Fiche de cours

Gargantua : Chapitre 29, lettre de Pantagruel à son fils, pages 235-237.

Lycée   >   Seconde, Premiere, Terminale, Première STMG   >   Français   >   Gargantua : Chapitre 29, lettre de Pantagruel à son fils, pages 235-237.

  • Fiche de cours
  • Quiz et exercices
  • Vidéos et podcasts
Objectifs :
Lire une lettre de manière analytique, y découvrir derrière une apparence familière la promotion de la pensée humaniste.
Les citations et pages font référence à l’édition : François Rabelais, Gargantua, texte original et translation en français moderne par Guy Demerson, Edition Seuil, Collection Points.

Gargantua fait suite au premier récit de Rabelais : Pantagruel alors que le héros éponyme est le fils de Gargantua. Il relate l’enfance du géant, de sa naissance à son accomplissement intellectuel, moral et guerrier.

Présentation de l'extrait : Dans cet extrait, le père de Gargantua (Grandgousier) appelle son fils à la rescousse parce qu’il est assailli par les troupes du roi Picrochole, épris de conquête. Gargantua se trouve à Paris pour parfaire son éducation humaniste et est devenu un honnête homme et un guerrier accompli. Il est temps pour lui de faire montre de ses savoirs.

Doc. 1. Picrochole, illustration de Jules Garnier 1897


Axe de lecture : Dans quelle mesure cette lettre est-elle un autre moyen d’éclairer la pensée humaniste ?
1. L'apparence d'une lettre familière
L'étude de l'énonciation de cette écriture épistolaire tend à montrer qu'elle appartient au registre privé, comme présentant l'apparence d'une lettre familière.

- L’émetteur qui signe la lettre mentionne le lien affectif « ton père » suivi de sa dénomination précise « Grandgousier ». Il utilise la première personne pour légitimer son intervention sous forme de regret. Le locuteur est discret et subit la contrainte comme le marquent l’emploi du conditionnel « aurait requis » et le subjonctif imparfait « que je n’eusse pas à » à valeur d’irréel et teintés de regret.

L'émetteur est présent dans l’urgence de la communication. En effet, il témoigne d'un élément perturbateur qui repose sur sa déconvenue face à la contradiction de la situation : « je sois inquiété par ceux sur qui je me reposais le plus ». L’inquiétude est exprimée au superlatif plaçant le sujet dans une position paradoxale de solitude (opposition entre je et ceux). De même l’expression métonymique du sujet « la quiétude de ma vieillesse » le positionne comme démuni naturellement par l’âge et atteint de facto dans l’honneur comme le connote le verbe « abuser ».

- Le récepteur est ancré dans la situation d’énonciation puisque présenté au moment concomitant de la lettre (mentionné dans la date de la signature) dans un processus long d’étude, d’où l’utilisation du mot « loisir » qui a une connotation durative et euphémistique (qui atténue la réalité) ; la mention à deux reprises du caractère fervent d’une éducation « studieusement philosophique ».

- Le caractère privé de la lettre se lit dans l’expression d’une complicité entre père et fils
, englobés dans pronom « nous » et le possessif « nos ». Le couple s’inscrit dans une histoire commune, d’un royaume commun : celle d’un pacte d’amitié bafoué comme le souligne l’opposition sémantique entre le groupe nominal « nos amis et alliés de longue date » (insistance sur le lien affectif avant le pacte officiel et sur la durée d’un attachement) et le verbe de trahison « abusé ».
2. De l'exercice de style à l'expression de la philosophie humaniste
a. Un morceau de bravoure
La lettre privée est en réalité un morceau de bravoure : le début de la lettre commence par une tournure concessive qui dévoile l’urgence d’un cas grave, dans un vocabulaire de tragédie grecque : « un fatal destin » sous-entend une issue inexorable et funeste.

