Gargantua : Chapitre 29, lettre de Pantagruel à son fils, pages 235-237.
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Gargantua fait suite au premier récit de Rabelais : Pantagruel alors que le héros éponyme est le fils de Gargantua. Il relate l’enfance du géant, de sa naissance à son accomplissement intellectuel, moral et guerrier.
Présentation de l'extrait : Dans cet extrait, le père de Gargantua (Grandgousier) appelle son fils à la rescousse parce qu’il est assailli par les troupes du roi Picrochole, épris de conquête. Gargantua se trouve à Paris pour parfaire son éducation humaniste et est devenu un honnête homme et un guerrier accompli. Il est temps pour lui de faire montre de ses savoirs.
Doc. 1. Picrochole, illustration de Jules Garnier 1897 |
Axe de lecture : Dans quelle mesure cette lettre est-elle un autre moyen d’éclairer la pensée humaniste ?
- L’émetteur qui signe la lettre mentionne le lien affectif « ton père » suivi de sa dénomination précise « Grandgousier ». Il utilise la première personne pour légitimer son intervention sous forme de regret. Le locuteur est discret et subit la contrainte comme le marquent l’emploi du conditionnel « aurait requis » et le subjonctif imparfait « que je n’eusse pas à » à valeur d’irréel et teintés de regret.
L'émetteur est présent dans l’urgence de la communication. En effet, il témoigne d'un élément perturbateur qui repose sur sa déconvenue face à la contradiction de la situation : « je sois inquiété par ceux sur qui je me reposais le plus ». L’inquiétude est exprimée au superlatif plaçant le sujet dans une position paradoxale de solitude (opposition entre je et ceux). De même l’expression métonymique du sujet « la quiétude de ma vieillesse » le positionne comme démuni naturellement par l’âge et atteint de facto dans l’honneur comme le connote le verbe « abuser ».
- Le récepteur est ancré dans la situation d’énonciation puisque présenté au moment concomitant de la lettre (mentionné dans la date de la signature) dans un processus long d’étude, d’où l’utilisation du mot « loisir » qui a une connotation durative et euphémistique (qui atténue la réalité) ; la mention à deux reprises du caractère fervent d’une éducation « studieusement philosophique ».
- Le caractère privé de la lettre se lit dans l’expression d’une complicité entre père et fils, englobés dans pronom « nous » et le possessif « nos ». Le couple s’inscrit dans une histoire commune, d’un royaume commun : celle d’un pacte d’amitié bafoué comme le souligne l’opposition sémantique entre le groupe nominal « nos amis et alliés de longue date » (insistance sur le lien affectif avant le pacte officiel et sur la durée d’un attachement) et le verbe de trahison « abusé ».
• Elle développe la thématique de la sagesse des anciens
Une thématique développée dans un style ample et ampoulé, en contradiction avec le personnage dont on sait au chapitre précédent qu’ « il se chauffe les couilles à beau grand feu clair » en « racontant … de beaux contes du temps jadis » (page 233).
Le ton familier se colore d’une parole plus solennelle au moment d’écrire l’objet de la lettre en développant dans une infinitive circonstancielle de but : le secours. Le cas exceptionnel de force majeure dégage le roi de toute culpabilité de père interrompant les études du fils, car présenté comme la seule issue « force m’est de te rappeler ».
• Elle devient symbole de passation de pouvoir
Par le truchement des pronoms des première et deuxième personnes, le père délègue sa fonction en rappelant au prince sa mission de protection (« force m’est de te rappeler… qui te sont confiés » = la passation de la mission du roi au prince au passif, avec un pronom « te » en fonction de complément d’objet l’instaure comme une évidence, une conséquence naturelle).
• La lettre rappelle la fonction éthique et humaniste du roi
La lettre présente le roi dans le rôle de protection de son peuple (« dans tes mains » = le complément sous-tend une volonté pédagogique de responsabiliser noblement le représentant), dans son sentiment de nation (« les gens et les biens ») en légitimant ce sentiment « par droit naturel ».
• Le parallélisme logique confère une certaine autorité
Une autorité possible par un balancement syntaxique rigoureux (« de même que… de même que… ») Le père légitime sa position et décision d’affronter le conflit (ce qui rappelle la pensée d’Erasme) comme il induit l’utilité d’une éducation à parfaire et à mettre en œuvre lorsqu’il est temps. Il légitime ainsi sa décision.
D’où l’opposition très nette entre le lexique de la vanité « inefficaces-vaines-inutile » et celui de la réalisation « volonté-exécution-conduites-accomplissement ». Dans une structure très balancée, le père en bon pédagogue justifie l’abandon de la passivité face à l’attaque, comme celui de l’étude studieuse pour l’action.
