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Baruch Spinoza

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Spinoza est né à Amsterdam dans la communauté juive portugaise. Un grand nombre de Juifs ont fui l’Inquisition et se sont réfugiés en Hollande. Sa famille fait donc partie de ces juifs descendants des « marranes ». Il est, à 24 ans, accusé de matérialisme (parce que le concept de « corps » est aussi important pour lui que celui d’« âme »), d’immoralisme (les notions de « bon » et de « mauvais » doivent se substituer à celles de « bien » et de « mal ») et d’athéisme (Dieu doit être assimilé à la nature), et chassé de cette communauté. Ni juif ni chrétien, Spinoza est suspect ; il le demeurera toute sa vie.
Dans la vie civile, Spinoza est polisseur de lentilles ; c’est un artisan.
Il est contraint de quitter Voorburg, près de La Haye, où il s’était installé en 1660, après la publication en 1670 du Traité Théologico-politique – l'un des seuls ouvrages, par ailleurs, publié de son vivant. Il meurt à La Haye en 1677.
« Nous savons, écrit Alain (dont le vrai nom est Paul-Emile Chartier – 1868-1951), par ses biographes, qu’il était simple et bon, qu’il vivait de très peu de choses, et que, malgré sa mauvaise santé, il était heureux ».

1. Les principaux aspects de la philosophie de Spinoza
a. La méthode : more geometrico

Le modèle de la science est pour Spinoza, comme pour la plupart philosophes du XVIIe siècle, celle des mathématiques (more geometrico) : « la méthode des mathématiques dans la découverte et dans l’exposé des sciences – c’est-à-dire la démonstration des conclusions par définitions, postulats et axiomes – est la meilleure et la plus sûre pour chercher la vérité et l’enseigner ; voilà l’opinion unanime de tous ceux qui veulent s’élever au-dessus du vulgaire » (Incipit des Principes de la philosophie de Descartes).
Tout en critiquant certains points de la philosophie de Descartes, il lui rend hommage, pour précisément avoir mis en évidence l’importance de la mathesis universalis, la « mathématique universelle ».

b. « Deus sive natura »

« Dieu, c’est-à-dire la Nature » : c’est pour avoir affirmé que Dieu et la Nature sont une seule et même chose que Spinoza est accusé de prôner une doctrine panthéiste. Certes, pour lui tout ce qui existe est en Dieu, mais Dieu n’est pas, comme l’affirment les religions juives et chrétiennes, supérieur à tout ce qui existe dans le monde. Dieu est dans le monde, et forme un seul tout avec la Nature. Il est par exemple impossible, pour le dieu de Spinoza, d’intervenir dans le cours des événements, ou de produire des miracles. Dieu n’a pas de volonté : il représente une substance infinie, sans commencement ni fin. Puisque Dieu est la Nature, et puisque l’homme est lui-même une partie de la Nature, alors Spinoza en déduit que l’homme est une partie de Dieu. C’est pourquoi il peut écrire : « Nous sentons et nous expérimentons que nous sommes éternels. »
L’ « athéisme » de Spinoza est donc très relatif : il est en fait accusé d’athéisme pour ne pas concevoir Dieu comme le conçoit la religion judéo-chrétienne.

2. La liberté. Le désir.
a. La question de la liberté

Parce qu’il est une partie de la Nature, l’homme est à ce titre dépourvu de volonté – à l’image de Dieu. Puisqu’il n’a pas de volonté, on ne peut le considérer comme libre. Sur ce point précis Spinoza s’oppose à Descartes, pour lequel la volonté et la liberté de l’homme sont infinies. Il faut donc bien comprendre ce que lie, à cette époque, la volonté et la liberté. Vouloir, c’est exprimer sa liberté.
Mais pour Spinoza, les désirs des hommes sont déterminés par des causes qu’ils ignorent. C’est pourquoi on fait généralement de Spinoza le précurseur de la psychanalyse, et des théories freudiennes : nous ignorons ce qui nous fait agir. Nous croyons agir librement, mais c’est une illusion : « c’est ainsi qu’un petit enfant croit librement appéter – appetere – le lait, un jeune garçon en colère vouloir la vengeance, un peureux la fuite. Un homme en état d’ébriété croit aussi dire, par un libre décret de l’âme, ce que, sorti de cet état, il voudrait avoir tu… » (Ethique, III, scolie de la Proposition 2 – traduction Charles Appuhn).
Une lettre est restée célèbre dans l’histoire de la philosophie, celle que Spinoza envoie à Schuller, en 1674 ou en 1675, dans laquelle il explique que Dieu existe librement parce qu’il existe par la seule nécessité de sa nature. Cela revient à dire que la liberté équivaut à la nécessité, que nous ne sommes pas très bien enclins à comprendre : en fait, Dieu ne peut pas faire autrement que d’être libre. Il ne s’agit pas de cette liberté, en effet, nous parlons communément : être libre, c’est exercer notre volonté, c’est faire des choix ou prendre des décisions.
Sachant que nous ne sommes pas libres, dit en substance Spinoza, nous pouvons aspirer à le devenir.

