L'homme civilisé est-il un être dénaturé ?- Terminale- Philosophie
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Savoir si l'homme civilisé est un être dénaturé
- En admettant que l’homme puisse se « dénaturer », cela ne semble pas dépendre d’un degré inférieur ou supérieur de civilisation.
- Nous n’avons pas les mêmes jugements de valeur sur ce qui est considéré comme dégradant pour l’humanité elle-même.
- Rester humain n’est par conséquent pas si facile : commençons par admettre que les hommes partagent une humanité commune.
Admettre que l’homme puisse être
dénaturé, c’est admettre qu’il
existe une nature humaine. En se civilisant,
l’homme aurait perdu cette nature. Mais
qu’est-ce que la civilisation ? Le terme de
civilisation a longtemps été synonyme de
« progrès » ou
d’avancement des connaissances et du savoir,
d’où l’existence de l’adjectif
« civilisé ». L’homme
civilisé s’opposait au barbare ou au
sauvage.
Aujourd’hui, nous parlons de
« civilisation » de manière
plus générale, et on peut assimiler ce
terme à celui de
« culture », dans la mesure
où ils renvoient tous deux à un ensemble de
savoirs et de croyances, à des modes de vie. En ce
sens, les civilisations et les cultures ne sauraient
être évaluées de manière
hiérarchique : manger un pot-au-feu
plutôt que du couscous, revêtir un costume et
une cravate plutôt qu’un sarouel, se rendre
à l’église ou à la
mosquée ne préjuge pas de la
supériorité d’une culture sur une
autre.
La civilisation européenne et occidentale
s’est longtemps considérée comme
supérieure, en raison principalement d’une
supériorité technique, mais
également de ce qu'elle pensait être une
supériorité intellectuelle :
civiliser les populations des colonies,
c’était, par exemple, les
alphabétiser et les christianiser,
c’est-à-dire les éduquer.
Nous raisonnons différemment aujourd’hui. Le
siècle dernier nous a peut-être servi de
leçon : dans La connaissance inutile,
Jean-François Revel (1924-2006) montre que le
XXe siècle, qui aurait dû
être celui du triomphe de la connaissance, dans la
mesure où celle-ci s’est trouvée
amplifiée par les possibilités de plus en
plus grandes de la diffusion des informations, a surtout
été celui de la tyrannie et de la
barbarie. Les démocraties, au sein
desquelles les inégalités entre dirigeants
et dirigés se sont réduites (du point de
vue de l’accès à
l’information), qui ont permis à de plus en
plus de gens d’avoir accès aux
connaissances, n’ont pas empêché
l’émergence des totalitarismes de
droite et de gauche.
L’essor de la technologie et de la
technique contribue très certainement
à déshumaniser le monde dans lequel vivent
les hommes des sociétés occidentales. On
parle désormais de
« technoscience », pour
signifier que la technique s’est emparée de
la science.
L’une des premières critiques du
règne de la technique a été
formulée par Heidegger (1889-1976), dans une
conférence intitulée : La question
de la technique (1953). Aujourd’hui, ces
critiques sont nombreuses et revêtent
différents aspects. Les hommes prennent conscience
qu’ils font toujours partie de la nature, dans la
mesure où leur existence s’inscrit dans un
milieu, dans un environnement.
En préservant la nature, l’homme se
préserve lui-même. Dans Le principe
responsabilité (1979), le philosophe allemand
Hans Jonas en appelle à une éthique
radicalement nouvelle, dans la mesure où la
progression technoscientifique semble
irréversible. Nous sommes désormais
responsables non pas du monde présent, mais
du monde de demain. Certains scientifiques
présentent aujourd’hui l’homme
bionique de demain, avec les nouvelles
possibilités d’implanter des
éléments électriques sur les tissus
humains. L’ère des « prothèses
» est annoncée : nous deviendrons des
machines vivantes, ou des êtres vivants
mécaniques, si certains impératifs
médicaux l’exigent ; mais il peut
s’agir simplement de devenir plus performants, sur
le plan physique et intellectuel.