• L’antithèse, un exercice formel incontournable dans la rhétorique antique
L’auteur développe son projet en deux temps opposés, ce qu’il refuse et à quoi il aspire, dans une série de propositions infinitives syntaxiquement parallèles. Ainsi le fait de préciser ce qu’il refuse avant de définir son intention met en accent par effet d’attente, la seconde partie antithétique de chaque proposition, mettant en valeur ainsi son pacifisme.
S’opposent alors deux attitudes antithétiques : la provocation guerrière et la mesure pacifique, incarnées par deux rois fondamentalement différents.
- Le dédouanement de la provocation belliqueuse : « provoquer-attaquer-conquérir » dont les verbes miment l’intention allant crescendo dans l’agression, de la bravade à la spoliation.
- L’expression d’un idéal pacifiste convoqué par les verbes « apaiser-défendre-garder » bien que l’issue soit inévitablement la guerre.
• La rhétorique est au service d'une accusation sans appel par :
- l’utilisation du registre pathétique pour désigner la victime. Le pathétique naît de l’insistance sur la notion de propriété spoliée (« mes loyaux sujets et mes terres héréditaires » = l’adjectif loyaux mentionne un lien affectif gagné par respect et obligation morale ; l’adjectif héréditaires présente l’acquisition du royaume comme droit naturel).
- l’absence de toute justification possible pour l’ennemi dans une tournure répétitive d’accentuation « sans cause ni raison ».
- la prédominance du lexique de la démesure s’opposant en évidence avec la position pondérée d’un roi qui sait la mesure : « entreprise démente-excès intolérables » (les adjectifs participent du thème de la folie, « démente » signifiant la perte de la capacité de raison et de l’immoralité, « intolérables » dénonçant l’impossibilité d’une justification morale). La démesure est accentuée par une attitude entêtée que souligne le présent d’habitude surenchéri par le complément de temps à valeur répétitive « poursuit chaque jour ».
La lettre permet l’expression d’une mission dont il s’investit « se mettre en devoir de » qui va de la tentative de dialogue (« modérer-ambassades amiables pour comprendre » le dialogue est depuis l’antiquité garant de sagesse parce qu’il passe par la réflexion critique) à l’achat de la paix à tout prix comme le sous-entend le verbe « offrir tout ce que je pensais susceptible de… ». L’investissement de Grandgousier est avant tout d’ordre intellectuel : il veut « comprendre » (maître mot de la philosophie humaniste).
• Réfléchir sur le libre arbitre de l’homme
Le libre arbitre de l'homme est inspiré par la grâce divine et donc poussé à agir vers le bien. Grandgousier établit un lien entre le mal et l'abandon de Dieu : la spoliation d’un bien (« prétention » sous-entend réclamer un soi-disant dû qui ne l’est pas), le sentiment négatif de « défiance » (mis en valeur par la tournure restrictive exclusive « d’autre réponse que… ») son signe d'un abandon. D’où la conséquence de l’aveuglement (l’exclusivité du regard se porte « sur (l)es terres » ainsi que sur la notion égocentrique de propriété privée exprimée par les possessifs « son libre arbitre… sa raison privée »).
• Guider vers la réflexion et le sens du devoir
L’humaniste est investi d’une mission divine qui n’est pas de donner acte de l’existence de Dieu mais le sentiment du devoir et d’un retour sur sa fonction ; et l’exercice de son esprit critique sans céder aux pulsions.
L’auteur reprend le fil de la lettre privée en renouant avec l’affectif « mon fils bien-aimé ». La reprise de la narration se manifeste par :
- l’anticipation de la narration à venir avec un futur programmatique « tu auras lu … Le résultat sera atteint avec la moindre effusion de sang possible- sauverons-renverrons … en ses demeures ». Le narrateur insère cette lettre dans le schéma narratif avec une fonction d’anticipation, comme l’annonce au préalable de l’issue de la guerre : il mentionne l’utilisation de ruses « des moyens plus efficaces, des pièges et ruses » dont il sera question au banquet de Grandgousier et le retour des vaincus dans leurs terres ce qui se réalisera grâce à la clémence des monarques.
- l’expression de l’autorité paternelle avec des ordres formulés directement « reviens pour secourir »
- le rappel et l’apprentissage pédagogique de son devoir de monarque « tu dois faire naturellement-pour le droit »
• La clôture de la lettre
La formule de politesse qui termine la lettre est un classique de la rhétorique épistolaire cicéronienne, plaçant le destinataire sous la protection du Christ rédempteur, donc capable de pardon.
De surcroit, les derniers mots réintroduisent la trame narrative en mentionnant les proches de Gargantua qui vont jouer un rôle prépondérant dans les guerres picrocholines. Du style ampoulé, le style rabelaisien revient en force avec l’improbabilité des noms et leur force de suggestion onomastique : « Ponocrates (travailleur infatigable), Gymnaste (entraîneur), Eudemon (le bienheureux) » et « Grandgousier ».
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