Adam Smith
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Adam Smith (1723-1790) est un philosophe écossais, considéré comme le fondateur, au siècle des Lumières (ou de l'Enlightment, terme anglais correspondant), du libéralisme économique. Il introduit une science nouvelle, qu'on nommera « économie politique ». Il est l'auteur de deux œuvres majeures, L'Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776), et la Théorie des sentiments moraux (1769), ouvrage dans lequel Smith se demande si le sens moral est, chez l'homme, inné.
Smith affirme, dans la Théorie des sentiments moraux, que l'homme éprouve de la sympathie à l'égard de ses semblables, qui lui permet de dépasser sa propension naturelle à l'égoïsme. L'individu est en effet capable de se mettre à la place d'un autre individu, lorsque celui-ci souffre, par exemple. L'homme éprouve donc de la compassion à l'égard de ses semblables ; néanmoins, cette compassion relève finalement de l'égoïsme, dans la mesure où il s'identifie à celui qui souffre, par exemple. Il peut véritablement, néanmoins, se réjouir du bonheur d'autrui. La bienveillance à l'égard de nos congénères demeure, pour Smith, le véritable mobile de nos actions. C'est pourquoi l'idée d'un bonheur possible pour l'ensemble des hommes reste primordiale dans sa pensée. La réalisation d'un bien commun ne peut cependant pas ressortir d'une finalité, d'un dessein qui seraient ceux de l'État. Seuls les individus peuvent concourir à leur propre bonheur.
Dans l'Enquête sur la nature et les causes de
la richesse des nations, Smith met l'accent, au
contraire, sur l'égoïsme
humain : spontanément, l'homme cherche
à satisfaire ses désirs particuliers, il
poursuit son propre intérêt. Pour Smith,
cet égoïsme naturel ne pose pas de
problème moral majeur, dans la mesure où
cette tendance qu'a l'homme à assurer en premier
lieu son propre bonheur contribue à la
réalisation du bonheur
général.
Reste que, selon Smith, et d'une manière plus
générale, ce qui relève de
l'économie ne relève pas de la
morale. On lui reprochera donc, sur le plan
économique, ce qu'on a reproché à
l'homme politique et philosophe italien Nicolas
Machiavel (1469-1527) sur le plan politique, à
savoir de séparer radicalement les questions
politiques des questions morales.
La maxime du « laisser faire, laisser
passer », que l'on associe au
libéralisme économique, et au nom d'Adam
Smith, ne figure cependant pas dans l'œuvre de ce
dernier. Elle est attribuée à
l'économiste et négociant français
Vincent de Gournay (1712-1759). Cet adage
équivaut tout simplement à la
liberté d'entreprendre, et à ce que soit
assurée la propriété privée
des moyens de production, seule capable de créer
la richesse économique des nations. Smith
établit les bases, par conséquent, de
ce que nous appelons aujourd'hui le
« libre-échange ».
Inséparable du libre-échange, la
théorie dite de « la main
invisible » relève de la conviction
suivante : les actions guidées par
l'intérêt individuel - par
l'égoïsme, donc - concourent à
l'épanouissement économique des pays.
En poursuivant son propre intérêt,
l'individu contribue à créer les
conditions de réalisation de
l'intérêt général.
L'égoïsme n'est pas, à ce titre, un
sentiment immoral, dans la mesure où il
contribue à l'utilité publique :
« tout en ne cherchant que son
intérêt personnel, [l'individu] travaille
souvent d'une manière bien plus efficace pour
l'intérêt de la société, que
s'il avait réellement pour but d'y
travailler » (Enquête sur la nature
et les causes de la richesse des nations, Livre IV,
chapitre 2).
La « main invisible » correspond,
par conséquent, à une sorte de
providence, d'heureux hasard, qui fait qu'en
poursuivant son intérêt particulier,
l'individu contribue à la bonne santé du
tout.
On retrouve une idée similaire à celle de
« la main invisible » chez
Bernard de Mandeville, médecin et philosophe
hollandais, dans l'ouvrage intitulé La fable
des abeilles, paru en 1714. L'idée selon
laquelle les « vices
privés » concourent au
« bien public » est
exprimée dans la fable. Montrant comment
l'orgueil et la vanité des hommes -
prétendus vices - et comment encore la modestie
ou l'honnêteté - prétendues vertus
- produisent les effets inverses de ceux attendus,
La fable des abeilles provoque, au
XVIIIe siècle, un véritable
scandale, dans la mesure où, finalement, les
vertus sont présentées comme des vices,
et les vices comme des vertus. En effet, les
premières ne sont aucunement utiles, tandis que
les secondes le sont.
Kant, par le biais de la théorie de
« l'insociable sociabilité des
hommes », montre dans
l'Idée d'une histoire universelle d'un point
de vue cosmopolitique (1784) que les tendances
naturelles des hommes sont
contradictoires : spontanément,
l'homme est à la fois sociable et
associable. Il recherche en même temps
l'isolement et la solitude, mais aussi la compagnie de
ses semblables. Ainsi, la propension naturelle que
l'homme a de poursuivre son propre intérêt
peut en effet s'avérer utile à la
société : un accord
pathologiquement extorqué en vue de
l'établissement d'une société peut
se convertir en un tout moral. De cette manière,
un défaut (l'égoïsme) peut se
transformer en une qualité.
En affirmant que l'État ne doit pas intervenir
dans les agissements privés des hommes, sur le
plan économique, Smith pose les bases
du libéralisme. Il ne relève pas des
fonctions d'un État de vouloir planifier le
bonheur de tous les hommes. Le rôle de
l'État doit par conséquent se borner
à ce que puissent se développer les
mécanismes économiques. Smith
est convaincu que l'autorégulation des
marchés est capable de générer
l'harmonie sociale. Les princes et les ministres ne
peuvent, quoi qu'il en soit, vouloir surveiller,
réguler ou évaluer les productions des
individus particuliers : « qu'ils
surveillent seulement leur propre dépense,
écrit Smith, et ils pourront s'en reposer sans
crainte sur chaque particulier pour régler la
sienne ».
Demeure en outre du ressort de l'État les
affaires relatives à la sécurité,
à la paix civile, ou encore à
l'éducation des classes les plus pauvres.
Smith n'est donc pas hostile à
l'État, lequel doit néanmoins encourager
le désir des individus d'améliorer les
conditions matérielles de leur existence.
Il ne faut cependant pas assimiler la pensée
libérale de Smith à un libéralisme
cynique et violent, habituellement
considéré comme responsable du
mécanisme selon lequel l'enrichissement des
riches favoriserait l'appauvrissement des pauvres.
Smith s'attaque par exemple au colonialisme et à
l'esclavage, et montre qu'il s'agit, dans les deux cas,
de deux entreprises d'exploitation extrêmement
coûteuses. On le voit, Smith raisonne
essentiellement en économiste, et non en
moraliste ou en termes d'égalité ou
d'inégalité entre les hommes, ce qu'on
peut évidemment lui reprocher.
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