Kant
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Emmanuel Kant est
né le 22 avril 1724 à Königsberg,
port fluvial situé au Nord de la Prusse
orientale. Il demeurera toute sa vie dans sa ville de
naissance.
Il était de famille fort modeste, comptant onze
enfants (il était le quatrième). Son
père, artisan sellier, fut un modèle
d’honnêteté et de sérieux. Sa
mère, très pieuse, lui inculqua les
principes de la religion piétiste –
tendance du protestantisme insistant sur
l’intériorité spirituelle et la
sincérité morale.
Kant gardera un
souvenir admiratif de cette éducation
axée sur la foi du cœur et l’horreur
du mensonge ; il aura pour sa mère une profonde
reconnaissance. Son œuvre philosophique ne
cessera d’insister sur la dimension intime et
libre de l’engagement moral.
A partir de 1732, il effectue ses études au
collège de sa ville natale. Il acquiert une
formation classique et approfondit sa culture
religieuse. En 1740 il s’inscrit à
l’université : il suit des cours de
philosophie et des cours de sciences
(mathématiques et sciences physiques).
La mort de son père, en 1746, le contraint
à interrompre ses études : il quitte
alors l’université et, pendant huit ans,
exerce la fonction de précepteur dans diverses
familles nobles de Könisberg.
En 1747, il publie son premier écrit,
Pensées sur la véritable
évaluation des forces vives, dans lequel il
met en œuvre tant ses connaissances
philosophiques que ses connaissances scientifiques - la
physique de Newton y occupe une grande place.
En 1755, nommé privat-docent, il rejoint
l’université : cette fonction
l’amène à donner des cours
rétribués par les étudiants
eux-mêmes. Il donne des cours de philosophie, de
sciences, de géographie et de théologie.
Cette même année il publie son
deuxième ouvrage, Histoire naturelle de la
nature et théorie du ciel. L’influence
de Newton est
évidente.
En 1770 il est nommé professeur de logique et de
métaphysique à l’université.
Il rédige pour son habilitation un ouvrage
annonçant les grandes orientations de sa
philosophie : La dissertation de 1770.
Il poursuivra jusqu’en 1797 un enseignement
très diversifié, comprenant
mathématiques, logique, géographie,
physique, métaphysique, pédagogie et
théologie. Il connaîtra la gloire et la
consécration : il sera recteur de
l’université de 1786 à 1788, puis
doyen en 1792.
Les grands ouvrages de Kant, témoignant de son
originalité philosophique, paraîtront de
1781 à 1790. Trois œuvres majeures, en
effet, scandent cette période très
créatrice :
- La Critique de la raison pure (1781)
- La Critique de la raison pratique (1788)
- La Critique du jugement (1790)
Ses trois œuvres mettent en place une nouvelle
manière de considérer la puissance de la
raison humaine et, par voie de conséquence, une
nouvelle conception des rapports existant entre la
philosophie et la science.
Kant met en cause les
certitudes de la métaphysique traditionnelle,
léguées par Platon, transmises de
siècle en siècle, et présentes
chez des philosophes comme Descartes et Leibniz au 17ème
siècle.
Il conteste notamment la prétention de la
philosophie à se constituer comme science. Il
différencie ainsi très nettement raison
philosophique et raison scientifique.
En 1797, Kant,
soucieux de préserver sa santé (qui a
toujours été fragile) quitte
l’enseignement. Il continue ses travaux
philosophiques jusqu’en 1800.
Il n’aura quasiment jamais quitté sa ville
natale et aura mené une existence
régulière, entièrement
dévouée à la recherche
intellectuelle. Il vit seul et ne fonde pas de famille.
Toutefois cette solitude n’empêche
nullement la sociabilité : Kant aime les douceurs de la vie
mondaine et apprécie beaucoup le commerce des
hommes. Sa table est ouverte ; chaque jour il
dîne en compagnie et s’entretient des
affaires du monde avec des convives venant de tous les
horizons.
Il meurt le 12 Février 1804 à près
de quatre vingt ans. Son corps sera inhumé dans
la crypte de la chapelle de l’université
de Könisberg.
La métaphysique issue du platonisme
prétendait élaborer un savoir certain,
ayant le statut de science : l’âme humaine,
à condition d’être bien
guidée par la raison, serait en mesure de saisir
les essences des réalités
existantes.Grâce à cette saisie des
essences il serait possible d’édifier une
connaissance absolue, c’est–à-dire
pure de toute attache à
l’expérience sensible (voir la fiche sur
Platon).
Dans La Critique de la raison pure, Kant conteste cette
prétention de la raison : le sujet humain ne
peut connaître les choses « en soi »,
telles qu’elles sont essentiellement par
elles-mêmes, en dehors de leurs apparences
sensibles. La connaissance des essences est
vouée à l’échec, la raison
humaine ne peut saisir l’absolu.
Kant examine
l’esprit humain et circonscrit strictement les
limites de son pouvoir. Cet examen, mené de
manière rigoureuse et systématique,
mène à la conclusion suivante :
l’être humain aspire à
connaître l’absolu, mais cette aspiration
inévitable ne débouche sur aucune
connaissance véritable et ne donne lieu
qu’à des théories diverses et
contradictoires. La métaphysique, à
l’inverse de la physique (fondée par
Copernic et
Galilée, puis
parachevée par Newton) n’augmente pas le
savoir humain et n’a aucune valeur
scientifique.
De manière générale, quel que
soit le domaine étudié,
l’édification du savoir scientifique exige
que l’esprit humain se rapporte à
l’expérience sensible.
