Imaginer, est-ce nier la réalité ?
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« Pour qu'une conscience puisse imager : il faut qu'elle ait la possibilité de poser une thèse d'irréalité […] Il ne s'agit point pour la conscience de cesser d'être conscience de quelque chose, […] une conscience qui cesserait d'être conscience de quelque chose cesserait par là même d'exister. Mais la conscience doit pouvoir former et poser des objets affectés d'un certain caractère de néant par rapport à la totalité du réel. On se rappelle en effet que l'objet imaginaire peut être posé comme inexistant ou comme absent ou comme existant ailleurs ou ne pas être posé comme existant. » |
J.-P. Sartre, L'Imaginaire, Paris, Éd. Gallimard, coll. Idées, 1966, p. 351 |
L’imagination est la faculté de former et de combiner des images. Si j’imagine, je mets à distance la réalité, je m’en détache. Mais ce détachement, cette mise à distance du réel impliquent-ils une véritable négation du réel ? Tout dépendrait en fait de la conception que nous nous faisons de la réalité, de ce qu’elle signifie pour nous. La réalité peut être une source d’inspiration, cela même à partir de quoi nous pouvons construire une nouvelle réalité. L’imagination à ce titre est liée à l’inspiration et à la créativité. En ce sens, la réalité elle-même n’est pas figée, donnée une fois pour toutes. Elle est constituée par ce que les hommes font, par ce qu’ils construisent, élaborent. La négation de la réalité produit une autre réalité. La réalité est un produit humain, malléable, changeant. Mais elle peut être définie d’une autre manière : elle ne renverrait plus à ce que nous percevons ou à ce qui nous permet d’imaginer et d’inventer, mais au contraire ce à quoi nous devons échapper pour espérer une existence meilleure. En ce sens, imaginer c’est fuir la réalité, voire mener une vie parallèle. Vouloir échapper à la réalité, c’est vouloir une autre vie ; imaginer, c’est rêver. Le rêveur, dit-on, « n’a pas les pieds sur terre ».
L’imagination, à la différence de la perception, permet de nous détacher de cette réalité. C’est parce que nous sommes doués d’imagination que nous ne percevons pas tous les mêmes choses. Aucun peintre, par exemple, ne peint les mêmes tournesols, et pourtant le champ de tournesols correspond bel et bien à une seule et même réalité. En voulant reproduire une même réalité donnée, les peintres ne restituent pas la même réalité. En ce sens, on peut parler de « négation de la réalité », effectuée principalement par l’imagination de celui qui la perçoit. On n’imagine rien du tout lorsqu’on accepte la réalité telle qu’elle est. Une personne que l’on dit « réaliste » est celle qui tient avant tout compte des données réelles pour porter un jugement sur ce qui l’entoure ; elle aurait en outre la faculté de « voir les choses telles qu’elles sont », et non celle de les imaginer autres.
Il faut toutefois insister davantage sur la valeur que nous accordons à cette réalité : pour Platon, la réalité est synonyme de « vérité » ; seul ce qui est réel est vrai. Nier la réalité, dans ce cas, équivaut à nier la vérité, et donc à vivre dans l’illusion et le mensonge. Imaginer, toujours selon Platon, c’est « imager », c’est produire des images, en faisant croire que les images de la réalité correspondent à la réalité elle-même.
Imaginer, pour nous aujourd’hui, ce n’est pas, comme pour Platon, la faculté de former des images, par rapport à une réalité donnée ; imaginer c’est au contraire pouvoir nier cette prétendue réalité, la seule que connaissent les prisonniers de la caverne platonicienne. S’ils avaient un peu d’imagination, ils pourraient croire au témoignage de leur camarade libéré, qui a pu voir ce que les autres ne voient pas. Mais ils ne le conçoivent pas. La réalité ne peut être autre que celle à laquelle ils ont été habitués. Accepter une autre réalité comme telle, ce serait admettre que leur existence s’est établie sur l’erreur et sur le mensonge.
Si, en effet, nous croyons que nous sommes liés au réel, à ce qui existe, se trouvent abolis notre esprit critique et en même temps notre liberté d’agir et de penser. C’est parce que nous sommes capables de nier une réalité donnée que nous pouvons la transformer. La négation du réel appartient par conséquent, dans certains cas, au registre de la morale, donc au registre du bien et du mal.
On doit donc insister sur le terme même de « négation » : nier véritablement le réel, sur un mode authentique et non artificiel, c’est l’affronter, c’est lui imprimer notre marque. Tout dépend de notre attitude, passive ou active, à l’égard du réel. La négation est à ce titre une faculté d’opposition, de contradiction et d’affirmation de soi. Si imaginer, c’est nier le réel en l’affrontant, alors l’imagination est fondamentalement ce qui permet à l’homme d’être libre. Au moyen de mon imagination, je cesse d’être assujetti au réel. Sartre conçoit le pouvoir de l’imagination sur ce mode : « L’imagination n’est pas un pouvoir empirique et surajouté de la conscience, c’est la conscience tout entière en tant qu’elle réalise sa liberté ; toute situation concrète et réelle de la conscience dans le monde est grosse d’imaginaire en tant qu’elle se présente toujours comme un dépassement du réel. (…) Le réel est produit hors du monde par une conscience qui reste dans le monde et c’est parce qu’il est transcendentalement libre que l’homme imagine » (L’imaginaire). Montrant que la mise à distance de la réalité est directement liée à notre liberté, Sartre prouve que la réalité est porteuse du dépassement de cette réalité par notre conscience.
Le regard sur le réel, tout en demeurant toujours subjectif, est donc une composition à part entière. S’inspirant de situations vécues, certains romanciers n’en ont donc pas moins recours à l’imagination, qui s’exerce à travers la perception qu’ils ont du réel.
On pourrait faire le même type de remarque concernant la photographie, fortement critiquée d’ailleurs, lorsqu’elle a fait son apparition (officiellement en 1839), pour la raison principale qu’elle risquait de faire disparaître la peinture. En outre, il semblait véritablement impossible d’établir une comparaison entre le labeur du peintre et le simple geste du photographe qui appuie sur un bouton. Un photographe, disait-on, ne faisait que « photocopier » le réel. Cartier-Bresson, Doisneau ou Willy Ronis, photographes français nés dans les dix premières années du 20e siècle, ont contribué à faire de la photographie un art à part entière. Le choix de certains paramètres (choix du support technique, du cadrage, des couleurs – ou de l’absence de couleur -, de la lumière, mais aussi, évidemment, d’un sujet, d’une situation) peuvent faire d’une photographie une œuvre exceptionnelle offrant un vrai regard sur le monde.
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