Candide : Lecture méthodique, chapitre 1, l'incipit
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1. Quartiers : nombre d’ascendants dont la noblesse
est prouvée.
2. Piqueurs : ceux qui, à la chasse à courre,
dirigent la meute à la poursuite du gibier.
3. Grand aumônier : prêtre attaché
à la cour d’un prince ou d’un roi par
opposition à la modeste fonction de vicaire du
village.
4. Point d’effet sans cause : allusion aux Essais
de Théodicée de Leibniz.
5. Chausses : bas.
On tentera de démontrer que cet incipit répond bien au genre du conte philosophique ; en montrant tout d’abord qu’il fait entrer le lecteur dans un univers apparemment merveilleux, qui semble cependant bien dérisoire et ridicule, et ensuite qu’il annonce d’emblée la tonalité critique du récit.
Le cadre spatial identifié : l’action se déroule en « Westphalie » - terme à consonance germanique - dans un « château ». La première phrase fait étrangement penser au début traditionnel des contes : « il était une fois… ».
Présentation des personnages : noms, statuts, fonctions et liens : évocation du héros, Candide et de ceux qui l’entourent : la famille de Thunder-ten-tronckh et Pangloss.
→ Une fonction informative.
Le temps mythique du conte
Récit : imparfait : aspect duratif. Le lecteur ne perçoit ni le début, ni la fin de ce qui est évoqué. Il ne peut situer précisément l’action ni sa durée dans le temps.
Un monde qui semble figé, stable. Un temps mythique – pas de référence au cadre temporel –, éternel.
→ Incipit qui présente une situation qui paraît éternelle et paradisiaque.
Un univers parfait
Tout semble parfait, et toutes les voix utilisées dans le récit le montrent.
Le narrateur présente le cadre et les personnages comme idéaux : vocabulaire mélioratif + superlatifs hyperboliques.
Pangloss, par ses propos rapportés au style indirect puis au style direct souligne aussi la perfection de ce « meilleur des mondes ».
Candide lui-même utilise de nombreuses hyperboles finales.
→ Un univers paradisiaque, idyllique.
Transition : On retrouve dans cet extrait les marques d’un incipit de conte ; on relève aussi des indices qui mettent au jour la dimension ridicule et dérisoire de ce paradis ridicule.
La puissance du baron est justifiée mais l’explication semble totalement dérisoire : son « château a une porte et des fenêtres » donc il est « un des plus puissants seigneurs de la Westphalie » !
Le poids de la baronne lui attire toute la « considération » des autres : là encore cette conséquence apparaît injustifiée et ridicule.
Cunégonde, elle, est présentée comme un mets appétissant : elle ne semble être bonne qu’à être goûtée !
Le fils du baron est « digne de son père » : on peut y lire une antiphrase dans la mesure où le narrateur n’a fourni aucun indice de dignité du père.
→ Une critique sous-jacente de la noblesse. Les personnages ne doivent leur noblesse, leur pouvoir qu’à des détails insignifiants, qu’à l’apparence ou qu’à leur naissance.
Un baron bien illusoire
Le nom du baron est certes imposant par sa longueur mais tellement ridicule et lourd, ce qui est renforcé par ses sonorités gutturales.
Le baron se prend pour un grand : lui qui est appelé « monseigneur », il fait passer ses vulgaires chiens pour « une meute », - ce qui est valorisant car y sont associées des connotations de richesse par la chasse à courre – idem pour ses palefreniers et son vicaire.
Ce baron suscite le sourire ou le rire car il raconte des contes : on peut peut-être voir un jeu de mots : le baron – qui n’est pas comte - raconte non pas des contes mais bien des histoires…
→ Un personnage qui est une sorte de fantoche, que l’on ne peut prendre au sérieux.
Un monde dominé par un nigaud
Le nom de Pangloss signifie étymologiquement « tout en langue », c’est-à-dire qui ne fait que parler : en effet, il ne fait que répéter la même chose.
Il apparaît comme imbu de sa personne et de son savoir (assurance démonstrative de son discours), alors que le nom de la discipline qu’il enseigne n’est que lourdeur, confusion : la présence de la sonorité « nigaud », synonyme d’imbécile, montre bien le jugement ironique de Voltaire à l’égard de ce personnage.
→ La présentation de Pangloss est très ironique et donc critique.
Transition : Dans cet incipit le monde merveilleux paraît bien ridicule. On assiste à une sorte de parodie de conte d’abord au service d’une critique de la noblesse, mais aussi au service d’une critique plus métaphysique.
Se lit ici une critique d’une certaine conception du bonheur ; pour Candide elle se réduit à quatre éléments dérisoires : être né baron, être Melle Cunégonde, la voir tous les jours, entendre Pangloss…
Le royaume du baron est vu comme le meilleur des mondes, mais la présentation ridicule de Voltaire est déjà un démenti.
La logique ridicule de l’optimisme
Cette philosophie est soutenue par Pangloss, c’est-à-dire par un imbécile.
Son discours est apparemment logique (cf. les connecteurs logiques), argumenté et illustré, mais sa logique aberrante : il fait de véritables syllogismes, c’est-à-dire des raisonnements logiquement justes mais dont la conclusion est fausse.
Ses exemples sont plus que terre à terre (le nez, la jambe, les pierres, les cochons) pour paraître vraiment philosophiques et sérieux.
Par cette évocation ironique du bonheur selon Pangloss, Voltaire dénonce l’idée de Pangloss-Leibniz selon laquelle le monde est une succession de causes et d’effets parfaitement enchaînés qui contribuent à faire du monde « le meilleur de mondes ».
→ Cet incipit n’est donc pas seulement narratif et informatif, il est déjà critique.
La visée principale de Voltaire est de démontrer que le monde n’est pas le « meilleur des mondes » : l’univers de Thunder-ten-tronckh est un paradis bien illusoire, Candide l’apprendra bien vite puisqu’il s’en fait chasser, et les discours de Pangloss sont présentés comme ridicules, aberrants et inacceptables.
La suite du conte, par le récit des aventures de Candide, va montrer que le monde est une longue litanie de malheurs et d’horreurs : le conte n’est donc qu’un vaste démenti de la philosophie de l’Optimisme.
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