1822 : le massacre de Chios et le philhellénisme
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- Quiz et exercices
- Vidéos et podcasts
- Comprendre comment la cause des Grecs est défendue en Europe au moment de la guerre d’indépendance contre l’Empire ottoman.
- Le massacre de Chios, perpétré par les Turcs de l’Empire ottoman, est un épisode sanglant de la guerre d’indépendance grecque.
- Ce massacre marque l’opinion publique internationale et donne naissance au « philhellénisme » : poètes, peintres et comités de soutien se mobilisent pour lever des fonds afin de financer les Grecs et mobiliser l’opinion publique en leur faveur.
- Le philhellénisme poussent les États européens à s’engager officiellement dans la guerre aux côtés des Grecs.
Au XIXe siècle, l’Empire turc est un vaste empire, puissant et multi-ethnique. Il est cependant fragilisé par des mouvements nationalistes, et influencé par les idées de la Révolution française.
En 1821, les Grecs se révoltent et réclament leur indépendance. En 1822, la population civile de Chios est massacrée par l’armée turque en guise d'exemple. Cet épisode sanglant de l'histoire de l’indépendance grecque marque l’opinion européenne. Le philhellénisme prend alors des aspects divers : des artistes et intellectuels se manifestent, des volontaires s'engagent militairement, des États d’Europe entrent en guerre.
Comment le massacre de Chios favorise-t-il l’émergence d’un courant d’opinion favorable à l‘indépendance de la Grèce en Europe ?
Conquise par les Turcs ottomans au XVe siècle, la Grèce fait partie de l’Empire ottoman.
Influencés par des idées libérales et nationales, les Grecs se révoltent contre l’Empire ottoman dès le mois de mars 1821 : ils proclament leur indépendance au Congrès d’Épidaure en janvier 1822. Les Grecs sont victorieux durant deux années, avant d'enchainer les défaites car les Ottomans s'allient à l’Égypte, grande puissance militaire.
Les insurgés grecs souhaitent rallier à leur cause les habitants de l’ile de Chios, peu favorables à cette idée. En effet, pour s’assurer de la fidélité des habitants, le sultan turc a renforcé ses troupes dans l'ile, qui est l'une des plus riches de l’Empire grâce à l’exploitation du mastic tirée de la sève d’un arbuste méditerranéen. Les Grecs prennent cependant d'assaut la capitale de l’ile.
Les Turcs reprennent l'ile et, sur ordre du sultan, la détruisent complètement : ils exécutent une partie la population de Chios — les enfants de moins de 2 ans, les hommes de plus de 12 ans, les femmes de plus de 40 ans — et réduisent en esclavage le reste des habitants.
Le 12 avril 1822, la population de Chios est massacrée par les troupes du sultan. Le bilan est lourd : on compte environ 20 000 morts, et 10 000 personnes réduites en esclavage. Beaucoup d’habitants ont fui et se sont réfugiés dans les autres iles grecques.
Ce massacre marque l’opinion publique internationale et donne naissance au philhellénisme.
La Grèce est une source d'inspiration pour les auteurs romantiques : le pays fascine par son histoire, sa civilisation, ses héros. Située aux portes de l'Orient, la Grèce est synonyme pour eux de contrées lointaines, et est teintée d’exotisme — thèmes chers aux romantiques. Le combat des Grecs, opprimés, est à leurs yeux un combat juste.
« Scènes des massacres de Scio », Eugène Delacroix, 1824, huile sur toile.
Observation du document :
Eugène Delacroix peint, en 1824, un tableau
intitulé Scènes des massacres de
Scio. Considérée comme
engagée, cette peinture d’histoire montre
les conséquences de la domination turque : la
réduction d’une population civile à
l’esclavage (civils au pieds du Turc
à cheval), la souffrance humaine (visible
sur les visages, enlèvement d’une femme
par le cavalier) et la désolation (ville
en feu à l’arrière-plan).