Elle développe la thématique de la sagesse des anciens
Une thématique développée dans un style ample et ampoulé, en contradiction avec le personnage dont on sait au chapitre précédent qu’ « il se chauffe les couilles à beau grand feu clair » en « racontant … de beaux contes du temps jadis » (page 233).
Le ton familier se colore d’une parole plus solennelle au moment d’écrire l’objet de la lettre en développant dans une infinitive circonstancielle de but : le secours. Le cas exceptionnel de force majeure dégage le roi de toute culpabilité de père interrompant les études du fils, car présenté comme la seule issue « force m’est de te rappeler ».

Elle devient symbole de passation de pouvoir 
Par le truchement des pronoms des première et deuxième personnes, le père délègue sa fonction en rappelant au prince sa mission de protection (« force m’est de te rappeler… qui te sont confiés » = la passation de la mission du roi au prince au passif, avec un pronom « te » en fonction de complément d’objet l’instaure comme une évidence, une conséquence naturelle).

La lettre rappelle la fonction éthique et humaniste du roi
La lettre présente le roi dans le rôle de protection de son peuple (« dans tes mains » = le complément sous-tend une volonté pédagogique de responsabiliser noblement le représentant), dans son sentiment de nation (« les gens et les biens ») en légitimant ce sentiment « par droit naturel ».
b. La rhétorique cicéronienne au service d'une cause juste
Le titre du chapitre rattache la lettre à la rhétorique latine, ne serait-ce que par l'utilisation du mot « lettres » au pluriel : c'est un latinisme (litterae désignant « missives » s'emploie exclusivement au pluriel en latin) puisque le chapitre n'en comprend qu'une.

Le parallélisme logique confère une certaine autorité
Une autorité possible par un balancement syntaxique rigoureux (« de même que… de même que… ») Le père légitime sa position et décision d’affronter le conflit (ce qui rappelle la pensée d’Erasme) comme il induit l’utilité d’une éducation à parfaire et à mettre en œuvre lorsqu’il est temps. Il légitime ainsi sa décision.

D’où l’opposition très nette entre le lexique de la vanité « inefficaces-vaines-inutile » et celui de la réalisation « volonté-exécution-conduites-accomplissement ». Dans une structure très balancée, le père en bon pédagogue justifie l’abandon de la passivité face à l’attaque, comme celui de l’étude studieuse pour l’action.

L’antithèse, un exercice formel incontournable dans la rhétorique antique
L’auteur développe son projet en deux temps opposés, ce qu’il refuse et à quoi il aspire, dans une série de propositions infinitives syntaxiquement parallèles. Ainsi le fait de préciser ce qu’il refuse avant de définir son intention met en accent par effet d’attente, la seconde partie antithétique de chaque proposition, mettant en valeur ainsi son pacifisme.
S’opposent alors deux attitudes antithétiques : la provocation guerrière et la mesure pacifique, incarnées par deux rois fondamentalement différents.

- Le dédouanement de la provocation belliqueuse : « provoquer-attaquer-conquérir » dont les verbes miment l’intention allant crescendo dans l’agression, de la bravade à la spoliation.

- L’expression d’un idéal pacifiste convoqué par les verbes « apaiser-défendre-garder » bien que l’issue soit inévitablement la guerre.

La rhétorique est au service d'une accusation sans appel par :

- l’utilisation du registre pathétique pour désigner la victime. Le pathétique naît de l’insistance sur la notion de propriété spoliée (« mes loyaux sujets et mes terres héréditaires » = l’adjectif loyaux mentionne un lien affectif gagné par respect et obligation morale ; l’adjectif héréditaires présente l’acquisition du royaume comme droit naturel).

- l’absence de toute justification possible pour l’ennemi dans une tournure répétitive d’accentuation « sans cause ni raison ».