Les philosophes contemporains parlent de
« post-humanité ».
H. Jonas préconise une
« heuristique de la peur » :
seule la crainte d’un monde futur
déshumanisé fera que nous pourrons
empêcher qu’il devienne tel.
Si l’on admet qu’il existe une
« nature humaine » (à cette
seule condition on peut comprendre que l’homme
puisse être
« dénaturé »),
comment la définir ? Elle renvoie en premier
lieu à tout ce que les hommes possèdent en
commun. Seul un critère universel peut donc
caractériser la nature humaine.
Pour trouver ce qu’elle est, il faudrait
s’attacher aux similitudes, et non aux
différences : qu’est-ce qui, en
dépit des différences de cultures, de
langues, ou d’époques, fait que nous sommes
tous des hommes ? En quoi n’importe quel
homme, encore, est-il différents des animaux,
alors que nous sommes aussi, d’un point de vue
biologique, des animaux ?
Ont été, traditionnellement,
dégagés les critères suivants :
à la différence des animaux, l’homme
est doué de parole. Il est
également, selon les définitions
données, un « animal
politique » (Aristote) ou un animal
raisonnable. En ce sens, un homme qui ne parle
pas, qui vit hors d’une société
politique, ou encore qui ne fait pas usage de sa raison
est un homme
« dénaturé ».
Mais s’enquérir de la nature de
l’homme n’est pas tout à fait la
même chose que de se demander ce
qu’est l’homme à l’état
de nature. Les philosophes du XVIIIe
siècle établissent la distinction entre,
précisément, l’homme
« naturel » et l’homme
« social » ou
« politique ».
Pour savoir ce qu’est l’homme, il est
nécessaire de savoir ce qu’il était
à ses origines :
(Préface du Discours sur l’origine et les fondements des inégalités parmi les hommes, 1754)
Rousseau (1712-1778) insiste par-là sur le fait
que l’état de nature est certainement une
fiction : il doit toutefois y recourir,
s’il veut répondre à la question de
savoir ce qu’est l’homme.
Par exemple, l’homme est-il naturellement bon ou
naturellement méchant ? Rousseau et
Hobbes qui ne sont pas exactement contemporains,
s’opposent radicalement sur ce point.
Pour Hobbes (1588-1679), l’homme à
l’état naturel « est un loup pour
l’homme » et l’état de
nature est « la guerre de tous contre
tous ». Il est nécessaire alors de
créer un état social (artificiel et
conventionnel, construit pas la raison), à
l’intérieur duquel la propension naturelle
de l’homme à la méchanceté
sera éradiquée ; la
société représente cet espace
à l’intérieur duquel l’homme
n’aura pas à lutter pour sa survie.
D’une certaine manière, pour Hobbes, il est
nécessaire de
« dénaturer »
l’homme.
Pour Rousseau au contraire, l’homme est
naturellement pacifique ; isolé,
indépendant, il se soucie peu de l’existence
de ses congénères. Il n’est, en fait,
ni bon ni méchant : il est a-moral
(l’amoralisme ne doit pas être confondu avec
l’immoralisme), puisqu’il n’a
conscience ni du bien ni du mal, ni de ses droits ni de
ses devoirs.
Deux sentiments toutefois sont propres à
l’« âme humaine »
originelle :
(ibidem)
À l’état social, le sentiment de la « conservation de soi » se transforme, dégénère en « amour-propre » :
Rousseau en est convaincu : la société dénature l’homme. À travers cet ouvrage, Rousseau se fait essentiellement le critique de la société de son temps ; le savant, ou celui que nous appellerions aujourd’hui l’« intellectuel », homme de science ou homme de lettres, est dévoyé : « L’homme qui médite est un animal dépravé ».
