Épicure- Terminale- Philosophie
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Épicure (341-271 av. J.-C.) est originaire de
l'île de Samos ; il fonde, en 306, à
l'âge de 35 ans, l'École du Jardin, en
référence à un petit jardin - en fait un
modeste potager - qu'il achète à la
périphérie d'Athènes. Des trois cents
ouvrages qu'Épicure aurait écrit, il reste
principalement trois Lettres, correspondant à une
Physique (Lettre à Hérodote), à
une Météorologie (Lettre à
Pytoclès) et à une Morale (Lettre
à Ménécée). Nous sont
également parvenues quarante Maximes
maîtresses, à propos de la politique et,
encore, de la morale.
La doctrine d'Épicure a été largement
mal interprétée : est qualifié
d'« épicurien », dans le langage
courant et selon les définitions que donnent les
dictionnaires, celui qui, dans la vie, recherche le plaisir,
même si l'on sous-entend qu'il s'agit de plaisirs
raffinés. L'épicurien serait ainsi un
joyeux vivant, un individu qui, avant toute chose, veut jouir
de la vie.
Certes, la notion de plaisir n'est pas
étrangère à la philosophie
d'Épicure. Pourtant, elle ne correspond pas, de toute
évidence, à la recherche effrénée
de jouissances grossières ou triviales, comme ont
voulu le comprendre les détracteurs d'Épicure.
Lorsque Épicure, en effet, fait l'éloge du
plaisir, il s'agit en fait d'un plaisir
négatif : nous devons être
capables de nous contenter de peu. Pour faire
bombance, il suffit à Épicure d'un
petit pot de fromage et d'un quart de vin,
déjà par lui considérés
comme des ingrédients luxueux : en
temps habituel, le pain et l'orge suffisent pour lui
procurer un « plaisir
extrême ». Nous ne devons donc pas nous
méprendre : en affirmant que « le
plaisir du ventre est le principe et la racine du
bien », Épicure veut simplement dire
que manger quand on a faim, ou boire quand on a soif
suffit à rendre un homme satisfait et heureux.
Il conseillait, en outre, de se détourner des
orgies, des beuveries, tout autant que de la jouissance
que peuvent apporter la fréquentation des jeunes
garçons et des femmes : le sexe, autrement
dit, est un vain plaisir, tout autant que sont
superficiels les plaisirs artificiels que nous
procure l'abondance de vin ou de nourriture. Le Jardin
d'Épicure n'est pas l'Académie de Platon.
Les causeries socratiques, on le sait, s'organisaient le
plus souvent à l'occasion de somptueux banquets,
au cours desquels les convives finissaient tout à
fait ivres. Seul Socrate pouvait boire avec excès
sans jamais manifester d'ivresse. C'est en tout cas ce
que rapporte Platon dans ses dialogues. De
surcroît, Épicure était de
constitution chétive, maladive. Il a toute sa vie
souffert de maux de ventre, que les commentateurs
attribuent à ce que nous appelons aujourd'hui des
« calculs rénaux ».
Montaigne était affecté de la même
maladie, et il raconte dans les Essais comment il
a appris à composer avec la douleur.
Ceux qui fréquentaient le Jardin menaient une
vie de moine ; ils respectaient des
règles de vie très strictes
et fuyaient les rassemblements festifs.
La mauvaise réputation d'Épicure, parfois
comparé à un porc, semble par
conséquent être dénuée de tout
fondement.
Élaborant sa physique, Épicure fait
essentiellement l'éloge de la
matière et c'est pourquoi il est
habituellement placé dans la catégories des
philosophes matérialistes. L'ensemble du
réel se réduit à cette
matière ; le monde peut être
comparé à une machine.
En cela, il s'oppose principalement à Platon, pour
lequel seules les Idées ont une
réalité. On comprend ainsi pourquoi les
platoniciens, entre autres, ont pu comparer
Épicure à un
« porc » : cet animal, en
effet, passe le plus clair de son temps à fouiller
dans le sol, à l'aide de son groin, pour
y trouver la nourriture, seule source pour lui de
véritable satisfaction. De plus, la
constitution physique du
cochon l'empêche de pouvoir tendre la
tête vers le ciel ; cela équivaut
à dire qu'il ne peut pas prendre de hauteur.
Il ne peut donc contempler les Idées, et doit se
contenter des affaires bassement terrestres.
La vérité, pour Épicure,
se trouve dans les sensations et dans les
affections, et non pas dans les abstractions. Selon
lui, ces sensations, ces affections sont toutes vraies,
de manière absolue. On le voit, Épicure
veut garder un contact permanent avec le réel,
cause directe de tout ce que nous éprouvons.
C'est pourquoi, sans doute, il se détourne de tous
les récits qui ont néanmoins fait le
succès de la philosophie de Platon : Les
mythes de Prométhée et
d'Epiméthée, dans le Protagoras,
le discours d'Aristophane, dans le Banquet, la
Caverne de la République, ou
encore l'Atlantide dans le Timée ne
sont pour lui que des balivernes. Il n'y trouve, à
proprement parler, aucune philosophie ni aucune morale
envisageables.