- la prédominance du lexique de la démesure s’opposant en évidence avec la position pondérée d’un roi qui sait la mesure : « entreprise démente-excès intolérables » (les adjectifs participent du thème de la folie, « démente » signifiant la perte de la capacité de raison et de l’immoralité, « intolérables » dénonçant l’impossibilité d’une justification morale). La démesure est accentuée par une attitude entêtée que souligne le présent d’habitude surenchéri par le complément de temps à valeur répétitive « poursuit chaque jour ».
c. L'idéal humaniste
Préserver la paix à tout prix
La lettre permet l’expression d’une mission dont il s’investit « se mettre en devoir de » qui va de la tentative de dialogue (« modérer-ambassades amiables pour comprendre » le dialogue est depuis l’antiquité garant de sagesse parce qu’il passe par la réflexion critique) à l’achat de la paix à tout prix comme le sous-entend le verbe « offrir tout ce que je pensais susceptible de… ». L’investissement de Grandgousier est avant tout d’ordre intellectuel : il veut « comprendre » (maître mot de la philosophie humaniste).

Réfléchir sur le libre arbitre de l’homme
Le libre arbitre de l'homme est inspiré par la grâce divine et donc poussé à agir vers le bien. Grandgousier établit un lien entre le mal et l'abandon de Dieu : la spoliation d’un bien (« prétention » sous-entend réclamer un soi-disant dû qui ne l’est pas), le sentiment négatif de « défiance » (mis en valeur par la tournure restrictive exclusive « d’autre réponse que… ») son signe d'un abandon. D’où la conséquence de l’aveuglement (l’exclusivité du regard se porte « sur (l)es terres » ainsi que sur la notion égocentrique de propriété privée exprimée par les possessifs « son libre arbitre… sa raison privée »).

Guider vers la réflexion et le sens du devoir

L’humaniste est investi d’une mission divine qui n’est pas de donner acte de l’existence de Dieu mais le sentiment du devoir et d’un retour sur sa fonction ; et l’exercice de son esprit critique sans céder aux pulsions.
3. La clôture de la lettre : entre formalisme cicéronien et reprise du fil narratif
L’adresse du père au fils 
L’auteur reprend le fil de la lettre privée en renouant avec l’affectif « mon fils bien-aimé ». La reprise de la narration se manifeste par :

- l’anticipation de la narration à venir avec un futur programmatique « tu auras lu … Le résultat sera atteint avec la moindre effusion de sang possible- sauverons-renverrons … en ses demeures ». Le narrateur insère cette lettre dans le schéma narratif avec une fonction d’anticipation, comme l’annonce au préalable de l’issue de la guerre : il mentionne l’utilisation de ruses « des moyens plus efficaces, des pièges et ruses » dont il sera question au banquet de Grandgousier et le retour des vaincus dans leurs terres ce qui se réalisera grâce à la clémence des monarques.

- l’expression de l’autorité paternelle avec des ordres formulés directement « reviens pour secourir »

- le rappel et l’apprentissage pédagogique de son devoir de monarque « tu dois faire naturellement-pour le droit »

La clôture de la lettre 
La formule de politesse qui termine la lettre est un classique de la rhétorique épistolaire cicéronienne, plaçant le destinataire sous la protection du Christ rédempteur, donc capable de pardon.

De surcroit, les derniers mots réintroduisent la trame narrative en mentionnant les proches de Gargantua qui vont jouer un rôle prépondérant dans les guerres picrocholines. Du style ampoulé, le style rabelaisien revient en force avec l’improbabilité des noms et leur force de suggestion onomastique : « Ponocrates (travailleur infatigable), Gymnaste (entraîneur), Eudemon (le bienheureux) » et « Grandgousier ».
L'essentiel
Cette lettre est tout originale en ce qu’elle mêle un discours privé à un morceau de bravoure humaniste. Entre l’ancrage dans le récit et leçon d’humanisme, le texte hésite du style le plus grave à la légèreté rabelaisienne pour finalement ouvrir sur le récit des guerres picrocholines…

Évalue ce cours !

