » est l'équivalent
de ce que nous appelons « la
conscience ». Notre moi s'exprime,
par exemple, lorsque nous disons
« je ». Le
« ça » correspond à
l'inconscient, et plus particulièrement
aux pulsions et aux désirs dont nous n'avons pas
conscience - et dont le
« surmoi » empêche la
réalisation. Le surmoi correspond
essentiellement à l'instance morale :
Freud le compare à la loi, aux interdits, mais
aussi à l'image du père.
La « seconde topique », qui
correspond à la tentative de décrire la
structure du psychisme (divisée en un moi, un
ça et un surmoi) a été
élaborée par Freud en 1920. La
psychanalyse marque profondément la
pensée philosophique car elle met en cause
l'idée traditionnelle de la conscience, par
essence rationnelle. L'hypothèse de
l'inconscient ruine l'idée selon laquelle le
« moi » serait
« maître en sa maison »,
selon les propres termes de Freud. Le
« moi » n'est désormais
plus transparent à lui-même.
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