Toutefois ce rapport nécessaire ne signifie
nullement que la connaissance dérive
entièrement de l’expérience : il y
a, au sein de l’esprit humain,
précédant toute expérience
effective, de grands cadres formels – ce que Kant
appelle « formes a priori » -
structurant l’ensemble des données de la
perception.
Ainsi la matière fournie par
l’expérience sensible est organisée
conjointement par deux facultés de
l’esprit, chacune disposant de grands cadres
formels organisateurs :
- d’une part la sensibilité : elle
impose aux impressions sensibles les formes a
priori de l’espace et du temps. Ainsi le
temps et l’espace ne sont pas des qualités
constitutives des choses mais proviennent de
l’esprit même du sujet humain.
- d’autre part l’entendement : il a
le pouvoir de synthétiser et d’unifier les
données de la perception, grâce à
des formes a priori que Kant nomme «
catégories » : ces grands cadres formels
classent et organisent la diversité des
impressions sensibles.
La connaissance se constitue lorsque
l’entendement se rapporte aux données de
l’expérience.
Mais lorsque l’entendement se laisse
séduire par l’aspiration de la raison
à saisir l’absolu, il se détourne
de sa fonction : il ne se rapporte plus à
l’expérience et se montre impuissant
à édifier une quelconque connaissance.
Alors se construisent des doctrines
métaphysiques, qui, parce qu’elles sont
détachées des données sensibles,
ne constituent que de simples systèmes de
pensées, mettant en évidence diverses
conceptions du monde, de l’âme, et de
Dieu.
Kant ne nie pas
l’intérêt de la métaphysique
mais entend montrer sa non valeur scientifique. Il
pose ainsi la distinction entre
«connaître», fonction de
l’entendement, et «penser», fonction
de la raison : la science fonde des connaissances, la
métaphysique construit des systèmes de
pensée. Il n’est pas possible
d’unifier le champ scientifique et le champ
métaphysique : le projet cher à
Platon, et poursuivi
encore par Descartes,
n’est pas tenable.
Si l’absolu n’a pas lieu d’être
dans le domaine scientifique il ne perd pas pour autant
sa valeur dans le domaine de l’existence :
l’être humain ne saurait se priver
d’une telle référence s’il
veut transcender sa vie animale et
s’élever au-delà des
régulations matérielles propres à
sa dimension biologique.
Ainsi l’exigence d’absolu,
prônée par la raison, prend toute sa
valeur dans le domaine de l’action morale :
il a valeur d’idéal réglant les
conduites humaines, il oblige à surmonter les
déterminations de la réalité
concrète (déterminations
éprouvées quotidiennement par les hommes
et ressenties comme obstacles à leur
liberté).
Kant, dans La
Critique de la raison pratique, s’attache
à montrer la puissance de liberté dont
l’être humain dispose, à
condition qu’il se dégage des
déterminations du monde matériel
(aussi bien des phénomènes naturels que
des intérêts affectifs et passionnels) :
l’être humain, par la seule
«causalité» de sa volonté -
volonté éclairée par la raison et
libérée des désirs sensibles -
peut inaugurer des actions nouvelles et
imprévisibles.
La raison «pure», qui s’est
montrée inopérante dans le domaine de la
connaissance, a donc une portée effective dans
le domaine pratique : elle est source de
liberté. Ainsi Kant signale que l’homme
n’est pas seulement
«pathologiquement» déterminé
(«patho» : mot grec signifiant passion
éprouvée, affection ressentie), en tant
qu’être sensible, mais est aussi un
être rationnel (Kant dit aussi
«intelligible») : cet être rationnel
peut et doit mettre en évidence, dans le monde
matériel et historique, la puissance de sa
volonté libre.
L’action morale inscrit dans la
réalité l’idéal
d’absolu prôné par la
raison : même si l’homme
n’est pas en mesure d’atteindre cet
idéal au cours de son existence (bornée
et finie), il peut toutefois le prendre comme but
à atteindre et s’en rapprocher par un
perfectionnement de sa conduite.
Ce perfectionnement peut dépasser le cadre
d’une seule vie humaine et passer de
génération en génération :
en ce sens l’espèce humaine se
détache radicalement des autres espèces
animales, par sa puissance de progrès.
L’homme, sujet pensant doté de
conscience de soi, n’est pas un simple organisme
matériel, soumis à des régulations
physiques, mais est une personne dotée de
dignité, de nature spirituelle, se donnant des
fins (ou buts) à accomplir dans le monde naturel
et historique : en ce sens l’homme est un
être culturel produisant sans cesse ses
conditions d’existence.
Dans l’ouvrage Réflexions sur
l’éducation, rédigé vers
les années 1788/90, Kant montre que l’être
humain, grâce à
l’intériorisation des obligations morales,
se dégage de la nature animale : «la
discipline transforme l’animalité en
humanité». La discipline n’est autre
que l’éducation fondée sur la
raison et la volonté : l’homme peut et
doit maîtriser ses inclinations sensibles.
Dans cet ouvrage Kant,
très marqué par la lecture de
Rousseau
(L’Emile a été publié
en 1762), insiste sur l’autonomie de
l’homme, être moral et rationnel .
Kant n’a de cesse
d’insister sur ce qui sépare
«infiniment» l’homme, sujet conscient et
personne morale, de l’animal, être instinctif,
soumis à des régulations biologiques.
Mais l’homme doit conquérir sa
liberté : dans le monde historique, notamment,
il doit inscrire des buts à atteindre –
idéaux mettant en évidence une puissance de
progrès liée à l’action
persistante de la volonté éclairée par
la raison.
En ce sens l’homme est un être
essentiellement responsable : il a la puissance
d’instaurer, grâce à des idéaux
dynamisant l’action, des formes d’existence
porteuses de liberté - tant dans la vie
privée que dans la vie politique.
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