b. Une philosophie du désir : le conatus. Une philosophie de la «joie»

L’homme n’est pas essentiellement un être de connaissance, mais de désir. L’essence de l’homme est le désir (le « conatus »), écrit Spinoza dans le livre III de L’Ethique. Le « désir » ne correspond pas à ce que nous entendons habituellement par ce terme aujourd’hui : le désir est l’effort pour persévérer dans son être. L’effort pour être correspond à une augmentation de la puissance d’exister. La connaissance n’est pas la finalité du désir ; c’est au contraire pour exprimer son désir que l’homme s’efforce de connaître : « On ne désire pas une chose parce qu’elle est bonne, c’est parce que nous la désirons que nous la trouvons bonne ».
Pour certains auteurs contemporains, tel Gilles Deleuze, le concept de désir est central dans la philosophie de Spinoza. Celle-ci correspond également à une « philosophie de la joie », ce qu’il faut comprendre de la manière suivante : il existe en effet, pour Spinoza, deux passions, ou « affections du corps » fondamentales, dont découlent toutes les autres, la joie et la tristesse. De la joie découlent l’amour, la générosité, la force d’âme ou le courage, qui représentent des passions positives. De la tristesse proviennent l’envie, la haine, la jalousie ou l’ambition, passions négatives.
La joie doit évidemment être cultivée et encouragée, et la tristesse éloignée, et éradiquée.

3. Les rapports entre le corps et l'esprit
a. Le monisme spinoziste, en opposition au dualisme cartésien. Le parallélisme.

Selon Spinoza, il n’existe qu’un seul être, l’homme : celui-ci se décline sur un mode intellectuel et sur un mode corporel. Spinoza admet que l’homme est constitué d’un corps et d’un esprit, mais il n’est pas « double » pour autant, et c’est en cela précisément qu’il rejette le dualisme cartésien. Corps et âme sont en fait un seul et même être, exprimé de manière différente : « L’esprit et le corps, c’est un seul et même individu que l’on conçoit tantôt sous l’attribut de pensée, tantôt sous celui de l’étendue ». Le corps est donc, en langage spinoziste, un mode de l’étendue et l’esprit un mode de la pensée.
La conséquence est la suivante : il faut désormais penser le corps à partir du corps lui-même, et non à partir de l’esprit. L’esprit dépend tout autant du corps que le corps dépend de l’esprit : il s’agit d’un parallélisme entre le corps et l’esprit, et non pas d’une union, comme le pense Descartes.

b. Il faut connaître le corps autant que l'esprit

Ainsi, il est nécessaire de connaître le corps pour connaître l’esprit : cette idée, précisément, fait scandale. Valoriser le corps, c’est dévaloriser l’esprit, ce qui ne fait pourtant pas partie du propos de Spinoza.
Mais c’est en vertu de sa spiritualité, par exemple, que l’homme est considéré comme un être supérieur aux autres êtres vivants. Spinoza ne nie pourtant pas la supériorité de l’homme ; il explique simplement que la connaissance du corps est aussi nécessaire que la connaissance de l’esprit : « Ainsi, pour déterminer en quoi l’esprit humain diffère des autres et en quoi il l’emporte sur les autres, il nous est nécessaire de connaître, comme nous l’avons dit, la nature de son objet » (Ethique, II, 13, scolie).

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