Le cavalier turc triomphant apparait comme un
barbare ; il s’en prend à une femme
sans défense. Le peintre veut frapper
l’observateur en peignant des
émotions. Cette toile est exposée
en 1824 à Paris.
Victor Hugo, comme d’autres écrivains romantiques de l’époque, dénonce la violence des Turcs envers la population civile de Chios dans un poème :
Victor Hugo, « L'Enfant », Orientales, 1829
Dans son poème, l’enfant est un survivant du massacre qui choisit de poursuivre le combat contre son ennemi : « Je veux de la poudre et des balles », répond l’enfant à l’auteur.
George Byron, poète romantique britannique (mort en 1824 en Grèce) et défenseur des libertés, embarque pour la Grèce : là, il finance les insurgés grecs.
Benjamin Constant, écrivain et homme politique gagné par les idées libérales, publie « Appel aux nations chrétiennes en faveur des Grecs » en 1825. Il justifie l’intervention de la France aux côtés des Grecs.
Des comités de soutien se forment en Europe et à Philadelphie : ils lancent des souscriptions et récoltent des sommes d’argent importantes pour les Grecs. Leurs membres sont d’horizons politiques parfois opposés. Des concerts, des quêtes, des expositions sont organisés ; des images de la Grèce circulent pour financer la guerre. Les loges maçonniques d'Europe collectent des fonds auprès de leurs membres.
Des engagements militaires individuels se font
par ailleurs : ils sont surtout remarquables en 1822.
Marseille devient alors le port d'embarquement de ces
volontaires qui viennent de toute l’Europe et qui
vont combattre en Grèce. Après 1827, les
départs deviennent moins nombreux.
Ces engagements poussent la diplomatie
européenne à réfléchir
à des solutions pour stopper les massacres.
D’abord peu enclins à défendre la cause des Grecs, les États d’Europe se laissent progressivement convaincre.
Le Royaume-Uni et la Russie se proposent d’abord d'agir en médiateurs ; ils préconisent une solution diplomatique, et prévoient un État grec mis sous tutelle ottomane. Devant le refus du sultan, des interventions militaires sont lancées : en octobre 1827, la flotte ottomane située à Navarin est détruite. La Russie déclare la guerre à l’Empire ottoman en 1828.
En France, Chateaubriand, ancien ministre des
Affaires étrangères et membre de la
Chambre des pairs, propose en 1826 une loi
interdisant aux marins français de participer au
trafic d’esclaves grecs. Il souhaite
également l’intervention de la
France aux côtés des Grecs afin de
rejoindre le Royaume-Uni et la Russie.
La France envoie un détachement de 14 000
soldats à partir de 1827, et reprend le
Péloponnèse ; de leur
côté, les Britanniques prennent les
commandes de la flotte grecque.
Les arguments émis en faveur de l'intervention militaire sont des arguments religieux : les Grecs sont des Chrétiens, notre civilisation européenne est l'héritière de leur histoire et de leur culture.
Chateaubriand, dans son discours à la Chambre des pairs le 13 mars 1826
La Russie, quant à elle, voit dans l'intervention militaire une occasion politique de renforcer son influence dans les Balkans, afin de s’assurer le libre accès des détroits du Bosphore et des Dardanelles.
Ces différentes prises de position constituent une rupture dans la diplomatie européenne. En effet, par le biais de Traité de la Sainte-Alliance de 1815, les vainqueurs de Napoléon se sont engagés à maintenir les monarchies au pouvoir et à intervenir militairement contre toutes tentatives de renversement du régime ; c'est notamment une position défendue par Metternich, un diplomate allemand. La guerre d’indépendance et le philhellénisme obligent les puissances européennes à se ranger auprès des Grecs révoltés contre l’Empire ottoman.
Le 3 février 1830, le sultan Mahmoud II reconnait l’indépendance grecque lors de la signature du Protocole de Londres. Cependant, c’est une monarchie de droit divin qui s’installe alors au pouvoir.
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