À l'Académie, chez Platon, les femmes
sont exclues. Épicure les reçoit au
Jardin. Tandis que Platon distingue les hommes libres
des esclaves, les premiers pouvant seuls être
élevés au rang de citoyens, Épicure
prône l'égalité de tous les
hommes. Il ne croit pas non plus à
l'immortalité de l'âme. Tout semble
séparer la philosophie de Platon et celle
d'Épicure. On raconte qu'Épicure, de son
côté, a affublé Platon du sobriquet
de « Tout-en-or » :
c'était une manière pour lui de
dénoncer l'amour qu'aurait eu Platon pour les
honneurs, les richesses, le pouvoir - pour tout ce
qui brille, en fait - en dépit des critiques
adressées par Platon lui-même envers tous
ceux qui recherchaient la reconnaissance à travers
des qualités artificielles.
D'Épicure, nous devons retenir deux enseignements essentiels, élaborés dans ce que nous pouvons nommer une « Physique » et une « Morale ».
L'étude de la nature est essentielle pour
Épicure. Dans les Maxime maîtresses
(XI), il explique notamment qu'il faut en quelque
sorte « démystifier » la
Nature, pour cesser de craindre des
phénomènes qui paraissent
irrationnels. L'influence de Démocrite est
certaine, dans la mesure où celui-ci
élabore une cosmologie, destinée à
nous faire comprendre le fonctionnement des
mécanismes naturels.
Pour Épicure, le monde est constitué
d'atomes peuplant le vide, s'agençant entre eux
selon des rapports de vitesse aléatoires. Les
combinaisons de ces atomes sont, par définition,
hasardeuses : nul dieu ne peut les avoir
préméditées ou
élaborées. C'est en ce sens que la
physique d'Épicure débouche
immédiatement sur une sorte d'athéisme,
qui cependant n'en est pas véritablement
un : Épicure ne nie pas l'existence des
dieux, il affirme simplement que ceux-ci sont
inoffensifs et ne se mêlent pas des affaires des
hommes. Ils sont hors du temps, et ne font à
ce titre pas partie de la
« réalité »
à laquelle les hommes doivent se restreindre.
Nous avons conscience, par conséquent, que les
dieux existent, mais ceux-ci sont indifférents.
Ils ne peuvent pas, par exemple, vouloir se venger
des hommes, ou encore les récompenser. Ils ne
participent en rien non plus aux
phénomènes naturels ou célestes -
voire météorologiques - qui
pourraient les affecter.
La physique épicurienne débouche
logiquement sur une morale, ou plutôt sur une
éthique, dans la mesure où les principes
qu'il élabore n'ont pas de rapport avec une
idée préexistante du Bien ou du Mal,
auxquels Épicure oppose le
« bon » est le
« mauvais ». Nous devons savoir
reconnaître ce qui nous est
bénéfique et ce qui nous est nuisible.
C'est à ce titre que certains auteurs ont
reconnu chez Épicure l'un des précurseurs
de la doctrine utilitariste : nous pouvons
calculer, évaluer, ce qui est bon ou ce qui est
mauvais pour nous.
La première leçon de la
« morale » d'Épicure est,
par conséquent, que nous n'avons rien
à craindre de ces dieux tranquilles qui ne se
soucient pas de nous. De la même
manière, et il s'agit du second précepte,
nous ne devons pas craindre la mort : elle
n'est en soi ni un Mal, ni un Bien. En effet, explique
Épicure, ou bien nous sommes, et la mort
n'est pas ; ou bien elle est, et nous ne sommes
pas. La crainte de la mort provoque ainsi des
angoisses, et donc des souffrances inutiles.
Épicure pose ensuite, comme troisième et
quatrième principes, que le bien est facile
à atteindre, et que nous pouvons
supprimer la douleur.
La volonté de démystifier de la
nature rejoint, comme nous l'avons expliqué, la
compréhension des désirs humains, dans la
mesure où ceux-ci sont naturels, ou ne sont pas
naturels. Il existe en fait trois sortes de
désir, nous dit Épicure.
- Les désirs naturels et nécessaires : pour la tranquillité de l'âme (ataraxie) et la tranquillité du corps (aponie), nous devons les satisfaire. Ainsi, nous devons étancher notre soif lorsque nous avons soif, manger lorsque nous éprouvons de la faim, dormir lorsque nous sentons le sommeil nous gagner.
- Les désir naturels et non nécessaires : on peut conserver pour les décrire l'exemple de la soif et de la faim. Nous satisfaisons des besoins naturels et non nécessaires lorsque nous buvons du vin et non de l'eau, ou souhaitons des mets raffinés plutôt que des mets simples. Épicure estime même que la sexualité n'est pas indispensable.
- Les désirs non naturels et non nécessaires : ils sont à proscrire. Ce sont des désirs artificiels, superficiels, inutiles, qui ne peuvent que porter préjudice à la tranquillité de l'âme. Les désirs désirables sont ceux que nous pouvons satisfaire sans que leur satisfaction ne nous plonge dans l'agitation ou dans l'anxiété.
Sont naturels et non nécessaires les envies de richesses, de luxe, d'honneurs ou de célébrité. Nous devons, pour mériter notre sérénité, y renoncer.
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