L'enracinement de la culture républicaine (1880-1890)- Collège- Histoire
- Fiche de cours
- Quiz et exercices
- Vidéos et podcasts
- Savoir comment la culture républicaine s'est enracinée dans le quotidien des français.
- Confrontée, au début de son installation, à des crises qui la fragilisent, la IIIe République parvient progressivement à s'imposer.
- L'école contribue à diffuser les valeurs républicaines et les lois favorables aux paysans, aux ouvriers, renforcent sa base électorale.
- La possibilité d'une ascension sociale contribue également au succès d'un régime qui va durer jusqu'à la défaite militaire française contre l'Allemagne en 1940.
Le régime républicain semble pour nous
une évidence aujourd'hui. Son existence, à
l'échelle du temps historique, est cependant
récente.
La IIIe République est proclamée
le 4 septembre 1870, mais la constitution n'est
adoptée qu'en 1875. Le régime peine à
convaincre et il doit affronter de multiples oppositions.
Les années 1880 et 1890 constituent un enjeu majeur : face à des crises sévères, la République doit affirmer ses valeurs et trouver les moyens de les enraciner.
Depuis son installation, suite à la défaite de Napoléon III contre les Prussiens en 1870, le régime républicain doit faire face à de multiples oppositions politiques. Certaines crises révèlent ces oppositions et fragilisent le pouvoir.
Louis Napoléon Bonaparte
Nommé ministre de la guerre en janvier 1886,
le général Boulanger
bénéficie d'une grande popularité
auprès des Français. Malgré sa
présence au gouvernement, il n'hésite pas
à critiquer celui-ci. Il souhaite une
République plus autoritaire, capable notamment
de reconquérir l'Alsace-Lorraine
annexée par l'Allemagne en 1871. Il rallie
à lui de nombreux opposants au
régime tels que les bonapartistes, les
monarchistes et même des républicains qui
souhaiteraient un pouvoir plus proche des
catégories populaires.
Entre 1886 et 1889, le général
Boulanger incarne parfaitement
l'antiparlementarisme qui se développe
dans le pays. Les députés, les
représentants politiques sont jugés
inefficaces et peu soucieux des préoccupations
populaires. Évincé du gouvernement en
1888, il se fait élire triomphalement
député de Paris en 1889. Ses partisans le
poussent alors au coup d'État, qu'il
refuse.
Il est persuadé d'obtenir celui-ci
légalement. Accusé malgré tout de
tentative de complot, Boulanger doit fuir. Son
mouvement décline par la suite mais il
témoigne de la fragilité du
régime.
Le général Georges Boulanger
Parmi les sceptiques du régime, les ouvriers
constituent une force d'opposition à la
République jugée trop bourgeoise. Le
contexte de difficultés économiques,
à partir de 1885, favorise les
contestations.
Le mécontentement social se traduit par une
multiplication des grèves et manifestations. Il
est incarné, dans sa forme la plus radicale, par
un syndicalisme révolutionnaire actif
ainsi que par des courants virulents préconisant
une action violente pour renverser ce pouvoir.
C'est le cas en particulier de l'anarchisme, qui connaît au début des années 1890 un regain d'activité spectaculaire. L'action la plus marquante est l'assassinat du président Sadi Carnot à Lyon en 1894.
Cette affaire, la plus grave connue par la
IIIe République, traduit les
difficultés du régime à imposer
ses valeurs. En 1894, Alfred Dreyfus, capitaine
de l'armée française, est accusé
et condamné par la justice militaire
française pour espionnage au profit de
l'Allemagne. Humilié par une dégradation
publique, il est ensuite déporté au
bagne en Guyane.
Dreyfus est condamné avant tout de par ses
origines : juif, d'origine alsacienne, il
représente le coupable idéal.
Malgré la découverte du véritable
traitre, la condamnation de Dreyfus est maintenue
afin de ne pas remettre en cause l'honneur de
l'armée.
L'intervention de l'écrivain Émile
Zola en 1898 est décisive. Il fait publier
le 13 janvier, dans le journal L'Aurore, une
lettre ouverte au président de la
République, Félix Faure, pour
dénoncer le complot contre Dreyfus. Les
Républicains, partisans du capitaine,
surnommés les Dreyfusards, se mobilisent
dans la France entière pour faire triompher
la vérité et les valeurs du
régime face aux attaques de ses adversaires.
