Diffusion de l'information et naissance de l'opinion publique : l'affaire Dreyfus

Les médias se développent considérablement au XIX^e siècle :

• L'invention de la rotative en 1845, puis de la rotative offset en 1863, permet aux quotidiens de tirer quotidiennement à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires.

• Les quotidiens, vendus à prix modique, deviennent rapidement très populaires auprès d'une population plus massivement instruite avec le développement de l'éducation, notamment après les lois Ferry de 1880-1881.

• La loi de 1881 sur la liberté de la presse définit les libertés et responsabilités de la presse française.
• La fin du XIX^e siècle est marquée par l'arrivée de nouveaux médias, plus visuels et s'adressant aux masses : la photographie, l'affiche publicitaire et le cinéma.

Avec l'affaire Dreyfus, le rôle des médias s'affirme. Ils deviennent des tribunes pour des intellectuels défendant leurs idées : la presse devient alors une presse d'opinion.

En octobre 1894, le capitaine Dreyfus est arrêté pour espionnage. Il est soupçonné d'avoir transmis à l'Allemagne des documents sur l'artillerie française et les manœuvres de campagnes.
L’opinion publique découvre l’affaire le 1^er novembre 1894, par une note du Figaro intitulée « Une affaire de trahison » : « Des présomptions sérieuses ont motivé l’arrestation provisoire d’un officier français soupçonné d’avoir communiqué à des étrangers quelques documents peu importants. Il faut qu’on sache très vite la vérité ».
La dépêche est rapidement relayée par La Libre Parole, un journal antisémite, dirigé par Edouard Drumont, un « leader d’opinion », connu pour son ouvrage La France juive.

Malgré les soupçons qui naissaient sur la culpabilité d’un autre officier, Ferdinand Walsin Esterhazy, le gouvernement et l’armée refusent de remettre en cause leur jugement.
Alfred Dreyfus est condamné par un conseil de guerre à la dégradation et à la déportation en Guyane, dans le bagne de Cayenne, le 5 janvier 1895.

La presse se déchaine alors sur la personnalité de Dreyfus et sur les raisons de son acte. De nombreuses rumeurs circulent et sont reprises par les titres de presse.

La France se scinde en « dreyfusards » et « antidreyfusards ».

Malgré plusieurs preuves, Esterházy est acquitté début 1898. C'est le lendemain de ce verdict que Zola signe son célèbre article dans l'Aurore : « J'accuse ». Cette lettre ouverte de l'écrivain a un retentissement considérable en France et dans le monde. Ce texte accusait le conseil de guerre d'avoir condamné Dreyfus parce qu'il était juif.

Une partie de l'opinion publique est maintenant acquise à la cause de Dreyfus alors qu'avant la publication du J'accuse de Zola, 96 % des quotidiens de la capitale défendent l'armée et l'Église et 85 % sont encore antidreyfusards. La révision du procès devient alors inévitable.
Pour calmer les esprits, le président de la République gracie Dreyfus en 1899. Dreyfus est réhabilité en 1906.

La presse se construit vraiment dans cette affaire, car elle fidélise un large public et mobilise l'opinion. La presse quotidienne devient une presse d’opinion. De fait, elle contribue à modeler, transformer l’opinion publique. À travers cette affaire, il apparait une nouvelle figure, celle de l'intellectuel, qui prend la plume pour défendre ses idées dans les médias et attirer l'attention de l'opinion publique sur des problèmes politiques.