 

Des quiz et exercices pour mieux assimiler sa leçon

La plateforme de soutien scolaire en ligne myMaxicours propose des quiz et exercices en accompagnement de chaque fiche de cours. Les exercices permettent de vérifier si la leçon est bien comprise ou s’il reste encore des notions à revoir.

S’abonner

 

Des exercices variés pour ne pas s’ennuyer

Les exercices se déclinent sous toutes leurs formes sur myMaxicours ! Selon la matière et la classe étudiées, retrouvez des dictées, des mots à relier ou encore des phrases à compléter, mais aussi des textes à trous et bien d’autres formats !

Dans les classes de primaire, l’accent est mis sur des exercices illustrés très ludiques pour motiver les plus jeunes.

S’abonner

 

Des quiz pour une évaluation en direct

Les quiz et exercices permettent d’avoir un retour immédiat sur la bonne compréhension du cours. Une fois toutes les réponses communiquées, le résultat s’affiche à l’écran et permet à l’élève de se situer immédiatement.

myMaxicours offre des solutions efficaces de révision grâce aux fiches de cours et aux exercices associés. L’élève se rassure pour le prochain examen en testant ses connaissances au préalable.

S’abonner

Des vidéos et des podcasts pour apprendre différemment

Certains élèves ont une mémoire visuelle quand d’autres ont plutôt une mémoire auditive. myMaxicours s’adapte à tous les enfants et adolescents pour leur proposer un apprentissage serein et efficace.

Découvrez de nombreuses vidéos et podcasts en complément des fiches de cours et des exercices pour une année scolaire au top !

S’abonner

 

Des podcasts pour les révisions

La plateforme de soutien scolaire en ligne myMaxicours propose des podcasts de révision pour toutes les classes à examen : troisième, première et terminale.

Les ados peuvent écouter les différents cours afin de mieux les mémoriser en préparation de leurs examens. Des fiches de cours de différentes matières sont disponibles en podcasts ainsi qu’une préparation au grand oral avec de nombreux conseils pratiques.

S’abonner

 

Des vidéos de cours pour comprendre en image

Des vidéos de cours illustrent les notions principales à retenir et complètent les fiches de cours. De quoi réviser sa prochaine évaluation ou son prochain examen en toute confiance !

S’abonner

Découvrez le soutien scolaire en ligne avec myMaxicours

Plongez dans l'univers de myMaxicours et découvrez une approche innovante du soutien scolaire en ligne, conçue pour captiver et éduquer les élèves de CP à la terminale. Notre plateforme se distingue par une riche sélection de contenus interactifs et ludiques, élaborés pour stimuler la concentration et la motivation à travers des parcours d'apprentissage adaptés à chaque tranche d'âge. Chez myMaxicours, nous croyons en une éducation où chaque élève trouve sa place, progresse à son rythme et développe sa confiance en soi dans un environnement bienveillant.

Profitez d'un accès direct à nos Profs en ligne pour une assistance personnalisée, ou explorez nos exercices et corrigés pour renforcer vos connaissances. Notre assistance scolaire en ligne est conçue pour vous accompagner à chaque étape de votre parcours éducatif, tandis que nos vidéos et fiches de cours offrent des explications claires et concises sur une multitude de sujets. Avec myMaxicours, avancez sereinement sur le chemin de la réussite scolaire, armé des meilleurs outils et du soutien de professionnels dédiés à votre épanouissement académique.

Fiches de cours les plus recherchées

Français

Gargantua : Chapitre 57, le mode de vie des Thélémites, pages 375-377

Français

Gargantua : oeuvre comique ou sérieuse ?

Français

Gargantua : oeuvre de littérature ?

Français

Enonciation et modalisation

Français

Liens entre les arts visuels et le roman au 17e siècle

Français

Méthode de la question de corpus

Français

Relations entre poésie et musique à la Renaissance

Français

Le baroque dans la poésie, en peinture, sculpture, architecture

Français

Les grands traits de l'esthétique surréaliste

Français

Renaissance et humanisme en Europe