Faire accepter le régime républicain,
c'est convaincre du bien-fondé de ses
valeurs. Ces valeurs sont celles
héritées de la Révolution
française de 1789 : la
défense des libertés fondamentales
occupe une place centrale. Elles sont d'ailleurs au
centre des préoccupations durant l'affaire
Dreyfus.
Il s'agit de défendre la liberté
individuelle affirmée par la
Déclaration des droits de l'Homme et du
Citoyen, la liberté d'expression et
l'égalité en particulier devant
la loi. Ces valeurs sont l'enjeu du procès
de Dreyfus et la raison de l'engagement de Zola qui
cherche à les défendre. Plus
largement, les Républicains cherchent
à faire triompher les principes de
justice, du progrès et de la raison qui
doivent guider une nation résolument
tournée vers l'avenir.
L'exaltation de la nation chez ces
Républicains s'opère dans cette
perspective d'imposer ces valeurs à
l'échelle des continents et des peuples.
La communion de la nation autour des valeurs et des
principes républicains est facilitée
par la création de symboles
permettant d'incarner aux yeux de tous ce qui fait
le socle du régime.
La période glorieuse de la Révolution
est retrouvée avec l'adoption de la
Marseillaise comme hymne national. Celle-ci
avait été interdite après 1815
;
La fête nationale du 14 juillet, la
confirmation du drapeau tricolore comme
symboles de la nation confirment cet ancrage du
régime dans ce passé
révolutionnaire ;
Il en est de même pour Marianne,
emblème de la République en 1792, qui
devient la figure du régime. Coiffée
du bonnet phrygien, elle incarne à
travers de nombreuses allégories cette
République triomphante. Ses bustes
sculptés commencent à
apparaître dans les mairies après 1877
en remplacement des bustes de Napoléon III.
On la retrouve également au quotidien
à travers les pièces de monnaie ou
encore sur les timbres ;
Les valeurs du régime s'exaltent
également à travers l'art, par le
biais de sculptures monumentales, telle
celle réalisée par Jules
Dalou, Le Triomphe de la
République, qui trône place de la
Nation. Elle contribue à la
célébration du centenaire de la
Révolution en 1889 et symbolise
l'unité républicaine retrouvée
après l'épisode de la crise
boulangiste.
Pour rallier la population à la République, à ses valeurs, l'édification de symboles seuls ne suffit pas. Il convient également de convaincre ses opposants, de satisfaire tout en forgeant les esprits à l'idéologie républicaine.
Les libertés fondamentales sont
assurées par des lois qui garantissent le
régime démocratique. En 1881, la loi
autorise la liberté de réunion ainsi
que la liberté de la presse qui garantissent
l'expression de tous.
Les ouvriers peuvent ainsi s'organiser par le biais
de syndicats qui sont autorisés par
la loi de 1884.
Le régime cherche également à
satisfaire le monde paysan. Des lois sont ainsi
édictées pour garantir les prix
agricoles et protéger les agriculteurs de la
crise. Les catégories populaires sont
progressivement conquises par un régime qui
se montre soucieux de la cohésion
sociale.
L'école républicaine va construire
le ciment idéologique indispensable au
régime. Les lois de 1881-1882
proposées par Jules Ferry, chef du
gouvernement de 1879 à 1885, instaurent
l'école gratuite, obligatoire et
laïque. Les programmes sont conçus
pour forger les jeunes Français aux valeurs
et principes de cette République.
L'instruction morale et civique, l'histoire, la
géographie sont au service d'une nation
glorifiée. Les instituteurs, formés
dans les écoles normales présentes
dans chaque département, sont les
hussards noirs du régime. Ils sont,
à l'image des soldats napoléoniens,
les garants de la transmission de ces valeurs.
Sur cette reconstitution d’une salle de
classe de l’époque, l'instituteur,
à côté de son bureau, interroge
un élève au tableau noir. Inscrite
sur un autre tableau, sous le drapeau tricolore et
la Marianne de la République
Française, une sentence de Victor Hugo,
illustrant la leçon de morale : «
Chaque enfant qu'on instruit est un homme qu'on
gagne ».
L'école permet également une
ascension sociale : les jeunes qui en sortent
accèdent à des métiers qui
leurs offrent une réelle promotion. Ils en
sont obligatoirement redevables au régime et
le soutiennent.
Cette école exalte enfin le sentiment
patriotique. En parallèle du service
militaire de trois ans créé par la
loi de 1889, elle entretient l'idée de
grandeur à la nation, de dévouement
au pays qui expliqueront l'engagement sans faille
de ses futurs soldats dans la guerre contre
l'Allemagne en 1914.
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