Il ne faut pas toutefois imaginer que Rousseau
conçoive un retour possible à
l’« état de nature »
(« Il vous prend envie de marcher à
quatre pattes quand on lit votre ouvrage »,
écrit Voltaire à Rousseau, dans une lettre
datée du 30 août 1755).
L’homme, dans la mesure où il est, par
nature, perfectible, évolue
nécessairement, et cette évolution se
traduit obligatoirement par une transformation ; il
est nécessaire pour l’homme de se
socialiser.
Le concept de
« perfectibilité » rend
raison de ce qu’est la nature humaine :
à la différence de l’animal, qui est,
au bout de quelques mois, ce qu’il sera toute sa
vie, et son espèce, au bout de mille ans, ce
qu’elle était la première
année de ces mille ans, l’homme est capable
de s’arracher à sa nature, et de devenir
autre que ce qu’il était originellement.
L’homme en effet, contrairement à
l’animal, est libre, et la perfectibilité
témoigne de cette liberté :
« C’est dans la conscience de cette
liberté que se montre la spiritualité de
son âme ».
Le problème est bien que l’homme
s’écarte de la règle naturelle pour
son avantage, mais aussi pour son préjudice. Et
c’est pourquoi il peut être le seul,
précisément, à pouvoir se
« dénaturer », et le seul
encore à pouvoir se montrer
« inhumain ». Il n’existe pas
de mot pour dire qu’un animal s’est
écarté, pour le pire, de sa nature. Seuls,
finalement, les animaux domestiques pourraient être
considérés comme des animaux
dénaturés… Pourquoi en effet
« l’homme seul est-il sujet à
devenir imbécile ? » se demande
encore Rousseau. Parce qu’il est libre. Il
l’est donc pour le meilleur et pour le pire.
On ne pourrait donc envisager, d’une manière
plus générale, la notion de nature sans la
notion de culture. À ce titre, comme
l’avait envisagé Rousseau, l’homme
à l’état de nature n’existe
sans doute pas. Nous naissons toujours dans un
environnement et dans une culture donnée :
même les peuples dits
« primitifs », dont
l’environnement naturel demeure le seul
environnement, et vivant à l’écart de
toute civilisation, sont des êtres de culture.
C’est ce que montre Claude Lévi-Strauss
(1908-2009) : les études menées
à partir de l’observation des peuples
primitifs, prétendument restés à
l’« état de nature »,
prouve bien que ces hommes possèdent leur propre
culture. Appartenir à une culture n’a alors
plus rien à voir avec le fait d’être
« cultivé » ; Rousseau
l’avait en outre montré : on peut
être cultivé, et être
« dénaturé ». En
dépit de cela, le passage de la nature à la
culture est irrémédiable.
Finalement, il n’existerait pas de
« nature humaine », ce qui ferait
perdre à l’expression :
« homme dénaturé »,
tout son sens. Toute culture est, en quelque sorte, une
« seconde nature ». En ce
sens, il est donc inexact de penser que la civilisation
puisse être à l’origine d’une
modification négative de la nature humaine.
Pourtant, les civilisations ou les sociétés
ne se valent pas toutes. Nous devons admettre, sans pour
autant renoncer à la richesse que
représente la diversité des cultures,
l’existence de situations particulières,
dans l’histoire des hommes, que nous devons
condamner. Certaines croyances ou certaines
idéologies engendrent la barbarie ; ne
pouvons-nous pas penser que l’idéologie
nazie dénature l’homme ? Il est
évidemment bien plus dégradant pour
l’homme en tant que tel d’être un
représentant du nazisme allemand (le
persécuteur) qu’être un juif allemand
(le persécuté). L’homme
dégradé n’est finalement pas la
victime, mais le bourreau.
D’une tout autre manière, les actes de
cannibalisme paraissent, d’une manière
universelle, dégradant pour le genre humain
lui-même, même si ceux-ci font partie
intégrante d’une culture donnée. La
« culture » ne peut servir de
prétexte pour que certains actes inhumains soient
rendus légitimes, au nom de cette culture.
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